Actualité
Alep : le poids de la désinformation,
le choc des mensonges. Partie 1
Maxime Perrotin
© AFP 2016
George Ourfalian
Mercredi 14 décembre 2016
Source :
Sputnik
Lina Shamy, Abdulkafi Alhamdo ou encore
Bilal Abdul Kareem, vous êtes des
milliers a les retweeter et à vous
émouvoir de leurs « adieux » filmés
depuis Alep. Des « reporters » qui ne
sont pas plus indépendants que les
autres sources des médias mainstream.
Analyse
Depuis hier, la presse française et
qatarie (Al-Jazeera) relaient les bruits
de « massacres », de « génocides » qui
seraient perpétrés « à l'arme blanche »
par l'armée syrienne dans les quartiers
d'Alep-Est repris aux « rebelles ». Des
articles, illustrés des vidéos Periscope,
d'interviews Skype, de témoignages sur
WhatsApp de « résidents » d'Alep-Est,
qui ont fait leurs « adieux » en images.
Des informations qui ont été allégrement
reprises par les médias et certains
journalistes visiblement touchés par les
témoignages qu'ils ont reçus de leurs
sources aleppines. Comme la reporter,
Laura-Maï Gaveriaux dont nous vous
parlions hier. Pourtant, lorsqu'on
s'intéresse de près à ces sources, un
conflit d'intérêt plus qu'évident
apparaît. On a affaire à un biais
informationnel manifeste si les auteurs
de ces propos ne sont pas présentés pour
ce qu'ils sont, à savoir des activistes,
voire des combattants. Une omission qui
est apparemment fréquente si on en croit
le témoignage de Claude Chollet,
président de L'Observatoire des
journalistes et de l'information
médiatique (OJIM).
« J'ai
écouté France Culture ce matin, on nous
présentait un habitant d'Alep Est qui se
plaignait et on apprenait incidemment
qu'il était inquiet parce que c'était un
combattant islamiste d'Alep Est, mais ce
n'était pas dit d'une manière
volontaire, ou d'une manière évidente
dans le reportage. »
Par exemple, Lina interviewée par Al Jazeera English
insiste sur le « génocide » que les
derniers habitants d'Alep seraient en
train de vivre, se décrit comme tel sur
son compte
Twitter: « J'appartiens à la
grande révolution syrienne. Ma vie, ma
voix, ma mort lui appartiennent. Je
tweete depuis Alep assiégée »
Quant à
Salah Ashkar, diplômé de l'université de
la Révolution (ex. Université d'Alep),
récemment interviewé par
USA Today,
celui-ci appelle dans une vidéo postée
sur son compte Twitter et où il porte un
gilet pare-balle « press »: « Tout le
monde à Alep dépend maintenant de votre
capacité à faire pression sur vos
gouvernements pour qu'ils les protègent
de la capture ou de la mort des mains du
régime. »
Autre « résident d'Alep », mais
sur lequel la presse est plus claire,
notamment quant à son statut
d'activiste, le professeur d'anglais
Abdulkafi
Alhamdo. Il faut dire que
c'est ce qui apparaît au premier clic
sur son compte Twitter toujours. «
professeur, activiste et reporter, de
l'intérieur d'Alep ».
Pourtant, depuis la percée de l'armée
syrienne dans les quartiers « rebelles »
d'Alep-Est, les vidéos d'adieu de ces «
reporters » et autres témoins
prétendument « impartiaux » ont fleuri
sur la toile, des vidéos largement
reprises par les médias français et par
Al-Jazeera. Information ou
désinformation?
Parlant d'Al-Jazeera,
justement, Claude Chollet, pointe du
doigt le manque d'impartialité du média
arabophone: il note toutefois une
évolution dans la ligne éditoriale de la
chaîne vis-à-vis des différents
protagonistes de la guerre en Syrie,
notamment vis-à-vis de Daech. Une
évolution due notamment au fait que le
groupe djihadiste s'en est pris aux
monarchies sunnites:
Pierre
Le Corf fustige les terroristes
d'Alep-Est, «cités en héros»
« Al Jazeera est tout sauf un média
indépendant, c'est un média privé, mais
dirigé par un État. Ces derniers temps,
ils usaient de beaucoup de
circonvolutions entre les moudjahidin,
les islamistes et les combattants
musulmans pour savoir qui étaient les
bons, qui étaient les moins bons et qui
étaient les mauvais. »
Un exercice de
style auquel s'était déjà adonnée la
chaîne lors des attentats du 13 novembre
à Paris, évoquant un « instigateur » à
l'origine d'attentats visant à ternir
l'image de l'Islam, comme le rapportait
dès
le lendemain Courrier International.
Autre illustration du phénomène, Éva
Bartlett, une journaliste canadienne
indépendante était interpellée lors
d'une conférence de
presse ayant pour
thème « Contre la propagande et le
changement de régime en Syrie »,
organisée par la Mission permanente de
la République syrienne auprès de l'ONU.
Un confrère lui demande de justifier ses
affirmations sur les mensonges
médiatiques autour d'Alep. Dans une
réponse cinglante, elle pointe du doigt
le manque de sources fiables des médias
occidentaux:
« Ces organisations
s'appuient sur l'Observatoire syrien des
droits de l'homme, basé au Royaume-Uni,
une seule personne. […] Elles s'appuient
sur des groupes corrompus comme les
Casques Blancs. »
Passant en revu leur
historique, organisation fondée en 2013
par un ex-officier de l'armée
britannique, des Casques Blancs dont «
personne n'a entendu parler » sur les
territoires aujourd'hui libérés où ils
disaient être en activité.
« Ils ne sont
pas crédibles, l'OSDH n'est pas
crédible, les militants sans nom ne sont
pas crédibles […] Vous n'avez donc pas
de source sur le terrain. […] Comment
peuvent-ils [les médias] continuer à
dire que le gouvernement syrien attaque
la population civile à Alep, alors que
chaque personne qui revient de ces
territoires occupés dit le contraire? »
Le
dossier Syrie
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