UJFP
Un massacre, un point c’est tout
Michel Warschawski
Photo :
Claude Truong-Ngoc
Mercredi 4 juillet 2018
Depuis une dizaine
de jours, les "confrontations" comme
appellent avec indécence les médias
internationaux les tirs a balles réelles
de snipers israéliens sur des
manifestants palestiniens non armés, à
la frontière de Gaza se sont calmées.
Que les Netanyahou et Lieberman ne
crient pas trop tôt victoire : la raison
principale de cette accalmie est le
Ramadan, ce mois où les musulmans vivent
les longues heures du jeune au ralenti.
Après l’Aïd qui clôturera ce mois, les
manifestations reprendront, et, sans
doute, le massacre.
Non, il ne s’agit
pas de confrontations mais d’un
massacre, quand des soldats bien
protégés dans des positions défensives
tirent – souvent avec des fusils à
lunette – sur des dizaines de milliers
d’hommes, de femmes et d’enfants qui
manifestent les mains nues derrière un
système de clôture électronique large de
plus de cinquante mètres, cette même
clôture qui fait de Gaza la plus grande
prison de la planète.
En un seul jour, ce
funeste 14 mai, soixante manifestants
sont assassinés par les soldats
israéliens (qui n’ont pas eu un seul
blessé) : massacre est donc bien le mot,
et ceux qui, comme le Figaro, parlent
d’"affrontements meurtriers" deviennent
par la même complices de ce véritable
crime contre l’humanité.
On attendrait du
Président palestinien Mahmoud Abbas
qu’il saisisse la Cour Pénale
Internationale pour y traduire en
justice les dirigeants politiques et
militaires israéliens… mais la haine
qu’il voue au Hamas qui, ne l’oublions
pas, avait largement battu le parti du
Président aux dernières élections, a
déteint sur les deux millions de
résidents palestiniens de la Bande de
Gaza, comme si, après leur vote, ils
n’étaient plus ses concitoyens.
Que de la classe
politique israélienne on n’ait pas
entendu ne serait-ce qu’un murmure
d’indignation n’est pas pour nous
surprendre : elle est aujourd’hui
totalement à droite, qu’elle soit dans
le gouvernement ou dans l’opposition, et
même le Meretz qui dans le passé s’était
singularisé par ses positions contre la
guerre et l’occupation, n’a pas cette
fois fait entendre une voix dissidente,
confirmant une fois de plus que même
pour la gauche, Gaza n’était pas un
territoire peuplé de deux millions
d’être humains, mais un sanctuaire de
terroristes, une menace existentielle.
Mais ce qui est
plus grave c’est le silence
assourdissant de l’opinion publique.
Hormis des rassemblements de quelques
centaines de personnes dans les villes
(quelques milliers dans les localités
arabes), le massacre n’a provoqué ni la
colère, ni la honte des bonnes âmes
israéliennes. Cette absence marque le
tournant à droite que vit la société
israélienne dans son ensemble. La guerre
du Liban (années quatre-vingt) et le
processus d’Oslo (années quatre-vingt
dix) avaient divisé l’opinion
israélienne en deux, et une moitié de
celle-ci avait su se mobiliser et
trouver les forces pour mettre fin à la
guerre puis pour obliger le gouvernement
à reconnaître l’OLP et mener des
négociations de paix avec ses
dirigeants. Aujourd’hui, le seul
rassemblement de masse à Tel Aviv a été
pour fêter la victoire d’Israël a
l’Eurovision.
Israël a retrouvé
son unité dans une espèce de mélange
nauséabond entre ceux qui applaudissent
les exploits de "nos soldats" à Gaza, et
ceux qui gardent un silence complice
face au massacre ; dans une certaine
mesure, ces derniers sont encore pire
que les supporters de Netanyahou et de
sa politique criminelle.
"Honte
à quiconque n’a pas honte de [notre]
pays" écrit l’éditorialiste du Haaretz
B. Michael (16 mai 2018). Une voix
isolée dans le désert moral israélien
qui mérite pour cela de conclure cette
chronique.
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