Algérie résistance
Manifestation des policiers algériens :
un précédent historique
Mohsen Abdelmoumen
Manifestation des policiers algériens
devant le siège de la Présidence. D.R.
Lundi 20 octobre 2014
Nous assistons à une série de
manifestations à l’échelle nationale qui
met en lumière la souffrance – et nous
pesons bien les mots – des policiers en
Algérie et leurs problèmes
professionnels. La première répercussion
immédiate de l’échec total du quatrième
mandat de Bouteflika et de ceux qui le
portent vient en effet d’avoir lieu avec
la manifestation des URS (Unités
Républicaines de la Sûreté) que ne
demandent ni plus ni moins que la
démission du Directeur général de la
Sûreté Nationale, le Général major
Abdelghani Hamel, pressenti comme un
éventuel successeur du président
Bouteflika ou du Général de corps
d’armée Mohamed Mediène, dit Toufik, à
la tête du DRS. L’échec monumental d’Abdelghani
Hamel dans la gestion de cette crise
compromet désormais sa carrière, mais
au-delà du fiasco personnel du chef de
la Sûreté nationale, le mouvement des
policiers en Algérie met en évidence
l’impéritie des dirigeants politiques du
pays qui, au lieu de s’appuyer sur une
vision stratégique et surtout sur une
politique adéquate, utilisent la gestion
sécuritaire du tout et du rien, et la
crise de Ghardaïa en est l’illustration
parfaite.
Plutôt que de prendre leurs
responsabilités et de travailler
efficacement au règlement politique de
la crise à Ghardaïa qui, rappelons-le,
représente un danger pour la sécurité du
pays avec cette confrontation
confessionnelle que l’Algérie n’avait
jamais connue auparavant et dont elle se
passerait bien volontiers, et avec tout
ce qui se passe sur nos frontières est,
ouest, sud, où l’instabilité, voire le
chaos, est omniprésente, les
responsables politiques bricolent à la
petite semaine. Le pouvoir de Bouteflika
est-il capable, comme il a voulu nous le
faire croire lors de la promotion du
quatrième mandat néfaste, d’être le
garant d’une stabilité quelconque alors
que, pour la première fois, un corps
constitué comme la Police s’est soulevé
contre la situation plus que
catastrophique dans laquelle se trouvent
ses éléments et que les manifestations
ne vont pas s’arrêter? Comment peut-on
nous parler de sécurité quand les
institutions garantes de cette stabilité
se rebellent contre l’ordre établi ? Nos
effectifs policiers ont été pressés
comme des citrons et usés jusqu’à la
corde, et les divers témoignages se
multiplient pour dévoiler la vie de ces
hommes confrontés à des conditions de
travail inhumaines, travaillant jour et
nuit, voyant rarement leurs familles
(certains n’ayant pas été relevés depuis
un an), étant écartés de tout droit au
logement, travaillant comme des esclaves
pour un salaire de misère et n’ayant
aucun syndicat pour les défendre. L’une
de leurs revendications porte sur le
retrait du fonctionnement 3×8 qui
occasionne des dégâts pour la santé et
qui était une mesure de rétorsion
pratiquée dans l’armée allemande durant
la seconde guerre mondiale. Qu’y a-t-il
de plus légitime que de demander des
conditions de travail plus humaines et
un salaire décent ? Il est à signaler
que pendant les manifestations, ce 16
octobre, trois policiers ont été tués
par des terroristes à Zemoura dans la
wilaya de Bordj Bou Arréridj, ce qui
nous renseigne sur les risques de ce
métier dangereux et ingrat. Il ne faut
pas oublier que nos policiers sont loin
d’être des analphabètes et qu’il y a
parmi eux des gens très instruits qui
devraient être encouragés et récompensés
plutôt que d’être méprisés. Nous avons
rencontré certains d’entre eux, ce sont
des hommes tout à fait respectables et
professionnels mais qui souffrent d’une
situation extrêmement difficile
imputable aux responsables politiques.
