Algérie Résistance
Prof. Tony Kashani : « Soit nous allons
changer et renforcer la solidarité pour
un monde meilleur et juste ou bien nous
disparaîtrons »
Mohsen Abdelmoumen
Professeur
Tony Kashani. DR.
Jeudi 1er septembre 2016
English version here:https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2016/09/01/prof-tony-kashanieither-we-will-change-and-build-solidarity-for-a-better-and-just-world-or-become-extinct/
Mohsen Abdelmoumen :
Si Hillary Clinton devient présidente,
les États-Unis auront-ils élu un
président ou un chef de guerre ? À la
mort de Kadhafi, Hillary Clinton a
déclaré « Nous sommes venus, nous avons
vu, il est mort ». Cette référence à la
phrase de Jules César ne résume-t-elle
pas à elle seule la personnalité
d’Hillary Clinton en tant que chef de
guerre de l’empire ?
Pr. Tony Kashani :
Le plus inquiétant dans cette phrase
qu’elle a proférée à un journaliste de
la télévision nationale CBS, c’est
qu’elle l’a fait avec le rire et le
comportement d’un conquérant. Tenons
compte que ceci est arrivé littéralement
quelques instants après qu’elle ait
appris que le leader libyen déposé
Mouammar Kadhafi avait été tué. Bien
sûr, nous savons quel désastre a été
l’intervention militaire, et la suite
est encore pire, ce qui coûte des vies
américaines et libyennes, faisant de la
Libye un État défaillant sans espoir de
stabilité de sitôt.
Hillary Clinton a démontré à maintes
reprises qu’elle n’a aucun respect pour
les vies des autres qui ont été
détruites, car ce sont des moyens pour
finaliser les objectifs des
néoconservateurs et des néolibéraux de
Clinton. Elle a également déclaré
publiquement : « Les gens peuvent me
juger pour ce que je l’ai fait ».
Elle a publiquement défendu son rôle
dans le coup d’État au Honduras en 2009
qui a renversé le président
démocratiquement élu Manuel Zelaya. Et
nous savons que de nombreuses vies
innocentes ont été perdues alors et
continuent à être détruites maintenant.
À l’heure actuelle, le Honduras est l’un
des endroits les plus violents de la
planète. Elle a appuyé les politiques de
changement de régime en Syrie, et ses
dossiers sur l’Afghanistan, l’Irak et
l’Ukraine parlent d’eux-mêmes. Des gens
comme Henry Kissinger, le conseiller de
Clinton, voient la déstabilisation de la
Syrie et les conflits sectaires comme
une bonne chose pour Israël et l’Arabie
Saoudite, ainsi que le positionnement
géopolitique des États-Unis contre la
Russie. Pendant ce temps, l’effusion de
sang continue. Donc, nous pouvons
facilement la juger comme une secrétaire
d’État interventionniste pourvoyeuse de
guerre étrangère, à la Henry Kissinger.
Ne soyons pas surpris si elle introduit
dans son cabinet une bande de
néoconservateurs pour tracer des plans
pour de nouvelles politiques et
l’augmentation de missions
interventionnistes. Elle peut être jugée
comme un chef de guerre qui veut être en
charge de l’empire.
La venue de Clinton ne
présage-t-elle pas une intervention
militaire en Libye ?
Oui. Hillary Clinton a promis une
présidence par la coalition de la
machine DNC (Democratic National
Committee) et les néoconservateurs
républicains, prenant les ordres de
l’épistème créé entre Wall Street et le
complexe militaro-industriel. On
pourrait soutenir que l’intervention
militaire en Libye, préconisée et
réalisée par elle, était un test qu’elle
a dû prendre pour prouver son mérite
pour une telle position. Certaines
critiques pourraient faire valoir
qu’elle a échoué dans ce test, étant
donné le désastre qui est advenu en
Libye. Et Barack Obama était peu disposé
à être d’accord et n’est certainement
pas heureux maintenant d’avoir accepté
le plan. Mais je soutiens que le
véritable test était de savoir si elle
était capable d’intimider Obama pour
qu’il accepte la mission et de mener à
bien l’action militaire, ce qu’elle fit
volontiers et sans hésitation.
