Opinion
Suicide :
le mode d’emploi pour président et
journaliste
Maxime Vivas
Maxime
Vivas, écrivain - Photo : DR
Jeudi 16 octobre 2014
William Blum est un écrivain et
journaliste états-unien qui a travaillé
au département d’État à Washington et
avec un agent de la CIA à Londres.
L’État voyou (Éditions Parangon, 2002),
un de ses livres traduit en français,
est devenu un best-seller après que Ben
Laden en a recommandé la lecture. À
rapprocher du redécollage des ventes du
livre d’Eduardo Galeano, les Veines
ouvertes de l’Amérique latine (Plon,
1981) après qu’Hugo Chavez l’eut offert
à Barack Obama. Aujourd’hui, William
Blum se réclame de la pensée socialiste.
Son travail porte sur les agissements de
la CIA.
Lisons ce qu’il ferait s’il était
président des États-Unis : « Si j’étais
le président, je pourrais arrêter le
terrorisme contre les États-Unis en
quelques jours. Définitivement. D’abord
je demanderais pardon – très
publiquement et très sincèrement – à
tous les veuves et orphelins, les
victimes de tortures et les pauvres, et
les millions et millions d’autres
victimes de l’impérialisme américain.
Puis j’annoncerais la fin des
interventions des États-Unis à travers
le monde et j’informerais Israël qu’il
n’est plus le 51e État de l’Union mais –
bizarrement – un pays étranger. Je
réduirais alors le budget militaire d’au
moins 90 % et consacrerais les économies
réalisées à indemniser nos victimes et à
réparer les dégâts provoqués par nos
bombardements. Il y aurait suffisamment
d’argent. Savez-vous à combien s’élève
le budget militaire pour une année ? Une
seule année. À plus de 20 000 dollars
par heure depuis la naissance de
Jésus-Christ. Voilà ce que je ferais au
cours de mes trois premiers jours à la
Maison-Blanche. Le quatrième jour, je
serais assassiné. »
Et voyons ce que je ferais pour arrêter
en quelques jours (définitivement)
l’enfumage débilitant du peuple
souverain si, bien costumé, cravaté et
bien peigné, je présentais le journal
télévisé de 20 heures : « D’abord, je
demanderais pardon – très sincèrement –
à tous les téléspectateurs, surtout les
pauvres, victimes du bourrage de crâne
sur le trou de la Sécu, le Smic trop
élevé, les retraités trop payés, les
étrangers trop nombreux, les étudiants
trop coûteux, le Code du travail trop
épais, etc. Puis j’annoncerais la fin de
l’hégémonie de la pensée unique dans les
“grands” médias et j’informerais Pierre
Gattaz qu’il n’est plus le patron des
patrons de presse, mais – bizarrement –
un citoyen lambda. Je réduirais le
salaire des animateurs des émissions de
variété et consacrerais les économies
réalisées à réparer, par des formations
gratuites, les dégâts provoqués dans les
cerveaux par nos bombardements
idéologiques. Il y aurait suffisamment
d’argent. Savez-vous à combien s’élève
le salaire mensuel d’un
animateur-bonimenteur-décérébré, vedette
et cumulard (télé + radio + journaux) ?
Jusqu’à cent fois le Smic. Voilà ce que
je ferais au cours de mes trois premiers
jours au JT de 20 heures. Le quatrième
jour, je serais viré comme un
malpropre. »
La prudence de François Hollande et de
David Pujadas prouve leur don de
voyance : ils ont lu ce billet avant que
je l’écrive.
© Journal
L'Humanité
Publié le 20 octobre 2014 avec l'aimable
autorisation de
L'Humanité
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