Analyse
Comment l’Occident a contribué
à créer l’« État Islamique »
Maxime Chaix
Samedi 27 août 2016
En armant le Front al-Nosra dès 2012,
les services secrets occidentaux et
leurs alliés proche-orientaux ont
directement et massivement soutenu le
futur « État Islamique », comme je tente
de le démontrer dans ma dernière analyse
sur le conflit syrien. Publiée sur le
site
Contrepoints.org, elle inclut
de brèves mais percutantes interventions
du spécialiste de la Syrie
Fabrice Balanche et du député
PS
Gérard Bapt. Je les remercie
d’avoir pris le temps de répondre à mes
questions, et je vous encourage à
diffuser largement cet article si vous
estimez qu’il est digne d’intérêt.
Le site du magazine Foreign
Policy vient de publier
une enquête particulièrement
instructive sur la rencontre qui a
conduit à la séparation entre le Front
al-Nosra – la branche syrienne d’al-Qaïda
dirigée par
Abou Mohammed al-Joulani –, et le
réseau qui était alors connu sous le nom
d’État Islamique en Irak (EII). Dans cet
article, Foreign Policy nous
détaille cette rencontre cruciale entre
d’importants commandants jihadistes,
dont Abou Bakr al-Baghdadi, qui était
alors le leader de l’EII, et Abou Omar
al-Shishani, le chef militaire de Daech
qui a été tué par une frappe de l’U.S.
Air Force en
juillet 2016. Initialement, al-Shishani
avait été
formé par des instructeurs du Pentagone
lorsqu’il combattait au sein des Forces
spéciales géorgiennes en 2006. Décrit
comme un « élève
star » à cette époque, il avait
combattu l’armée russe en 2008 lors du
conflit en Ossétie du Sud. En 2013, avec
les miliciens du mouvement jihadiste
qu’il avait fondé, le
Jaish al-Muhajireen wal-Ansar, il a
joué un rôle déterminant dans la prise
de la
base aérienne de Menagh, au nord
d’Alep. Il recevait alors ses ordres du
colonel Okaidi, un commandant de l’Armée
Syrienne Libre (ASL)
soutenu par les États-Unis et la
Grande-Bretagne qui, de son propre
aveu, entretenait des relations « fraternelles
» avec les extrémistes du Front al-Nosra
et de l’État Islamique en Irak et au
Levant (EIIL). Cette même année 2013,
Abou Omar al-Shishani
prêta allégeance à l’EIIL,
s’imposant rapidement comme le «
ministre de la guerre » de Daech.
Comme nous le verrons, al-Shishani est
loin d’être le seul combattant de cette
organisation à avoir bénéficié d’un
soutien occidental direct, du moins
jusqu’en 2013.
Organisée en avril de cette
même année, cette rencontre entre chefs
jihadistes a lancé le processus de
création de l’« État Islamique », qui
fut décrété au mois de juin 2014 par son
leader, Abou Bakr al-Baghdadi. Au plan
symbolique, elle a conduit au changement
de nom de l’EII, qui s’est alors
rebaptisé l’EIIL (État Islamique en Irak
et au Levant). Interrogé par Foreign
Policy, un participant à cette
rencontre – surnommé « Abou Ahmad » pour
des raisons de sécurité –,
décrit le fonctionnement interne de
ces milices
terroristes. Essentiellement,
cet article nous indique que cette
rencontre a abouti non pas à une
scission entre ces deux organisations,
mais à une véritable absorption des
combattants, des cadres et des moyens
militaires et logistiques du Front al-Nosra
par l’EIIL d’al-Baghdadi au printemps
2013. Nous analyserons donc
dans quelle mesure les opérations
clandestines de la CIA et de ses alliés,
dont les services français, ont alimenté
dès 2012 la montée en puissance de
l’EII au sein d’al-Nosra, donc de ce qui
allait devenir l’EIIL en avril 2013,
puis l’« État Islamique » en juin 2014.