Pourquoi les États-Unis
éprouvent-ils le besoin d’avoir un
ennemi, si ce n’est pas l’URSS de jadis,
c’est la Russie de Poutine ou la Chine ?
Les USA ont-ils besoin d’un ennemi pour
vivre ?
Permettez-moi de devenir hégélien
pour un moment. L’histoire a prouvé que
chaque empire a besoin d’un ennemi pour
une interaction dialectique afin de
perpétuer ses politiques impériales et
continuer la poursuite pour la
domination du monde. La diabolisation de
la Russie et de la Chine doit être faite
avec soin, compte tenu de
l’interdépendance de tous les
États-nations via l’économie de marché
mondialisée. Mais une organisation
terroriste comme ISIS dirigée par des
sociopathes criminels qui n’ont aucun
respect pour la vie des autres peut
servir d’ennemi parfait. Les agents
d’ISIS sont en effet très dangereux et
technologiquement sophistiqués. Ajoutez
le financement secret par de puissants
agents riches qui font des affaires avec
ces meurtriers, achetant leur pétrole
illégal, par exemple, et vous avez un
ennemi puissant pour de nombreuses
années dans le futur.
Hillary Clinton a affirmé que
les USA ont créé Al-Qaïda et
qu’elle-même a soutenu l’envoi des armes
en Syrie, armes qui échouaient dans les
mains de Daech. Comment une telle femme
politique peut-elle se présenter aux
élections américaines ? Peut-on encore
parler de moralité en politique ?
Comment George W. Bush a-t-il été élu
président deux fois après la débâcle en
Irak? Pour commencer, il est faux de
croire que les États-Unis sont une
démocratie qui fonctionne. Pour ceux qui
ont étudié Foucault, lu et écouté Noam
Chomsky, et ont lu « Une Histoire du
peuple des États-Unis » d’Howard Zinn,
la réponse vient facilement et avec la
logique aristotélicienne. Laissez-moi
expliquer.
Il y a un réseau de pouvoir qui
détermine la politique des États-Unis et
le soi-disant système à deux partis est
une entité gérable pour les dirigeants
de la société américaine – beaucoup les
appellent les 0.1 de 1 %. Avec le
triomphe du néolibéralisme, nous pouvons
maintenant appeler le système politique
américain, un système de parti unique.
Appelons-le « le parti de
l’entreprise ». Avec un contrôle presque
total sur l’économie et l’industrie de
la culture par les suzerains du parti
des affaires, le corporatisme néolibéral
devient la religion à laquelle de
nombreux citoyens souscrivent
volontairement. Un anti-intellectualisme
systémique, qui a également imprégné les
couloirs du milieu universitaire sous la
conduite du « professionnalisme »,
nourrit nos citoyens d’une dose
quotidienne de demi-vérités au sujet des
nouvelles nationales et du monde, une
quantité énorme de ce qu’on appelle la
téléréalité (n’oublions pas que Donald
Trump est un monstre de Frankenstein de
ces programmes) qui rend essentiel
l’insignifiant, un prétendu système de
justice qui est en fait une machine de
punition pour ceux qui tombent hors de
la discipline et la peur et l’insécurité
généralisées.
Tous les quatre ans, le système
produit un spectacle sophistiqué connu
sous le nom d’élections présidentielles.
Les acteurs sont généralement bien
établis et soigneusement sélectionnés.
