Elections
présidentielles
France, bilan du 1er tour :
place à la bataille des idées !
Michel Collon & Alex Anfruns
Jeudi 27 avril 2017
Un tremblement de terre politique. Après
les Etats-Unis, la France, et puis ? Fin
du bipartisme, émergence de nouvelles
forces politiques, recomposition ? Une
chose est certaine : le verrou PS a
sauté. On ne peut pas impunément
annoncer que son ennemi est la finance
et puis servir docilement cette même
finance. Trop, c’est trop ! Et
maintenant, comment continuer ? Comment
éviter que « tout change pour que rien
ne change » ?
Le PS a bien vendu son Plan B
La déconfiture de
Hamon (6% !) n’a rien d’imprévu. C’est
la chronique d’une mort annoncée, qui
avait déjà eu lieu, en Grèce, puis en
Espagne. Trois signes montraient que le
PS préparait son Plan B : d’abord,
l’annonce tardive et inédite du retrait
de François Hollande en raison de son
impopularité, puis la division
irréconciliable des deux courants
majoritaires dans les Primaires
socialistes et enfin le soutien à Macron
de l’aile droite du PS.
Il serait naïf de
croire qu’une force au pouvoir comme le
PS aurait laissé si facilement la voie
libre au FN et aux Républicains (ex-UMP)
en recherche d’une stratégie de
marketing capable de faire oublier les
casseroles de Sarkozy.
Face à cette chute
imminente du PS, après avoir trahi son
propre électorat et ses valeurs, le
mouvement En Marche, lancé par Emmanuel
Macron début 2016 était la solution
idéale pour amortir le coup.
Le Sud montre le
chemin
Une des leçons pour
les forces progressistes européennes :
abandonner tout complexe de supériorité,
toute prétention à être un modèle
universel. Elles ont tant à apprendre
des expériences des peuples du Sud pour
résister au FMI dans les années 1990 et
2000. Ces peuples se sont mis en
mouvement (oserait-on dire « en
marche » ?) avec une soif de justice et
une urgence de vie ou mort. Parce que
l’oppression du système capitaliste y
est très marquée, sacrifiant l’avenir de
millions d’êtres humains, détruisant
l’environnement sans lequel nous ne
pourrions survivre.
Un rappel. C’est en
Espagne que, pour la première fois
depuis très longtemps, la possibilité
d’une alternative progressiste à
l’échelle européenne s’est affirmée avec
le phénomène Podemos (lancé début
2014). Podemos n’était pas, comme
on l’a dit, la traduction politique du
mouvement des Indignés. En fait,
l’occupation des places publiques avait
apporté un message de rupture : « No
nos representan » (Ils ne nous
représentent pas). Ce rejet de la caste
politique faisait écho au « Que se
vayan todos » (Qu’ils s’en aillent
tous !) des Argentins dans la crise de
2000-2001. Un rejet très présent aussi
dans les révoltes arabes, à Tunis, au
Caire, mais aussi au Bahreïn et au
Yémen : « Dégage ! ».
Limites du « dégagisme »
Mais les années
2011-2013 ont démontré que les forces
sociales de la rue avaient aussi besoin
d’une expression politique concrète face
à la profonde crise des institutions et
des valeurs. En Espagne, on a commencé
par remettre en cause le récit officiel
de la transition démocratique après
quarante années de dictature franquiste.
Une force citoyenne nouvelle, le « Frente
Civico », a commencé à critiquer
ouvertement le « régime de 78 ». Créant
ainsi les conditions pour un débat sans
tabous qui a politisé de larges couches
de la société, trop longtemps
abandonnées au défaitisme.
A présent,
l’arrogance des dominants devenait
flagrante. Le peuple allait pouvoir
exprimer son ras-le-bol. Soit en
adhérant à une fausse contestation du
système, soit en faisant avancer les
visions progressistes. La situation
devenait propice au large débat des
idées. Les positions sectaires
apparaissaient contraires au bon sens et
à l’intérêt humain général.
Audace des
Révolutions citoyennes
En Espagne,
Podemos a donc été à la fois
l’expression politique de luttes
sectorielles pour défendre le droit à la
santé, à l’éducation ou le logement et à
la fois la mise en branle de larges
couches de la société en recherche d’une
voie radicale.
La France a une
histoire différente et une tradition
républicaine. Il y a cependant des
points communs. Comme en Espagne, la fin
de législature PS avait été marquée par
une large prise de conscience sur les
limites et les trahisons par rapport à
son programme. Cela a favorisé
l’apparition d’un mouvement de
contestation dans les grandes villes :
« Nuit Debout », aux méthodes et
revendications très proches des
Indignés.
Mais en France
cette expression populaire s’est
développée dans un contexte différent :
d’abord, avec la force motrice du
syndicalisme de combat de la CGT, le
mouvement contre la loi El Khomri a
relancé une forte conscience politique
pour la défense des droits des
travailleurs. Ensuite, contrairement à
l’Espagne de 2011, la force dirigée par
Jean-Luc Mélenchon a pu compter sur son
expérience des élections précédentes.
Elle a réussi à construire une campagne
basée à la fois sur les réseaux sociaux
et sur une éducation populaire sur le
terrain.
Mélenchon est passé
à deux doigts de la victoire au premier
tour en présentant un programme cohérent
et radical, en élevant le niveau de
conscience de ses électeurs et en
développant leur maturité politique.
Partager et chercher ensemble les voies
d’émancipation n’est pas une politique
« populiste » mais une forme de
démocratie participative. Rien à voir
avec une démocratie formelle où
l’électeur a juste le droit de noircir
une case de bulletin de vote après avoir
subi un médiatique lavage de cerveau.