Notre enquête sur le terrain nous a
présenté le moral en berne de la Police
nationale qui fait face à un surplus de
travail dû à une insécurité accrue et à
un gangstérisme en expansion qui a
remplacé le terrorisme. Et tant va la
cruche à l’eau qu’à la fin elle se
brise, dit le proverbe. Le pouvoir
politique algérien a donc sur les bras,
non pas une manifestation de dissidents
ou de partis d’opposition, mais un
mouvement de protestation de la Police
nationale qui a combattu le terrorisme
et qui est une institution républicaine
très légaliste en proie à un ras-le-bol
qui nous renseigne sur les conditions de
travail de ce corps, et l’on a
l’impression que les dirigeants
politiques de l’Algérie n’ont pas pris
au sérieux les indices annonciateurs de
ce qui ne peut être désigné autrement
que par le mot mutinerie. Une délégation
des policiers a été reçue par le Premier
ministre dans l’aile réservée aux
conseillers de la présidence, où
Abdelmalek Sellal a promis de donner
satisfaction aux revendications des
manifestants, excepté sur le paragraphe
concernant la destitution de Hamel. Les
absents ont toujours tort, et le vide
laissé par le président malade a révélé
au grand jour la paralysie du pouvoir.
Ce n’est certes pas le frère cadet du
président auquel on prête l’intention de
briguer la fonction suprême qui va
pouvoir solutionner des crises de cette
gravité, car on ne peut à la fois tirer
les ficelles dans l’ombre et se produire
sur la scène. Evidemment, il n’y a eu
aucune démission, alors que les
policiers exigent le départ immédiat du
Directeur général de la Sûreté Nationale
qui, clairement, a failli dans sa
mission. En effet, en tant que chef de
la police, ignorer totalement le marasme
dans lequel se trouvent les éléments
sous ses ordres qui souffrent au
quotidien, tout comme la population
algérienne, sauf que les policiers
travaillent dans un secteur très
sensible et qu’au moindre pépin, c’est
toute l’institution, voire tout le pays,
qui en pâtit, démontre un manque absolu
de discernement. Il faut méditer sur
l’impact qu’aura ce véritable séisme qui
secoue l’Algérie, ce soulèvement
légitime à tous points de vue que
certains oiseaux de mauvais augure
imputent au combat clanique ou au
règlement de comptes entre segments du
régime. Cette lecture ne nous apporte
rien et n’est qu’un pur fantasme pour
nous vendre du sensationnel qui a
toujours porté ses fruits en Algérie,
nous l’avons vu dans d’autres affaires,
en tablant sur une mutinerie organisée
visant la tête d’un successeur potentiel
de Bouteflika ou de son clan. C’est un
raccourci que d’affirmer cela.
Concernant la lutte des clans, il est
stupide d’affirmer quoi que ce soit car
personne n’est dans le secret de dieux.
Il est à signaler aussi que les
policiers demandent la levée de toutes
les pressions qu’ils subissent de la
part des hauts responsables et des
hommes d’affaire, ce qui nous éclaire
sur les épreuves que vivent ces éléments
face aux nouveaux riches qui sont montés
en puissance dans un laps de temps très
court et qui les malmènent au quotidien.
Les bagarra et affairistes corrompus
nuisent effectivement aux institutions
de la République et la preuve se trouve
dans cette revendication. Il faudra tôt
ou tard effectuer une purge – au karcher
s’il le faut ! – de ces potentats et
maquignons qui ont spolié des espaces
républicains, car ils ont vidé toutes
les institutions et s’attaquent à
présent à celles qui restent encore
debout pour défendre la République. Il
s’agit d’une véritable mainmise du lobby
de l’argent sale qui a montré à quel
point il est pernicieux, et les
policiers, conscients de ces enjeux, ont
tenu à ajouter ce point dans leurs
revendications. Aujourd’hui, le lobby de
l’argent sale qui est le véritable
moteur du pouvoir de Bouteflika,
constitue un réel danger pour l’Algérie.