Les médias d’entreprise réalisent et
gèrent la production méticuleusement et
avec une discipline solide. Compte tenu
de la liberté d’expression et de la
presse, du journalisme citoyen, et des
discours ouverts dans les médias
sociaux, le travail des médias
d’entreprise est de plus en plus
difficile. Mais ils ont le muscle
financier et politique pour réprimer et
marginaliser les diseurs de vérité
indépendants. Questionnez le citoyen
américain moyen au sujet d’Amy Goodman,
Edward Snowden, Chelsea Manning et
Julian Assange, et il ou elle pourrait
avoir un vague souvenir de quelque chose
de péjoratif mentionné au sujet de ces
personnalités, et c’est tout.
L’objectif principal du système est
de produire ce que Foucault appelle des
« citoyens dociles ». Une fois
socialisés et « éduqués », c’est-à-dire
endoctrinés, ces citoyens se
transforment en consommateurs
respectueux dans la loi et en
bureaucrates produisant de la richesse.
Cette fois-ci, la candidate Hillary
Clinton, pour devenir la première femme
présidente des États-Unis, a été
difficile à vendre au premier abord,
compte tenu de son horrible bilan en
tant que sénatrice et secrétaire d’État
et de son manque de personnalité
attrayante. Elle n’a pas le charme de
Ronald Reagan, la faconde de son mari
Bill Clinton, ou le charisme et les
compétences rhétoriques de Barack Obama.
La dernière fois, le choix d’Obama
plutôt qu’Hillary était un pari qui a
été particulièrement fructueux pour le
1%. L’idylle des jeunes électeurs avec
Obama, le mandat historique – par le
peuple – pour élire le premier président
noir et l’empressement d’Obama à gérer
le système du marché libre a rendu le
choix facile pour les dirigeants. Un
plan qui a même convaincu les
progressistes. Il y avait d’énormes
défis à surmonter. Les enfants du
millénaire ont été rejetés à tort comme
naïfs et dupés par
l’anti-intellectualisme. Mais ils ont
été sous-estimés. Leur énergie et leur
enthousiasme pour un avenir meilleur ont
donné lieu à l’ascendant de Bernie
Sanders. Sanders a parlé vrai au pouvoir
et a gagné en popularité. Les médias
d’entreprise devaient donner une
couverture à Sanders. Mais à la fin, le
corporatisme a surmonté le défi Sanders.
Au départ, les Républicains voulaient
une homme représentant leur propre parti
des affaires, donc ils ont permis à
Donald Trump d’intimider les candidats
établis. Et maintenant, il est leur
candidat et un désastre néo-fasciste au
mieux. Son comportement bizarre et sa
rhétorique raciste xénophobe est en
train d’effrayer de nombreux Américains
libéraux et conservateurs. Par
conséquent, la vente d’Hillary est
soudainement beaucoup plus facile. Toute
personne raisonnable choisira Clinton
plutôt que Trump. Elle est
officiellement le moindre des deux maux,
et c’est un récit qui est vendu de
manière spectaculaire. Beaucoup de gens
pourraient fermer les yeux sur ses
capitulations face au régime oppressif
en Israël, sur sa politique étrangère
désastreuse, sur son rôle évident en
tant qu’outil de Wall Street, sur son
plaidoyer pour le TPP et la fracturation
hydraulique, et son record passé de
corruption et de mensonge. Et pour ceux
qui sont tout à fait conscients de ces
choses et très en colère à propos de
tout cela, la bonne vieille extorsion
d’électeurs d’autrefois fonctionne à
chaque fois. Qui veut d’un semeur de
guerre ou d’un fasciste qui déteste les
minorités et les femmes ? Les innocents
nord-africains et moyen-orientaux tués
par des politiques militaires
interventionnistes peuvent être le prix
que vous devez payer. Mais votre mode de
vie sera protégé si Hillary devient
présidente. C’est presqu’une valeur
sûre. Trump est facile à haïr. En
comparaison, Hillary semble raisonnable,
civile, et bien sûr, elle est
« expérimentée ». Le système est
préservé, une fois de plus. Nous avons
vu ce film avant.
