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Pourquoi une intervention directe US au
Venezuela
est peu probable ?
Mikhail Gamandiy-Egorov
© REUTERS/
Ueslei Marcelino
Lundi 14 août 2017
Source:
Sputnik
Au moment où l’armée de la République
arabe syrienne poursuit ses succès,
toujours plus à l’Est, contre les
terroristes de Daech, annonçant une
victoire imminente dans cette guerre
imposée à la Syrie non seulement par le
terrorisme international mais aussi par
la politique néocoloniale d’un certain
nombre d’Etats.
Les Etats-Unis
passent aux menaces vis-à-vis d'autres
pays du monde.
En effet,
Donald Trump a menacé le Venezuela
d'une possible intervention militaire US
en vue de « défendre la démocratie »
dans ce pays. Au-delà du fait que cette
« belle excuse » ne passe plus car de
moins en moins de personnes ne se font
d'illusions sur une « démocratie » à
l'occidentale imposée par les bombes
dans la pure violation du droit
international et de la souveraineté des
Etats, les Etats-Unis, se sentant
clairement menacés par l'avènement de
l'ère multipolaire, commencent à menacer
un peu beaucoup de pays simultanément.
D'abord l'Iran, grande puissance du
Moyen-Orient et alliée (surtout depuis
les événements syriens) avec la Russie,
puis la Corée du Nord dont le leadership
ne cache pas sa détermination à utiliser
des moyens fortement radicaux en cas
d'attaque le visant (bien qu'il
n'attaquera pas en premier), et
maintenant le Venezuela. L'élite US
aurait certainement aimé ajouter à cette
liste la Russie et la Chine, les deux
grands avant-postes de la multipolarité,
mais un minimum de raison les en empêche
évidemment, les Etats-Unis comprenant
parfaitement ne pas être en mesure
d'affronter directement ni la Russie, ni
la Chine, même séparément. Si ce n'est
par des sanctions, qui dans le cas russe
boostent plus la Russie vers une
indépendance de plus en plus
grandissante vis-à-vis de l'Occident
qu'autre chose.
Maintenant parlons
un peu des perspectives. Le principal
partenaire de la Corée du Nord est bel
et bien la Chine. C'est donc
principalement à elle que revient la
gestion de ce dossier à l'heure des
tensions grandissantes entre Washington
et Pyongyang. La Russie suit évidemment
de près la situation, sachant que les
dites tensions ont lieu tout près des
frontières est du territoire russe mais
laisse assez clairement l'allié chinois
traiter prioritairement ce dossier. Ce
qui est d'ailleurs assez logique. Dans
le cas du Venezuela, cela est différent.
La République bolivarienne est un allié
officiel de la Fédération de Russie,
tout comme l'est la République arabe
syrienne. Cela se traduit notamment par
une vision similaire sur les principaux
dossiers internationaux, y compris au
niveau de l'ONU. Mais ce n'est pas tout.
Au-delà de l'aspect politico-idéologique
et de soutien commun à la multipolarité,
Moscou possède avec Caracas plusieurs
intérêts: coopération dans le domaine
militaro-technique, pétrolier (Rosneft
notamment), dans le domaine des
infrastructures et du transport, ainsi
qu'agricole (la Russie fournit
d'ailleurs actuellement d'importantes
quantités de blé à ce pays). Plus
généralement, il est admis que le
Venezuela fait partie des principaux
partenaires de la Russie en Amérique
latine.
Par ailleurs,
récemment le président russe a transmis
son soutien au leader vénézuélien
faisant face à une large pression
occidentale couplée à une opposition
largement libérale et pro-occidentale.
Tout cela pour dire que la Russie
surveille de près la situation dans cet
Etat, dans le viseur de Washington
depuis de longues années. Dans le viseur
pour plusieurs raisons: premières
réserves mondiales de pétrole, fer de
lance d'une intégration
latino-américaine ouvertement hostile à
la politique US dans la région et dans
le monde depuis Hugo Chavez, alliance
avec la Russie — rival reconnu des USA.