La presse aux ordres du clan
présidentiel, quant à elle, s’est livrée
à un lynchage monstrueux contre les
policiers manifestants. Cette pseudo
presse aux ordres du gang mené par Saïd
Bouteflika a montré qu’il faut également
nettoyer ce secteur une fois pour
toutes, à commencer par le « sinistre »
de la Communication qui doit – et va –
partir bientôt. La presse du clan
Bouteflika, gangrenée par l’argent sale,
a versé dans la calomnie et la
mesquinerie, prouvant ainsi qu’elle
reste une presse de mercenaires liée à
un pouvoir pourri, déshonorant cette
noble profession par ses pratiques
ignobles. Par contre, aucun communiqué
de la présidence n’a évoqué la mort des
trois policiers assassinés par un
terrorisme abject, nous sommes dans une
vacance de pouvoir véhiculé par un
président momifié qui vit dans l’image
et dans la com. de son frère cadet qui
déploie bien des efforts avec la
télévision nationale pour nous rassurer
sur la santé de Bouteflika en nous
offrant des images trafiquées. Quelle
mascarade ! Ce président résume à lui
tout seul l’échec d’un pouvoir politique
et rien que le mot « succession » donne
la nausée. Face au précipice, le gang de
la chaise roulante nous propose de faire
un pas en avant. Cependant, le mouvement
des policiers vient de déjouer et de
mettre fin au projet de succession du
frère cadet de Bouteflika et de l’enfant
gâté du système, le général Hamel. C’est
terminé, les carottes sont cuites, et ce
pouvoir n’a rien vu venir : c’est la
Bérézina ! D’autres mouvements vont
certainement suivre et ce gouvernement
de pacotille va continuer son bricolage
et son amateurisme inqualifiable pour
régler des problèmes qui nécessiteraient
de véritables solutions politiques. Il
en va de la survie de la nation
algérienne et non pas d’une personne,
qu’elle soit président ou autre. La
menace n’est pas que sur nos frontières,
elle est à l’intérieur du pays et ce
gouvernement a montré son manque
d’anticipation et son absence totale de
vision stratégique dans la gestion du
pays en gérant les problèmes au jour le
jour, appliquant la méthode « après moi
les mouches ». Cette politique a prouvé
sa limite et le moment est venu pour le
départ et non pas la succession de
Bouteflika et de ceux qui poussent sa
chaise roulante. On apprend de sources
sûres que des changements auront lieu
début novembre. C’est classique, des
fusibles vont être sacrifiés pour
essayer de sauver ce qu’il reste des
meubles. Ce sera insuffisant à la
lumière des événements et de l’impact de
cette crise permanente du pouvoir d’un
président impotent qui veut dicter sa
loi et qui a contaminé toutes les
institutions du pays avec sa maladie.
Une seule option reste viable, le départ
de tout le pouvoir que représentent
Bouteflika et son clan. C’est la seule
réponse à cette situation catastrophique
qui menace toute l’Algérie. Ce n’est pas
la peine de faire porter le chapeau aux
Renseignements Généraux ou aux autres
services, cette conjoncture d’échec est
la résultante du quatrième mandat d’un
président avide de pouvoir dont
l’aveuglement risque d’emporter tout le
pays avec lui.
On sait que dans les pays sérieux,
pour moins que ça, les démissions se
seraient succédées mais l’on sait aussi
que la culture de la démission est
inexistante dans ce pouvoir algérien,
chacun s’accrochant à son pré carré.
Cependant l’heure est très grave et cela
ne sert à rien d’essayer de cacher le
soleil avec un tamis. Nous nous
demandons comment il est possible,
quelques mois à peine après ce simulacre
d’élections qui ont porté un président
impotent au pouvoir, d’oser parler de
succession en évoquant le frère cadet du
président ou le chef de la police.
Pourquoi pas la tante de Bouteflika,
tant qu’on y est ? Le quatrième mandat
de Bouteflika est une faute stratégique
que l’Algérie est en train de payer en
long et en large, et on voit mal après
ce soulèvement des policiers, un pouvoir
politique d’une telle faiblesse
interdire quoi que ce soit à quiconque.
En envoyant dans un deuxième temps la
BRI (Brigade de recherche et
d’intervention) pour contrer les
manifestants réunis devant le siège de
la Présidence, le pouvoir a jeté de
l’huile sur le feu, et celui qui a donné
l’ordre à la BRI d’intervenir pour une
confrontation avec les unités
républicaines a fait un calcul de
boutiquier, il portera la lourde
responsabilité de vouloir opposer deux
segments de la même institution. Ces
événements d’une gravité sans précédent
enlèvent tout alibi à ce pouvoir
politique d’envisager quelque légitimité
que ce soit ou une éventuelle succession
sous forme de transmission du pouvoir de
ce président qui se prête à un jeu
puéril qui ne trompe personne en
s’efforçant de croiser les mains devant
les caméras, alors qu’il doit gérer une
série de crises en cascade. Aujourd’hui
ce sont les policiers, demain ce sera au
tour de qui ? des enseignants ? des
médecins ? des différents opposants
politiques et autres activistes auxquels
ce pouvoir n’a plus aucun droit
d’interdire quoi que ce soit dorénavant
? Qui d’autre encore ? Un effet tache
d’huile n’est pas à exclure et ce serait
une catastrophe pour le pays si cela se
répandait dans les autres secteurs
sécuritaires. Un des enseignements
majeurs de ce mouvement des policiers,
c’est que le coup est parti une fois
pour toutes et que désormais chacun doit
réclamer ses droits, mais dans le
respect de la République et non pas des
personnes.