Si Trump continue de baisser dans les
sondages, il y a une forte chance que
nous aurons le taux de participation le
plus bas dans l’histoire des élections
présidentielles américaines tout en
ayant à la fois le plus grand
pourcentage de votes allant à la
candidate des verts Jill Stein et au
candidat libertarien Gary Johnson.
Avec cette crise structurelle
que vit le capitalisme, que reste-t-il
de l’American Dream reflété notamment
dans le cinéma américain ?
Le capitalisme, en particulier dans
sa dernière manifestation, est en train
d’atteindre un point d’implosion. Cela
est une donnée. Quand l’économie
mondiale décidera-t-elle, ou plutôt
sera-t-elle forcée à se convertir à un
système de marché fondé sur les
principes et la durabilité
démocratiques? Je ne suis pas un oracle
pour vous le dire, mais je ne vois pas
le capitalisme se réformer lui-même
puisqu’il est fondé sur l’exploitation
des ressources, y compris le travail
humain, au profit des capitalistes.
L’histoire a prouvé que la main
invisible néoclassique proverbiale
n’existe pas. C’est peut-être la raison
pour laquelle elle est invisible ! Mais
nous avons d’excellents exemples
d’autres façons de produire des
économies durables et équitables. La
société Mondragon d’Espagne vient à
l’esprit. Mondragon est une entreprise
collective composée de coopératives
autonomes et indépendantes (les employés
détiennent et exploitent les
entreprises) avec des filiales de
production et des bureaux dans 41 pays
et des ventes dans plus de 150, y
compris les États-Unis, le Mexique et le
Canada. Ils ne sont pas dans
l’entreprise de vente faisant des rêves
de millionnaire.
Le cinéma américain (Hollywood) a eu
une main directe pour préserver le mythe
du rêve américain avec ses genres et son
star système. Mais un examen rapide
d’Hollywood prouve que même le cinéma
américain, à l’exception des comédies
romantiques, se tourne vers le mythe
cynique d’Horatio Alger, des haillons à
la richesse. Mélodrame après mélodrame,
des personnages qui poignardent dans le
dos et trahissent d’autres pour prendre
de l’avance échappent à leurs crimes.
Ils vendent une version pervertie du
rêve américain, pourrait-on faire
valoir. Le genre policier est
spécialement conçu de cette façon. Le
gentil ne gagne pas toujours et les
riches et les puissants assassinent
impunément. Une bonne nouvelle est que
nous assistons à des films comme « Big
Short » et « Spotlight »
qui obtiennent plus d’attention des
téléspectateurs que les soi-disant
blockbusters qui ont tendance à avoir de
bons gars gagnants.
L’endoctrinement et le lavage
de cerveau par les médias de masse dans
les pays du centre capitaliste ont-ils
été couronnés de succès, à savoir une
population avec, en haut, les riches
encore plus riches et les pauvres qui
vivent une existence précaire mais
n’acceptent pas le changement ? La
question de la consommation n’est-elle
pas centrale si nous voulons un
changement quelconque ?
En ce qui concerne les médias, nous
sommes littéralement en train de vivre à
l’ère de la convergence. C’est surtout
vrai dans l’hémisphère occidental. Bien
que, selon les nouvelles données, plus
de deux tiers de la population vit dans
une zone couverte par un réseau mobile à
large bande et que les services des TIC
continuent à devenir plus abordables,
plus de la moitié de l’humanité
n’utilise pas encore Internet. Qui plus
est, dans les pays pauvres l’accès à
large bande et rapide à Internet est
limité. À certains égards, on pourrait
dire que les pauvres dans les pays en
développement ne sont pas encore
endoctrinés. Mais ils sont également
maintenus dans l’ignorance de ce qui se
passe dans le monde.
