Opinion
Scénario
de guerre régionale: Jeux de guerre de
l’OTAN des États-Unis et de la Turquie
au large des côtes syriennes
Michel Chossudovsky
Mardi 5 novembre 2013
Selon les reportages de la presse
turque, le haut commandement de la
Turquie sera l’hôte de l’exercice
militaire Invitex de l’OTAN en
Méditerranée orientale, un geste évident
de provocation envers la Syrie.
L’exercice militaire Invitex-Eastern
Mediterranean est prévu du 4 au
14 novembre.
Silence assourdissant : pas un seul
média occidental n’a mentionné ces jeux
de guerre.
Le communiqué officiel du haut
commandement des Forces armées turques
(TSK) suggère un scénario de jeux de
guerre impliquant une guerre régionale
et fondé sur l’hypothèse d’une escalade
militaire dans la guerre secrète menée
par les États-Unis, l’OTAN et Israël en
Syrie. Les pays considérés comme une
menace pour la Turquie et l’OTAN ne sont
pas mentionnés.
Selon la dépêche des Forces armées
turques, différents types d’opérations
navales sont envisagés. Bien que le mot
« guerre » ne soit pas mentionné,
l’objectif déclaré consiste à « traiter
une crise régionale », probablement par
des moyens militaires plutôt que
diplomatiques.
Frégate
turque F-245 TCG Oruç Reis
Le but est d’« améliorer la
coopération et la formation mutuelle
entre les pays participants ». À lire
entre les lignes, cela suggère une
meilleure coordination militaire contre
des ennemis potentiels au Moyen-Orient,
dont la Syrie et l’Iran.
« Selon une déclaration des Forces
armées turques (TSK) du 4 novembre, les
plateformes de l’OTAN, de la Marine
étasunienne, des Forces navales,
aériennes et de la Garde côtière turques
participeront à l’exercice » (Hurriyet
Daily News, Turquie)
On prévoit un important déploiement
de la puissance aérienne et navale.
Selon le communiqué des TSK, les unités
participantes sont :
SNMG-2 de l’OTAN (trois frégates), la
marine étasunienne (une frégate), la
marine turque (trois frégates, deux
corvettes, quatre bateaux d’attaque
rapide, trois sous-marins, deux
pétroliers, deux patrouilleurs, un
navire de débarquement, un remorqueur,
un aéronef de patrouille maritime, cinq
hélicoptères, une équipe amphibie, une
équipe navale de destruction d’ADM
(Multi National Maritime Security Center
of Excellence), la Garde côtière turque
(trois bateaux) et la Force aérienne
turque. (Ibid.)
Les
frégates sont utilisées pour les
opérations amphibies et le débarquement
de forces terrestres. Il est à noter que
les jeux de guerre comprennent sept
frégates, sans compter le navire de
débarquement et une équipe amphibie.
SNMG 2 fait référence à
Standing NATO Maritime Group 2,
NATO standing maritime Immediate
Reaction Forces (Groupe maritime
permanent de l’OTAN 2, Forces maritimes
permanentes de Réaction immédiate de
l’OTAN). SNMG 2 est « une force maritime
multinationale et intégrée, composée de
navires de diverses nations alliées qui
s’entraînent et opèrent ensemble comme
une seule équipe ». Les États membres de
l’OTAN impliqués dans les jeux de guerre
n’ont pas été divulgués.
Fait important, ces jeux de guerre
chevauchent des exercices militaires
bilatéraux entre la Turquie et la
Jordanie, dans lesquels participent les
forces spéciales des deux pays.
De Zeven Provinciën, frégate
de classe (Pays-Bas) (à droite)
Ces exercices bilatéraux entre la
Turquie et la Jordanie n’ont pas fait
l’objet d’une couverture médiatique. Ils
doivent se terminer le 9
Novembre. Ces exercices
consistent à renforcer la coopération
militaire entre les deux pays, qui tous
deux utilisent des forces spéciales dans
la formation et l’hébergement de
mercenaires rebelles.
L’objectif des jeux de guerre est de
menacer la Syrie.
Les deux ensembles de jeux de guerre
seront coordonnés. À cet égard, on
semble envisager un scénario d’invasion
d’un pays ennemi non nommé par des
navires de guerre stationnés en
Méditerranée orientale et soutenus par
une puissance aérienne. Cette opération
serait menée en coordination avec les
États-Unis, l’OTAN et des forces
spéciales alliés sur le terrain opérant
à partir de la Turquie et de la
Jordanie, et appuyant des forces
rebelles affiliées à Al-Qaïda.
L’appui de la Turquie et de la
Jordanie à l’afflux de mercenaires et de
forces spéciales clandestines en Syrie,
y compris d’escadrons de la mort, aux
frontières nord et sud du pays, est
amplement documenté.
La Russie est-elle menacée par ces
jeux de guerre? La Russie est un allié
de la Syrie. Elle a une base navale en
Méditerranée orientale, opérant à partir
du port de Tartous au sud de la Syrie.
Amère ironie du sort, l’OTAN mène des
jeux de guerre à grande échelle à
proximité de la frontière russe,
coïncidant avec les exercices militaires
Invitex. L’Ukraine, qui n’est pas membre
de l’OTAN, participe à ces jeux de
guerre visant la Russie.
« L’exercice militaire, appelé Steadfast
Jazz , verra l’alliance
occidentale mettre à l’épreuve 6000 de
ses soldats, marins et aviateurs en
Pologne et dans la région de la mer
Baltique du 2 au 9 novembre
[…] »
Pendant ce temps, les États-Unis
menacent la Chine dans le cadre du
virage asiatique d’Obama : du 25
au 28 octobre, le Navy Carrier
Strike Group Five des États-Unis (le
plus grand groupe d’attaque des
États-Unis), dirigé par le USS George
Washington, a pris part à des exercices
militaires conjoints en mer de Chine du
Sud.
Texte original :
Regional War Scenario. NATO-US-Turkey
War Games Off the Syrian Coastline,
publié le 5 novembre 2013
Traduction : Julie Lévesque pour
Mondialisation.ca
Michel Chossudovsky est directeur
du Centre de recherche sur la
mondialisation et professeur émérite de
sciences économiques à l’Université
d’Ottawa. Il est l’auteur de Guerre
et mondialisation, La vérité derrière le
11 septembre et de la Mondialisation
de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller
international publié en plus de 20
langues).
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