Le pouvoir de Bouteflika affiche sa
faillite après avoir voulu donner à
l’Occident, et à la France en
particulier, une image de garant de la
stabilité. Le voilà aux abois, car il ne
garantit rien du tout, pas même sa
propre sécurité. Non seulement les
dirigeants politiques ont échoué dans
leur tâche à régler les problèmes des
citoyens, que ce soit à Ghardaïa ou
ailleurs, et à combattre le gangstérisme
qui se répand, mais ils ont aussi failli
à valoriser le travail des policiers qui
souffrent comme tous les citoyens
algériens d’un malaise social très
profond que les salonnards bien planqués
au Club des Pins n’arriveront jamais à
imaginer et encore moins à comprendre.
Alors que le pétrole est en train de
chuter à moins de 80 dollars, réduisant
à néant la capacité du pouvoir de
Bouteflika à acheter la paix sociale, le
mépris du malaise des policiers et
l’incapacité du gouvernement à résoudre
les problèmes des éléments censés
réprimer toute résistance à ce pouvoir
et à ses manigances, ne feront
qu’approfondir la crise. En effet, la
Police nationale est au service de la
République et de l’Etat algérien et non
pas à celui d’un pouvoir éphémère, ou
d’un clan destiné à disparaître. Les
policiers ne sont pas l’outil de
domination du clan du président, comme
ils le stipulent dans leurs
revendications. Par leur mouvement, ils
ont démontré qu’ils refusent ce rôle,
ils veulent juste faire leur travail
dans le respect et la dignité. Rappelons
à toutes fins utiles que ce pouvoir
corrompu jusqu’à la moelle s’est couché
devant la France en répondant aux
exigences du juge Trévidic et de son
assistante qui cherchent des poux sur la
tête des généraux algériens à la veille
du 1 Novembre. Quel cauchemar vit
l’Algérie avec ce gang à la tête du pays
qui a offert ses parties charnues à la
France ! Vous avez eu votre revanche sur
l’Algérie, Monsieur Bouteflika, vous
pouvez partir. Votre œuvre destructrice
a atteint des limites inégalables, à
moins que vous ne cherchiez un nouveau 5
octobre 1988. De l’option du moins
mauvais, nous sommes face au pire
président que l’Algérie aie jamais
connu. Rangeons ce président au placard,
il a suffisamment détruit.
Ceux qui reprochent aux policiers de
manifester ont certainement oublié qu’il
s’agit d’Algériens avant tout qui ont le
droit d’avoir des opinions et qui
réclament justice. Cessons de faire de
nos policiers des sacrifiés de la
République. Rendons-leur hommage pour ce
qu’ils ont fait pour notre pays et ce
qu’ils font encore tous les jours.
Rappelons que leurs revendications sont
totalement légitimes et que ce n’est pas
à la police de jouer le rôle de
l’opposition, si certains veulent
changer les choses, qu’ils rejoignent
les policiers pour appuyer le processus
de changement au lieu de rester dans les
bavardages de salon et de faire des
communiqués de presse en se positionnant
comme opposants médiatisés. Pour être
crédible, l’opposition doit avoir un
ancrage populaire et battre le pavé pour
obtenir des parcelles de libertés, et la
manifestation des policiers peut
impulser cette dynamique. Au lieu de
jeter la pierre, il faut penser à créer
une synergie entre tous les Algériens
afin d’améliorer leur situation et la
manifestation des policiers apporte un
souffle de renouveau que l’opposition ou
plutôt ce qu’il en reste, devrait
prendre en considération. Pour ceux qui
ont voulu une résistance à l’intérieur
du système, elle est là, Messieurs,
prenez le train en marche avant qu’il ne
disparaisse à l’horizon. Chacun peut
penser ce qu’il veut, en ce qui nous
concerne, nous assurons les policiers de
notre soutien indéfectible. Nous savons
qu’ils font un travail très dur et
qu’ils nous montrent par leur mouvement
de protestation très bien organisé que
l’Algérie n’est pas une république
bananière ou couscoussière et qu’il y a
encore de l’espoir dans ce pays. Pour
combattre efficacement le terrorisme, il
faut régler immédiatement les problèmes
sociaux de ces policiers. Leur lutte a
déjà porté ses fruits et la balle est à
présent dans le camp des responsables
politiques qui ont failli dans leur
mission et qui doivent partir illico.
Quant à l’opposition qui n’arrive pas à
accomplir le minimum requis, qu’elle
joue donc son rôle au lieu de commenter
les événements dans des papotages
stériles.
Mohsen Abdelmoumen
Publié dans Oximity le
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