En tout cas, nous voyons beaucoup de
convergence technologique avec la
convergence économique où la
consolidation de propriété des médias
mondiaux crée une industrie centrale de
la culture. Ce qui est également
certain, c’est que nous voyons plus de
convergence culturelle dans le monde
entier. L’idée est que si les oligarques
en charge de donner aux gens la vision
du monde, via les médias, produisent
suffisamment de programmes
anti-intellectuels et consuméristes, et
contrôlent l’agenda des nouvelles avec
des récits qui soutiennent le
capitalisme mondial, alors ils peuvent
garder les gens dans la caverne
platonicienne de l’ignorance. Par
conséquent, ils peuvent continuer à
exploiter la main-d’œuvre et les
ressources, garder les gens dans la
précarité et le désespoir, leur donner
seulement la liberté de choisir les
biens de consommation et les droits non
démocratiques, et les amuser jusqu’à la
mort, ainsi ils sont conditionnés à
vouloir végéter quand ils ont du temps
libre. Les travailleurs sont trop
fatigués pour être des militants, donc
ils regardent juste la téléréalité et
s’occupent avec Snapchat. C’est ça
l’idée. Mais la réalité indépendante de
la pauvreté et la maladie, du
réchauffement climatique et de la crise
financière de différentes sortes, de la
guerre et du terrorisme, et de la crise
internationale des réfugiés, finira par
l’emporter sur la fausse réalité
produite par les médias d’entreprise
oligarchique. Soit nous allons changer
et renforcer la solidarité pour un monde
meilleur et juste ou bien nous
disparaîtrons. C’est vraiment devenu une
situation binaire. La possibilité de la
justice est entre nos mains, mais il y a
aussi la possibilité d’autodestruction.
Avec l’émergence de sociétés
de sécurité privées comme Blackwater
(désormais Academi) et d’autres qui sont
présentes dans toutes les zones de
conflit et au service du complexe
militaro-industriel, ne pensez-vous pas
que l’État lui-même est privatisé ?
Oui. L’idéologie même du
néolibéralisme vise à la privatisation
de tout. Cela inclut le système
d’éducation, les soins de santé, le
système judiciaire, le système
pénitentiaire, la police, et bien sûr
l’armée aussi. Pensez-y. Tout philosophe
moral serait d’accord que des soins de
santé « à but lucratif » devraient être
considérés comme un crime contre
l’humanité et leurs praticiens devraient
être tenus responsables et punis en
conséquence. Mais l’État appelle ça un
choix pour des citoyens libres.
Le néolibéralisme veut un soi-disant
« État minimal » mais accepte en même
temps que la banque centrale ayant le
monopole des questions d’argent et le
gouvernement renflouent les grandes
banques privées quand c’est nécessaire.
En d’autres termes, le socialisme pour
les riches et le capitalisme extrême
pour les pauvres quand les riches
veulent préserver leur domination.
L’existence d’entités telles que
Blackwater prouve que nous sommes
arrivés à l’âge de la corruption
légalisée et nue d’un militarisme
sponsorisé par l’État uniquement pour
protéger les intérêts des super riches.
J’inclus bien sûr ce que les gens
instruits du monde en développement
appellent le Consensus de Washington où
le Trésor américain, le FMI, la Banque
mondiale, tous situés à Washington,
soutiennent la privation de tout. Et
cela nécessite parfois le muscle
militaire privé pour accroître l’armée
nationale.
Face aux médias grand public,
les médias alternatifs aujourd’hui
sont-ils vitaux dans la lutte contre le
capitalisme et l’impérialisme ?
Oui. Et les médias alternatifs
existent sous différents modèles et
formes. Il y a les réseaux radio publics
tels que « Democracy Now« , « Pacifica
Radio Network » aux États-Unis et
des groupes de nouvelles basés sur un
internet indépendant comme « The
Real News Network » au Canada, et
le préféré de la génération du
Millénaire aux USA « The Young Turks« .
