Sputnik
Les Kurdes face à leurs
responsabilités
Mikhail Gamandiy-Egorov
© Sputnik.
Hikmet Durgun
Jeudi 25 janvier 2018
Source:
Sputnik
Déchirés entre ceux qui souhaitent
négocier avec le gouvernement syrien le
périmètre de leur autonomie et ceux qui
jouent la carte jusqu’au-boutiste avec
les États-Unis, les Kurdes vont devoir
choisir. L’offensive turque dans la
région les met face à leurs
contradictions, alors que le climat se
dégèle entre Damas et Ankara.
Nous avions abordé cette question en
octobre dernier, alors que certains
éléments kurdes de Syrie, se sentant
pousser des ailes grâce aux livraisons
massives d'armes étasuniennes, s'étaient
crus en position de faire du chantage au
gouvernement syrien. Une approche
condamnée aussi bien par Damas, Moscou,
que Téhéran. Sans oublier les
dissensions évidentes en Irak voisin, où
le gouvernement central avait dû
démontrer toute sa détermination, avec
le soutien de hauts militaires iraniens,
pour forcer les Kurdes irakiens à
reculer.
En Syrie —un pays
qui, pour mémoire, a massivement
accueilli des Kurdes, notamment en
provenance d'Irak-, le gouvernement
privilégiait jusque-là les négociations,
en parlant d'une large autonomie pour la
partie nord du pays, peuplée
majoritairement de Kurdes. Moscou a
également insisté sur la présence de
représentants kurdes dans le processus
de paix d'Astana, bien qu'Ankara le vît
d'un mauvais œil. Certains de ces
représentants avaient bien compris
l'intérêt de telles négociations, dans
le cadre d'une Syrie unie et libérée des
terroristes. Mais d'autres ont préféré,
un peu comme en Irak, devenir de simples
marionnettes de l'establishment
étasunien. Ils seront vraisemblablement
les grands perdants dans cette
situation.
Car après les
annonces de la poursuite des livraisons
d'armes américaines à ces groupes et à
celle de la création par Washington
d'une «Force de sécurité» à la frontière
turco-syrienne, la Turquie hausse le ton
et affirme qu'elle mettra tout en œuvre
pour empêcher la création d'une telle
«unité terroriste» à sa frontière. Des
déclarations qui n'ont pas tardé à se
traduire dans les actes avec l'opération
«rameau d'olivier» en zone kurde. Une
opération coordonnée au préalable avec
la Russie, selon l'aveu même du
président Erdogan, et confirmée par la
visite à Moscou du chef de l'État-major
et du chef des services de renseignement
turcs.
La Russie a donc
choisi de ne pas bloquer la Turquie dans
cette opération. Et ce pour une raison
simple: le chantage d'une partie des
élites kurdes sous pression étasunienne
ne passera pas. La main tendue par Damas
et Moscou en direction des Kurdes
syriens était pourtant claire: une plus
large autonomie au sein d'une Syrie
unie, défense commune du territoire. Un
scénario totalement indésirable pour les
faiseurs de guerre étasuniens et donc
pour leurs suiveurs locaux. Aucune
raison donc d'être surpris des
conséquences de leurs prises de
position.
Néanmoins, les
représentants
kurdes ouverts au dialogue sont
toujours invités au Congrès des peuples
de Syrie, voulu par les représentants
syriens, russes, iraniens et turcs, dont
les travaux de préparation sont déjà
avancés et qui devrait avoir lieu très
prochainement. Une étape très
importante, peut-être même cruciale,
pour la résolution politique de la crise
syrienne, après l'anéantissement de
Daech, celle d'Al-Qaida étant encore en
cours.
Fait important à
noter: malgré l'animosité qui persiste
dans une certaine mesure entre Damas et
Ankara, pour la première fois depuis le
début de la crise en Syrie, la Turquie a
informé par écrit le gouvernement
syrien, au même titre que la Russie, du
lancement de son opération militaire
«Rameau d'olivier» contre les Kurdes. Ce
ne fut pas le cas lors de l'opération
«Bouclier de l'Euphrate», qui s'était
déroulée dans le Nord syrien entre août
2016 et mars 2017, lors de laquelle les
Turcs s'étaient limités à coordonner
leurs actions avec la Russie et l'Iran.
Là est toute la différence. Ceci
confirme une fois de plus que, malgré le
manque de confiance évident et pour des
raisons légitimes de Damas envers
Ankara, on approche le moment où les
gouvernements des deux pays devront
rediscuter en vue d'une normalisation de
leurs relations. Moscou et Téhéran y
contribueront indéniablement.
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Publié le 26 janvier 2018 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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