Écologie
Macron va-t-il rester sourd aux
exigences
des marches et grèves pour le climat ?
Maxime Combes
Maxime
Combes
Lundi 18 mars 2019
Les centaines de milliers de jeunes et
de moins jeunes mobilisés ces 15 et 16
mars pour dénoncer l’inaction des
pouvoirs publics en matière climatique
placent Emmanuel Macron et son
gouvernement face à leurs
responsabilités : vont-ils continuer à
se défausser de leur responsabilité en
l'imputant sur chacun.e d'entre nous
plutôt qu’accélérer une véritable
transition écologique et sociale ?
Il y a des dates et
des mobilisations citoyennes qui
marquent une génération. La grève
scolaire mondiale pour le climat du
vendredi 15 mars en est une. Les
chiffres frappent les esprits : plus
d'un million de jeunes mobilisés aux
quatre coins de la planète, dont 160 000
en France, font de cette journée la plus
grande mobilisation internationale pour
le climat jamais organisée. Qu'au
lendemain de cette journée historique,
350 000 manifestant.e.s aient à nouveau
manifesté dans 220 villes du pays pour
un « printemps climatique et social »
indiquent qu'un mouvement citoyen
d'ampleur est en train de s'enraciner
dans la durée et sur tout le territoire.
Un saut quantitatif
– les manifestations climat de l'automne
avaient regroupé environ 150 000
personnes – qui s'accompagne également
d'un saut qualitatif notable : au fil
des manifestations et de l'absence de
réponse des pouvoirs publics, les
discours se font à la fois plus précis
et plus exigeants. Aux revendications en
matière d'urgence climatique se mêlent
désormais des revendications rodées et
largement partagées en matière de
justice sociale et fiscale. Ainsi qu'un
discours plus affirmé sur le rejet du
racisme, des violences policières et de
la nécessaire démocratisation de nos
institutions et pratiques politiques. De
quoi permettre une alliance durable et
féconde entre gilets jaunes, mouvement
climat et marche des solidarités ?
Make Our BlaBla
Great Again
Depuis cet automne,
Emmanuel Macron et son gouvernement
cherchent à amadouer ces nouveaux
manifestants pour le climat, en
court-circuitant les ONG et associations
mobilisées depuis des années. Emmanuel
Macron n'est-il pas celui qui s'est
opposé à Donald Trump lorsqu’il décida
de retirer les Etats-Unis de l'Accord de
Paris ? L’Elysée et les ministres du
gouvernement, comme
Brune Poirson, agitent le
slogan « MakeOurPlanetGreatAgain » dès
qu'ils sont mis en cause, espérant sans
doute qu’il leur serve de de totem
d'immunité.
Profitant des
sommets internationaux, Emmanuel Macron
n'hésite d’ailleurs pas à multiplier les
discours offensifs pour dénoncer le
capitalisme financier ou la prédation
des ressources. Il est temps de «
transformer l’économie de marché
contemporaine mondiale pour qu’elle
intègre les critères environnementaux et
durables » vient-il d'ailleurs
d'affirmer depuis le sommet
sur l'environnement de Nairobi. Une
tactique désormais utilisée par certains
de ses ministres, de
Bruno Le Maire à
Brune Poirson,
Des petites phrases
qui ne semblent pas marquer l'opinion.
Sans doute parce qu'elles sonnent faux
au regard des politiques productivistes
et inégalitaires menées par l'exécutif :
Emmanuel Macron n'a-t-il pas
signé des accords de commerce
qui ne sont pas climato-compatibles ? Ne
déroule-t-il pas le tapis rouge au monde
de la finance ? Sa majorité à
l’assemblée ne vient-elle pas coup sur
coup de
rejeter une proposition de loi
visant à interdire que l'épargne
populaire continue de financer les
énergies fossiles, et
repousser à 2025
l’interdiction de la production de
certains pesticides ?
L'exécutif
cherche à minorer sa responsabilité
Mis à l'index pour
ses contradictions et son inaction
climatique, l'exécutif semble désormais
plus nerveux et moins sûr de lui.
Dans sa réponse, indigeste, à
la pétition de l'Affaire du siècle,
François de Rugy tente ainsi de diluer
la responsabilité du gouvernement en
affirmant que le défi du réchauffement
climatique ne pourra être relevé « que
grâce aux décisions individuelles de
chacun ». Un axe de défense qu'Emmanuel
Macron mobilise également : « la
solution au réchauffement climatique,
c’est d’abord chacune et chacun d’entre
nous » a-t-il
déclaré à Gréoux-les-Bains le 7 mars
dernier, avant d'affirmer
depuis Nairobi, qu'en
matière de réchauffement climatique, «
ce n'est pas le peuple contre le
gouvernement – il faut arrêter ces
bêtises – c'est nous tous ».
Compte-tenu des
slogans et de la détermination affichées
lors de la grève scolaire du 15 mars et
lors de la manifestation du 16 mars, il
paraît peu probable de voir Emmanuel
Macron et son gouvernement convaincre
ainsi l'opinion. Pourtant, si l'on en
croit les bruits qui nous parviennent de
l'Elysée et du ministère de la
transition écologique, il semblerait que
l'exécutif n'ait aucune intention de
faire des annonces rapides pour donner
plus d'ambition à sa politique
climatique.
Emmanuel Macron et
son gouvernement vont-ils donc se
contenter de dire aux centaines de
milliers de personnes mobilisées
qu'elles n'obtiendront rien ?
Pensent-ils que la nouvelle mouture
attendue du (petit)
projet de loi « Energie » que
François de Rugy doit prochainement
présenter en Conseil des ministres
suffira à calmer cette mobilisation
historique ? Vont-ils se limiter à
vouloir remettre sur le tapis une taxe
carbone pourtant à l'origine du
mouvement des gilets jaunes et alors que
des
propositions alternatives existent
pour réduire les émissions et financer
la transition (taxer les plus gros
pollueurs) ?
Finalement,
Emmanuel Macron et son gouvernement
vont-ils rester sourds à cette puissante
lame de fond qui parcourt une partie
significative de la société ?
Maxime Combes,
économiste et auteur de Sortons de l'âge
des fossiles ! Manifeste pour la
transition, Seuil, Anthropocène, 2015.
PS : pour info, les
14 propositions de Attac France, pour
nourrir le débat et nos revendications
collectives
Le dossier écologie
Les dernières mises à jour
|