Et tant de milliers de blogs
journalistiques indépendants qui font un
travail profond de transformation, car
ils ne sont pas liés au financement
d’entreprise professionnelle et de
contrôle. Collectivement, ceci est une
sérieuse concurrence aux médias
d’entreprise oligarchiques.
Puis, il y a la plate-forme de
distribution à considérer. Nous avons
maintenant une maturité rapide des
médias sociaux gratuits tels que
Facebook, Twitter et YouTube qu’un
citoyen du monde alphabétisé critique
des médias peut utiliser pour démarrer
des discours locaux et mondiaux,
partager et organiser des nouvelles et
l’information, et le journalisme général
des citoyens. Les médias sociaux ont
produit un phénomène intéressant. Ce
sont des entités privées qui fournissent
des plates-formes pour la connexion et
l’interconnexion des gens dans le
cyberespace, la plupart du temps pour
vendre plus de biens de consommation aux
utilisateurs. Mais beaucoup de gens
détournent cet agenda et utilisent les
sites des médias sociaux pour un
activisme local et mondial. Le monde
virtuel et le monde physique ont
tendance à se chevaucher dans de
nombreux cas. Mais philosophiquement et
historiquement parlant, les sciences
humaines numériques sont encore en bas
âge. Les dix prochaines années sont des
années très prometteuses pour les médias
alternatifs avec les médias sociaux
comme plate-forme polyvalente de
distribution.
En outre, nous devons nous rappeler
que le cinéma continue d’être un moyen
de transformation de la communication à
l’échelle mondiale. Des cinéastes
indépendants continuent à élever et
transformer la conscience de l’individu
et des masses. Par exemple, les frères
Dardenne de Belgique et Michael Moore
des États-Unis ont eu un énorme succès
avec leur cinéma militant. Je parle du
rôle du cinéma dans ce domaine dans mon
livre le plus récent, Movies Change
Lives (2016).
Dans votre livre Hollywood’s
Exploited, l’éminent intellectuel Henry
Giroux constitue une référence. Henry
Giroux ne représente-t-il pas pour vous
une clé majeure dans divers thématiques
dont le cinéma, l’art, l’éducation, etc.
?
Henry Giroux a été un mentor et un
ami pour moi. En effet, son travail dans
le cadre général de la théorie critique,
non seulement dans la pédagogie
critique, mais aussi dans la critique
des médias a influencé mes propres
contributions dans le domaine des études
interdisciplinaires et en particulier
les études des médias et de culture. À
mon avis, Giroux est l’un des dix
meilleurs intellectuels publics les plus
courageux et perspicaces en Amérique du
Nord et certainement l’un des vingt
meilleurs dans le monde aujourd’hui.
J’ai eu la chance et le privilège de
collaborer avec lui dans des projets de
livres et de recevoir sa généreuse
approbation pour certains de mes livres.
Ses théories originales et fluides m’ont
appris à comprendre le cinéma comme une
machine d’enseignement. Et sa poursuite
incessante de la justice sociale à
travers l’activisme intellectuel m’a
toujours inspiré pour mieux exercer mon
métier et toujours garder espoir d’un
changement social.
Un des thèmes-phare de Giroux
est la violence. À travers les
blockbusters qui répandent la violence
dans le monde, Hollywood n’est-il pas
devenu un élément constitutif de la
matrice de la violence ?
Giroux est correct en soulignant que
Hollywood est l’un des sites les plus
puissants de pédagogie pour les
Américains, et par extension une
audience mondiale. Et il a fait valoir
que la violence est l’un des éléments
fondamentaux du cinéma hollywoodien.
Presque tous les genres emploient des
intrigues qui sont fondées sur des
thèmes violents. Au nom du
divertissement, le cinéma hollywoodien
enseigne à son public d’être à l’aise
avec la violence comme un moyen pour
parvenir à ses fins et considérer la
violence comme un art de la performance.
Évidemment, je suis d’accord avec son
argument.