Parallèlement, la CIA tout comme le
Département d'Etat US n'ont pas cessé de
considérer toute l'Amérique latine comme
l'arrière-cour étasunienne. C'est une
raison supplémentaire de l'hystérie
américaine en vue de se débarrasser de
tous les leaders latino-américains,
aussi progressistes soient-ils, pour
avoir des représentants radicaux mais
dociles aux intérêts de Washington, à la
sauce Batista ou Pinochet.
Maintenant pourquoi
une intervention directe des Etats-Unis
au Venezuela est peu probable. Un
compatriote et collègue russe d'Algérie,
ancien militaire, m'avait dit il y a
quelques jours la chose suivante: une
agression ouverte américaine contre le
Venezuela serait le meilleur cadeau que
Washington pourrait faire à toute la
résistance latino-américaine. Et je dois
avouer que je rejoins cette position.
Pourquoi? Pour plusieurs raisons.
Connaissant les sentiments profondément
anti-américains d'une large coalition de
leaders de cette région du monde, sans
oublier des populations concernées, une
telle intervention risque d'exacerber
ces sentiments à un tel niveau que les
conséquences se feront sentir jusque
dans les territoires étasuniens. C'est
la première chose. D'autre part, si
l'Amérique latine s'est déjà habituée
aux déstabilisations étasuniennes via la
CIA en coordination avec la cinquième
colonne locale, cela n'a rien à avoir
avec une intervention armée d'agression
directe qui créera immédiatement une
très large solidarité régionale face à
une telle agression. Sachant d'ailleurs
qu'une telle agression pourrait créer
une résistance peut-être plus radicale
encore au néocolonialisme US que c'est
actuellement le cas au Moyen-Orient.
D'autant plus que
le Venezuela est loin d'être seul dans
sa politique d'opposition à Washington
dans cette région, avec là aussi des
conséquences pouvant être dramatiques
aussi bien pour les intérêts américains
(y compris même dans les pays où les
élites restent encore pro-US) mais
également pour les citoyens étasuniens.
Enfin, et au-delà de l'alliance
régionale évidente, le Venezuela peut
compter sur un soutien diplomatique de
son allié russe et très probablement
chinois au niveau du Conseil de sécurité
de l'ONU. Last but not least, les
technologies russes d'armement présents
au Venezuela et l'expérience acquise en
coordination avec les conseillers
russes, y compris en tenant compte de
l'expérience syrienne, font que les
Etats-Unis non seulement devront mais
vont réfléchir trois fois avant de
s'engager dans une nouvelle aventure
guerrière.
Le monde n'est plus
même. Et ne sera plus jamais comme
avant. En raison de cela, plusieurs
forces à l'intérieur des USA seraient
prêts à plonger l'humanité entière dans
une guerre totalement destructive car
comprenant que leur hégémonie sur le
monde est arrivée à sa fin.
Parallèlement, ils comprennent aussi
qu'une telle guerre sera dévastatrice
pour eux-mêmes et leurs intérêts. Quant
à Trump, il aura montré qu'il ne diffère
pratiquement en rien des autres
présidents US. Le temps des illusions
(de certains) est définitivement clos.
Pour reprendre les paroles du ministre
de la Défense du Venezuela: « Toute
l'élite US est extrémiste ».
Soyons francs une
fois encore, l'élite étasunienne
n'acceptera pas officiellement l'ère
nouvelle sous peu. C'est la raison pour
laquelle le temps est probablement venu
pour non seulement être aux aguets mais
passer pleinement à l'offensive.
D'autant plus que dans la vision des
partisans de la multipolarité, ces
offensives peuvent être très variées.
© 2017 Sputnik
Tous droits réservés.
Publié le 15 août 2017 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
Le sommaire de Mikhaïl Gamandiy-Egorov
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