Sputnik
Sanctions russes contre la
Turquie,
une aubaine pour le Maroc?
Mikhail Gamandiy-Egorov
© Flickr/ Kenny Louie
Lundi 30 novembre 2015
Source:
Sputnik
Après l’attaque de la
Turquie contre le bombardier russe Su-24
dans le ciel syrien, ayant résulté en la
mort de deux militaires russes, le
colonel Oleg Pechkov et le fantassin de
la marine Alexandre Pozynitch, la Russie
avait promis de réagir. La réponse ne
s’est pas fait attendre longtemps.
Vladimir Poutine a
signé les mesures de rétorsion contre la
Turquie:
— Suspension à
partir du 1er janvier 2016 du régime
sans visas pratiqué actuellement entre
la Russie et la Turquie
— Suspension des ventes de voyages et
produits touristiques en Russie à
destination de la République turque
— Les vols charters entre la Russie et
la Turquie interdits
— Interdiction aux employeurs russes
d'embaucher des citoyens turcs,
également à partir du 1er janvier 2016
(selon plusieurs sources entre 150 et
200 mille citoyens turcs vivent et
travaillent actuellement en Russie)
— Interdiction et limitation de
l'activité des organisations turques en
Russie
— Interdiction et limitation sur une
série de produits en provenance de
Turquie
Erdogan a
quant à lui affirmé qu'il fera tout pour
"normaliser les relations entre les deux
pays" et qu'il espérait "une
normalisation rapide des relations".
Selon lui, "la
Turquie a besoin de la Russie comme la
Russie a besoin de la Turquie. Nous ne
pouvons pas ne plus être en contact". Il
a également ajouté qu'il "espérait qu'il
n'y aura plus d'incidents comme celui
des derniers jours: "Cet incident nous a
beaucoup chagriné. J'espère que cela ne
se reproduira pas". Ce qu'il oublie de
dire c'est que ce n'est pas un
"incident", c'est un acte criminel et
une agression contre la Russie. Et ce
qui est certain, c'est qu'à travers son
soutien aux intérêts terroristes, il a
mis les intérêts de son pays et de son
peuple grandement en danger…
Aujourd'hui, en raison de ces
agissements criminels, les citoyens de
Turquie en paient les frais. A suivre
désormais ce qu'il en sera.
Pendant ce temps,
de nouvelles opportunités s'ouvrent à
d'autres pays, notamment le Royaume du
Maroc. Un reportage entier a été
consacré tout récemment à ce pays par la
chaine d'information russe en continu
Rossiya 24, chaine très populaire
auprès des cercles politiques et
d'affaires de Russie. Le reportage se
focalisait sur les opportunités
existantes entre les deux Etats, surtout
au niveau de l'exportation des produits
agricoles marocains vers la Russie,
ainsi que sur le Maroc en tant que
destination touristique. Il a aussi
mentionné les liens culturels forts
entre les deux pays, depuis
l'immigration russe qui a suivi la
révolution bolchévique, jusqu'à
aujourd'hui en passant par les liens
datant de l'Union soviétique (nombre de
cadres et spécialistes marocains ont été
formés en URSS et en Russie, et
continuent de l'être).
En effet faut-il le
rappeler, le Maroc est le deuxième
partenaire économique et commercial de
la Russie en Afrique et dans le monde
arabe, derrière l'Egypte. Les deux pays
sont également signataires de la
Déclaration sur le partenariat
stratégique, signée à Moscou en octobre
2002. Le Maroc est de loin le premier
fournisseur d'agrumes sur le marché
russe: plus de 60% de sa production
exportée va vers la Russie, le reste
principalement dans l'Union européenne.
Aujourd'hui, compte tenu de la
limitation décidée par la Russie envers
toute une série de produits turcs, y
compris agricoles, le Maroc peut
accroitre encore plus cette position
dominante. Le Maroc avait aussi depuis
déjà un certain temps commencé à
exporter ses tomates sur le marché
russe, une position qu'elle a renforcée
notamment depuis la riposte russe aux
sanctions occidentales, et
l'interdiction d'importer une série de
produits alimentaires et agricoles en
Russie en provenance des pays concernés.
A noter tout de même que jusqu'ici,
c'est la Turquie qui dominait largement
la part des légumes importés:
pratiquement 80% du marché des tomates
et 20% du total des importations russes
de légumes. Maintenant et avec la
réalité du moment, la part marocaine
peut largement s'élargir. Tout comme sur
d'autres produits alimentaires et
agricoles.
Le tourisme russe à
destination du Maroc peut également
commencer à croitre sérieusement.
Jusqu'ici, les parts de lion étaient aux
mains de la Turquie (4,5 millions de
touristes russes pour la seule année
dernière, des touristes d'autant plus
les plus dépensiers) et l'Egypte (plus
de 2,5 millions).
Le Maroc en est
encore loin: aux alentours de 50 000
touristes russes annuels (statistiques
de 2013) est un chiffre bien loin du
potentiel véritable. Raisons à cela:
prix plus élevés que sur l'Egypte et la
Turquie, pas suffisamment de vols
charters, le système « ALL INCLUSIVE »
largement utilisé par les Turcs et les
Egyptiens pas encore au point. Il faut
quand même se rappeler que le Maroc n'a
véritablement commencé à se concentrer
sérieusement sur le marché touristique
émetteur russe que depuis quelques
années, tandis que la Turquie et
l'Egypte en avaient fait leur priorité
depuis plus longtemps. Mais le potentiel
est bien là, donc à observer,
connaissant surtout les énormes atouts
du Maroc dans ce domaine, aussi bien au
niveau du balnéaire, que du culturel. En
tout cas les objectifs annoncés par les
services compétents du Maroc et les
professionnels du secteur sont claires:
multiplier de plusieurs fois le flux
touristique en provenance de la Russie
vers le Maroc. A suivre donc.
En 2014, les
échanges entre la Fédération de Russie
et le Royaume du Maroc se chiffraient à
un peu plus de 1,5 milliards de dollars
(bien loin encore des plus de 30
milliards d'échanges turco-russes).
Néanmoins, la nouvelle réalité du
moment, les objectifs déclarés et la
visite annoncée dans les prochaines
semaines du roi du Maroc Mohamed VI en
Russie peuvent donner un nouvel élan au
partenariat bilatéral. Le Maroc après
avoir intelligemment su utiliser les
contre-sanctions russes contre certains
produits européens à son avantage, lui
donne aujourd'hui l'occasion d'en faire
de même compte tenu du sérieux
refroidissement des relations entre la
Russie et la Turquie.
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Tous droits réservés.
Publié le 1er décembre 2015 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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