Hollywood a toujours utilisé la
violence pour raconter – montrer – ses
histoires. Qui plus est, Hollywood
enseigne leur histoire aux Américains.
Autrement dit, l’histoire selon
Hollywood. Par exemple, à travers le
genre Western, l’extermination des
Indiens d’Amérique est considérée comme
une inévitable bataille pour la survie
d’une manière sociale darwiniste qui est
largement acceptée par de nombreux
publics. À l’exception de quelques films
comme « Soldier Blue » et « Little Big
Man » dans les années 60 et 70, nous ne
voyons jamais un Occidental dépeindre le
génocide des Amérindiens aux mains des
colons blancs. En fait, l’utilisation du
mot « génocide » rencontre une
résistance fervente dans la plupart des
cercles dominants aux États-Unis. Les
histoires cinématographiques de
« génocide » impliqueraient la
responsabilité d’une extermination
systématique d’un peuple, un peuple qui,
avant l’arrivée des conquérants
européens (à commencer par Colomb en
1492) a vécu ici harmonieusement avec la
nature, sans jamais avoir besoin de
« propriété privée ». Le genre Western
avec sa représentation des Indiens a
joué un rôle dans l’élaboration de
sensibilités historiques d’une nation
connue sous le nom des États-Unis
d’Amérique. Dans la dichotomie entre
« la nature sauvage et la civilisation »
le rôle de l’Indien a été le stéréotype
du sauvage sans personnalité,
intrinsèquement mauvais, et motivé pour
tuer sans raison les personnes de race
blanche. Et les bons, les colons blancs,
n’ont pas d’autre choix que d’utiliser
la violence pour résoudre le problème
des Natifs Américains. Ce sont les
défenses à la façon cinématographique.
La même logique est appliquée à d’autres
genres. Merci aux films de guerre, à ce
jour, la majorité des Américains croient
que laisser tomber les deux bombes
atomiques sur Hiroshima et Nagasaki
était un acte de violence nécessaire
pour sauver des millions de vies
innocentes. Les deux genres les plus
populaires sont « l’Aventure d’Action »
qui est le code pour le sexe et la
violence et « le Film d’épouvante » qui
est basé entièrement sur la violence
stupide par « le mal de l’autre » qui
exige la violence extrême par les bons
types. Qu’est-ce que c’est sinon
enseigner la xénophobie ? Le fascisme
n’est-il pas structurel à Hollywood ?
Quand un cinéma utilise structurellement
les stéréotypes de « l’autre » (par
exemple, les Allemands comme méchants
diaboliques, les Arabes et les Russes
comme terroristes islamiques ou
communistes, les hommes noirs comme des
voyous et des violeurs, les Asiatiques
comme des pauvres types dociles, et les
femmes noires comme paresseuses et aux
mœurs légères) pour construire des
récits sur la suprématie blanche
implicite, on est obligé de l’appeler
une machine de narration fasciste. La
diabolisation de « l’autre » est en
effet une approche fasciste.
Qu’évoque pour vous de la
présence de Bob Dylan au Super Bowl ?
La marchandisation de Bob Dylan comme
une icône américaine est possible à
l’ère néolibérale. Et Dylan participant
volontairement et bénéficiant
financièrement de la vente de son statut
de « rebelle«
pour vendre le consumérisme est une
tragédie. Mais encore, ce n’est pas une
tragédie récente, comme mon essai publié
dans
truthout.org l’a expliqué.
Que reste-t-il du Dylan de la
chanson engagée et de Blowin in the wind
?Juste le vent, et rien de
plus.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
Qui est le Professeur Tony
Kashani ?
Tony Kashani est professeur d’arts
libéraux à l’Université Brandman,
Californie. Il est un penseur
interdisciplinaire trilingue (anglais,
persan, turc). Il travaille en tant que
professeur d’université, auteur, et
critique culturel. Tony est ceinture
noire de karaté (Shotokan), toujours à
la recherche d’arriver à un équilibre
corps-esprit. Il vit avec sa famille à
San Francisco. Le travail scientifique
de Tony est ancré dans la théorie
critique et sa pédagogie est fondée sur
la critique dialogique de l’enseignement
de la philosophie et des méthodes.
