Ecologie
Les pays du G20 financent et
organisent
l'aggravation du réchauffement
climatique
Maxime Combes
Vendredi 30 novembre 2018
Réunis pour deux jours en Argentine, les
chefs d'Etat ou de gouvernement des
vingt pays les plus puissants de la
planète sont mis à l'index : le G20, à
lui tout seul, est en train d'entériner
un réchauffement climatique supérieur à
3,2°C. A quelques jours de la COP24, les
plus grands criminels du climat sont
donc connus : ils sont 20. Et ils sont
réunis à Buenos Aires.
Intoxiqués aux énergies fossiles et à la
recherche de la croissance économique à
tout prix, les pays du G20 représentent
à eux seuls 80% de la consommation
d'énergie dans le monde – et 78% des
émissions de C02 – pour à peine 60% de
la population mondiale.
Le rapport publié par le PNUE
en début de semaine est clair : les pays
du G20 pris collectivement « ne sont pas
sur la bonne voie » pour atteindre les
objectifs qu'ils se sont eux-mêmes fixés
pour 2030. Parmi les cancres on peut
compter les Etats-Unis ou l'Arabie
Saoudite, bien sûr, mais également le
Canada et l'Union européenne qui se
présentent pourtant bien souvent comme
les « Champions du climat ».
Dans la réalité, il
n'en est rien. Le G20, en matière de
lutte contre les dérèglements
climatiques, ressemble à une classe de
cancres. Mettre à l'index Donald Trump
et les Etats-Unis, comme cela est fait
habituellement, est donc trompeur. C'est
oublier que dans une classe de cancres,
même le meilleur d'entre eux, reste un
cancre. Ainsi, l'Union européenne, loin
de l'image qu'elle souhaite donner
d'elle-même, n'est pas en mesure de
garantir que ses objectifs pour 2030
seront atteints. Et au sein de l'Union
européenne, la France est loin d'être
exemplaire, quoiqu'en disent les
défenseurs du nucléaire dans le mix
électrique du pays : ses émissions
n'ont-elles pas augmenté de 3,2 % en
2017 par rapport à 2016 (contre une
augmentation de 1,8% pour l'UE) ?
Ils sont 20. Ce
sont 20 criminels du climat.
Il faut dire que
les énergies fossiles représentent
toujours 82% du mix énergétique des pays
du G20, rappelle
un deuxième rapport par Climate Transparency. Des énergies
fossiles largement subventionnées
puisque les pays du G20 leur ont accordé
147 milliards de dollars en 2016 contre
75 milliards de dollars en 2007. Soit
96% d'augmentation ! La France n'est pas
en reste avec 5,8 milliards de dollars.
Les pays du G20 financent donc
allègrement l'aggravation du
réchauffement climatique.
Tranquillement. Et en totale
contradiction avec l'engagement pris en
2009 lors du 20 de Pittsbrugh, et
renouvelé régulièrement depuis, qui
consistait à supprimer ces subventions
ou aides déguisés. Il n'en est rien. Au
contraire.
Selon ce rapport,
les émissions de gaz à effet de serre
sont donc repartis à la hausse dans 15
des 20 pays du G20, les éloignant
progressivement et irrémédiablement
d'une trajectoire conforme aux objectifs
de 2°C – et idéalement 1,5°C – pris dans
le cadre de l'Accord de Paris.
Rendons-nous compte : un objectif de
réduction de 80% des émissions entre
2005 et 2050 – le minimum requis pour
les pays riches – exige une réduction
annuelle constante d'environ 3,5% par an
durant cette période. Les pays du G20 en
sont très éloignés et ils nous
conduisent à eux tous seuls, sur un
réchauffement climatique supérieur à
3,2°C.