Les médias, barrage
du système
Fallait-il encore
le prouver ? Cette élection a démontré
le rôle stratégique des médias dans
notre société. En une année à peine, une
presse aux mains des milliardaires a
fabriqué de toutes pièces le candidat
des milliardaires. L’homme providentiel,
le sauveur de la France, la marionnette
de Hollande mais surtout de la banque
Rotschild et du CAC 40. L’homme qui
annonce sans vergogne son vrai
programme : « Mieux vaut être payé
3,5 euros de l’heure par Uber que dealer
de la drogue ».
La même presse a,
au dernier moment, saboté Mélenchon avec
une campagne massive et hystérique : « Mélenchon
le délirant projet du Chavez français »,
« Maximilien Illitch Mélenchon »,
« L’apôtre des dictateurs
révolutionnaires sud-américains »,
« Mélenchon n’est pas démocrate.
Comme Chavez, c’est un dictateur »,
« Fiscalité : un coup de massue sans
précédent », « Un bing bang
social d’un autre temps », « La
Paix du Kremlin »... Toute
alternative doit être diabolisée, il
faut tuer l’espoir.
Il n’y aura pas de
Justice sociale sans véritable
démocratie, mais il n’y aura pas de
véritable démocratie tant que les
citoyens ne seront pas correctement
informés. Des sites comme
Investig’Action, Le Grand Soir
et d’autres se sont donné pour mission
cette bataille de l’info : face aux
médias de l’argent, les médias des gens.
Nous nous battons pour apporter les
infos cachées, pour détecter les causes
des guerres et autres pillages, pour
décoder les discours politiques
fabriqués par des spécialistes du
marketing. Ce ne sera possible qu’avec
votre participation et votre soutien.
L’heure est au débat
d’idées
Face au déni de
démocratie que représente le monopole
des médias, si on veut vraiment lutter
contre les idées d’extrême droite, il
est urgent de construire un vrai débat
d’idées. Pour cela, il faut combattre le
sectarisme. Trop souvent en France, on
débat seulement avec ceux avec qui on
est plus ou moins d’accord. Trop
souvent, on diabolise, par exemple, des
courants radicaux qui dénoncent les
guerres. Mélenchon s’est courageusement
opposé aux guerres de l’Otan. Mais
combien encore, dans une gauche qui le
soutient et se veut radicale, refusent
de questionner les médiamensonges de
l’Otan ? Combien approuvent ses guerres
ou, à tout le moins, ne s’y opposent
pas et refusent même d’en discuter ?
Combien ont refusé de défendre Chavez en
prétextant qu’il valait mieux ne pas
trop affronter le courant médiatique ?
Ce refus de
solidarité avec les peuples agressés,
cachés sous divers prétextes, ce refus
fait le jeu des puissances qu’on prétend
combattre. Comment peut-on à la fois
réclamer plus d’argent pour le social et
laisser filer tout cet argent dans des
bombardiers, des missiles et des
porte-avions ? Comment peut-on combattre
ici les multinationales qui
appauvrissent les travailleurs et
laisser ces mêmes multinationales
agresser là-bas des peuples qui leur
résistent ?
La lutte pour la
paix et pour la solidarité
internationale, ce n’est pas un
supplément secondaire ou trop risqué
dans la lutte pour défendre le peuple
français. C’est la même guerre ici et
là. Ce sont les mêmes multinationales
qui dressent les travailleurs et les
peuples les uns contre les autres à
coups de médiamensonges pour fabriquer
la peur. La peur est un instrument
décisif pour diviser et affaiblir ceux
qui sont exploités.
Il ne faut pas
craindre de lancer le débat sur les
guerres, sur Israël, sur le terrorisme.
Quand le peuple français découvrira
combien il a été manipulé, comment on a
utilisé ses impôts pour commettre des
crimes contre l’humanité, cette colère
s’ajoutera à celle qui existe et
renforcera le combat du troisième tour
social.
Car ce faux choix
entre un banquier et une raciste n’est
pas la fin de l’Histoire, c’est
seulement un épisode de plus pour égarer
les révoltes. Le débat des idées, sans
tabou, sans peur et sans sectarisme, est
une arme décisive pour préparer la
bataille qui vient.
MICHEL COLLON &
ALEX ANFRUNS
Le site
Investig’Action attaqué !
MICHEL COLLON
Bonjour,
Lundi peu avant
minuit, notre site Investig’Action a été
attaqué. Depuis, il est soit
inaccessible, soit extrêmement lent. Nos
informaticiens mettent les bouchées
doubles pour le rétablir au plus vite.
Il s’agit d’une
attaque. Certes l’article "2017, le Coup
d’Etat", consacré à la fabrication du
phénomène Macron, était remarquable et a
connu une belle affluence, mais à
minuit ! L’attaque est du type « déni de
services ».
Dès que possible,
vous recevrez un rappel de cet article.
Puis, l’édito que j’avais signé avec
Alex Anfruns, intitulé "France, bilan du
1er tour : place à la bataille des
idées ! "
Même si la
protection absolue n’existe pas, nous
allons tout faire pour renforcer la
sécurité de notre site. Avec un coût
bien sûr, et nous faisons appel à celles
et ceux qui le peuvent pour nous
soutenir ici.
Merci également de
relayer nos infos et analyses, la
bataille devient de plus en plus rude,
nous avons besoin de vous ! Nouveau
livre Le Monde selon Trump de Collon et
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