Tony Kashani est titulaire d’un
doctorat en sciences humaines avec la
concentration dans l’apprentissage
transformatif et le changement à
l’Institut d’études intégrales de
Californie, San Francisco. Ses intérêts
de recherche et d’enseignement sont :
Sciences humaines, études
interdisciplinaires, culture visuelle,
études sur les médias, l’éthique,
Réalisation/Photographie numérique,
études culturelles internationales,
pédagogie, philosophie et psychologie de
l’art, philosophie/psychologie
Orient-Occident, théorie postcoloniale,
philosophie politique, Cosmopolitisme,
Complexité planétaire, Histoire du
cinéma, médias électroniques et la
justice sociale, Conception du
programme, théorie de la communication
numérique, communications de masse, les
méthodes de recherche qualitative,
pédagogie critique, Cyber journalisme.
Le Dr Kashani est co-directeur du
projet Dialogue médias modernes à
Hutchins School of Liberal Arts, Sonoma
State University, Membre érudit de
l’Association des études mondiales
(Amérique du Nord), et Membre érudit de
Radical Philosophy Association.
Il est l’auteur de plusieurs
ouvrages, dont deux éditions de
Deconstructing the Mystique: An
Interdisciplinary Introduction to Cinema
(2005, 2009, Kendall/Hunt Press); il est
coéditeur de Hollywood’s Exploited:
Public Pedagogy, Corporate Movies, and
Cultural Studies (2010, Palgrave/MacMillan
Press); Lost in the Media: Ethics of
Everyday Life (2013, Peter Lang
Publishing); Le dernier livre du Dr.
Kashani est Movies Change Lives: A
Pedagogy of Constructive Humanistic
Transformation Through Cinema (2016,
Peter Lang Publishing). Il a aussi écrit
de nombreux articles dans les journaux
et des chapitres de livres comme :
Bob Dylan and the Ethics of Market
Fascism
http://www.truth-out.org/opinion/item/21853-bob-dylan-and-the-ethics-of-market-fascism;
Ethics of Uprising in the Age of New
Media (World Futures Journal of
General Evolution. Under review);
From Plato’s Cave: Giroux and Critical
Pedagogy(Policy Futures in
Education, Forthcoming, Spring 2012
issue); Hollywood and Nonhuman
Animals: Problematic Ethics of Corporate
Cinema (Chapter in Hollywood’s
Exploited: Corporate Movies, Public
Pedagogy and Cultural Crisis,2010,
Palgrave MacMillan Press); Hollywood’s
Cinema of Ableism: A Disability Studies
Perspective on the Hollywood (Chapter
in Hollywood’s Exploited: Corporate
Movies, Public Pedagogy and Cultural
Crisis, 2010, Palgrave MacMillan
Press); Dissident Cinema: Defying the
Logic of globalization (Chapter in
Global Studies Association 2007 Annual
Book, 2008, Changemaker Press);300:
Proto-fascism and Manufacturing of
Complicity (2007, Under review at
Film Quarterly, Dissident Voice);
Complex Cinema: Becoming Dissident
Cinema(2007, Dissident Voice); The
Truman Show: Cinema of Active
Imagination. A Jungian Analysis.
(2005, CG Jung Center), et bien
d’autres. Le Dr. Kashani est aussi
invité à participer à des conférences.
Son site :
www.tonykashani.com.
Published in American Herald
Tribune, August 30, 2016:http://ahtribune.com/politics/1174-tony-kashani-solidarity.html
In Oximity:https://www.oximity.com/article/Prof.-Tony-Kashani-Soit-nous-allons-ch-1?tries=3
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