Du théâtre pour
sauver les apparences
Alors que les chefs
d'Etat des pays du G20 devraient donc
TOUS être mis à l'index pour leurs
piètres résultats en matière de lutte
contre les dérèglements climatiques, les
commentateurs et principaux médias
devraient nous réserver la mise en scène
habituelle : d'un côté, les bons chefs
d'Etat, ceux qui veulent que la lutte
contre les dérèglements climatiques
apparaisse dans le communiqué final et,
de l'autre, celui, ou peut-être ceux,
qui n'en voudront pas. Une scène
identique à celle du G20 d'Hambourg
l'année passée, ou à celles des G7 en
Italie (2017) et au Canada (2018). Pour
quel résultat ? Aucun, puisque les
émissions de gaz à effet de serre de la
plupart de ces pays ont augmenté en
2017.
Faut-il d'ailleurs
faire la liste des G7 et des G20 qui ont
pris des engagements en matière de lutte
contre les dérèglements climatiques ? Le
G8 de l'Aquila en 2009 n'avait-il pas
annoncé en faire une priorité majeure,
quelques mois avant l'échec de la
conférence de Copenhague sur le
réchauffement climatique ? Tous ces
engagements, répétés année après année,
peuvent être repris et analysés : aucun
n'a été suivi d'effet et les pays du
G20, pris dans leur globalité, sont les
principaux responsables de l'aggravation
des dérèglements climatiques.
Il y aura pourtant
des commentateurs pour se féliciter,
qu'en marge du G20 à Buenos Aires,
quelques pays, autour de la France et de
l'Union européenne, auront réaffirmé
leur détermination à lutter contre le
réchauffement climatique. Les mêmes
commentateurs se féliciteront également
d'un communiqué où le G19 (G20 moins
Etats-Unis) mettra peut-être à distance
Donald Trump sur le commerce
international, renouvelant un soutien
inconditionnel à la libéralisation du
commerce. Sans même se rendre compte de
l'incongruité d'une telle prise de
position face à l'urgence climatique
nourrie par cette libéralisation à
outrance menée depuis plus de trente
ans.
Un profond
schisme de réalité entre urgence
climatique et globalisation libérale
Relocaliser les
circuits de production et de
consommation, réduire les transports
internationaux de marchandises, taxer le
kérosène et le fioul lourd utilisés pour
motoriser cette mondialisation des
échanges, supprimer les règles de l'OMC
qui aujourd'hui limitent les politiques
de transitions énergétique adaptées aux
territoires, défendre une agriculture
paysanne et bio au détriment des
politiques d'agro-exportations, … sont
quelques-unes des mesures indispensables
du point de vue de l'urgence climatique,
mais qui, malheureusement, ne trouveront
pas place dans le communiqué final du
G20.
Autant de
propositions qui sont également bien
souvent en contradiction avec les règles
de l'OMC et la pratique de son organisme
de règlement des différends (ORD)
qu'Emmanuel Macron veut pourtant
renforcer, plutôt que rénover à l'aune
de l'impératif climatique, pour défendre
une globalisation des échanges mise à
mal par les saillies de Donald Trump.
Malheureusement, trop rares sont les
commentateurs à mettre en exergue cette
contradiction, comme si l'on pouvait
résoudre la crise climatique tout en
continuant à vouloir approfondir la
globalisation néolibérale.
Trop rares seront
également les commentateurs pour
suggérer une troisième voie qui puisse
se positionner, en même temps, contre le
repli identitaire de Donald Trump et
contre une globalisation désastreuse
qu'Emmanuel Macron défend, et en faveur
de régulations qui fassent enfin primer
l'urgence climatique, les droits
sociaux, les droits humains, la
protection de la biodiversité, sur le
Business as usual. Voilà qui serait
révolutionnaire et à la hauteur des
enjeux.
Mais ce n'est pas à
l'ordre du jour du G20. Ce G20 où
siègent 20 criminels du climat, bien
trop occupés à préserver les intérêts de
leurs multinationales respectives dans
la mondialisation néolibérale pour
mettre en œuvre des politiques efficaces
en matière de lutte contre les
réchauffements climatiques.
Maxime Combes,
économiste et auteur de Sortons de l'âge
des fossiles ! Manifeste pour la
transition, Seuil, Anthropocène, 2015.
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