Printemps 2013 : l’EII
absorbe la majorité des moyens humains
et militaires d’al-Nosra
Pour le lecteur averti,
l’information la plus importante de
cet article de Foreign Policy
se trouve dans sa conclusion. En effet,
lors de la séparation d’avril 2013 entre
l’EII et le Front al-Nosra, une «
large majorité de commandants et de
combattants d’al-Nosra en Syrie
ne suivirent pas » leur leader
Mohammed al-Joulani – le fondateur d’al-Nosra
issu de l’EII, qui durant l’été 2011
avait été envoyé en Syrie par Abou Bakr
al-Baghdadi pour y mener le jihad. Au
contraire, ces combattants prêtèrent
massivement allégeance à al-Baghdadi, se
séparant du Front al-Nosra et
constituant ce qui allait officiellement
devenir l’« État Islamique » en juin
2014.
Selon Foreign Policy, «
le changement de l’EII vers l’EIIL
signifiait que tous les groupes ou
factions qui avaient rejoint l’EIIL
perdraient leur nom. Pour le Front al-Nosra
et son leader, Abou Mohammed al-Joulani,
ce développement était un potentiel
désastre ; il pouvait signifier la fin
de leur influence dans le champ de
bataille jihadiste le plus important au
monde. Al-Joulani ordonna donc aux
combattants d’al-Nosra de ne pas
rejoindre l’EIIL, et d’attendre que [le
numéro un d’al-Qaïda Ayman] al-Zawahiri
se prononce sur qui devait diriger le
jihad sur le théâtre de guerre syrien.
Une large majorité de
commandants et de combattants d’al-Nosra
en Syrie ne suivirent pas [al-Joulani].
Lorsqu’Abou Ahmad visita Alep quelques
semaines plus tard seulement,
environ 90 % des combattants d’al-Nosra
dans cette ville avaient déjà rejoint
l’EIIL. Les nouveaux soldats de
Baghdadi ordonnèrent aux quelques
derniers loyalistes d’al-Nosra de
quitter l’hôpital d’al-Oyoun, qui avait
été jusqu’à présent la principale base
d’al-Nosra dans cette ville. “Vous devez
partir ; nous constituons al-dawla
[l’État] et nous regroupons la vaste
majorité des combattants” dirent-ils aux
hommes d’al-Nosra, selon Abou Ahmad.
“Donc ces quartiers généraux nous
appartiennent.” Partout dans le
Nord de la Syrie, l’EIIL s’empara des
QG d’al-Nosra, des caches de munitions
et des dépôts d’armes.
Étonnamment, la branche d’al-Qaïda en
Syrie devait soudain combattre pour sa
survie. Une nouvelle époque démarrait –
celle de l’État Islamique. »
Interrogé sur ces informations
de em>Foreign Policy, l’expert de
la Syrie
Fabrice Balanche confirme leur
exactitude, tout en précisant que «
ces faits étaient connus à l’époque,
mais plutôt du côté des spécialistes ».
Selon lui, « entre avril 2013 et
janvier 2014, la majorité du Front al-Nosra
s’est rangée du côté de l’EIIL. Al-Joulani
s’est donc retrouvé en minorité. Le
rapport devait être d’un quart de
combattants restant loyaux à al-Nosra,
contre trois quarts se ralliant à
l’EIIL. La majorité des combattants du
groupe jihadiste étaient des étrangers,
dont beaucoup d’Irakiens. Ils ont donc
préféré al-Baghdadi. » D’après ce
chercheur, qui travaille actuellement au
Washington Institute, « al-Nosra
en Syrie regroupait environ 20 000
combattants avant la scission d’avril
2013. Par conséquent, près de 15 000
auraient rejoint l’EIIL et 5 000
seraient restés combattre sous la
bannière d’al-Nosra – même si ces
chiffres sont approximatifs. Par la
suite, al-Nosra s’est renforcé en
s’alliant avec d’autres groupes syriens
contre l’EIIL. Dans cette histoire
complexe, il faut retenir que la guerre
entre al-Nosra et l’EIIL fut
particulièrement sanglante durant
l’hiver 2013-2014. Elle a laissé des
traces, ce qui empêche les deux groupes
de joindre leurs efforts. »
Également interrogé sur cette scission,
le député socialiste
Gérard Bapt précise que « l’EIIL
a ensuite été soutenu par les services
spéciaux du prince Bandar pour contrer
l’influence des Frères Musulmans qui
s’exprimait à travers le Front al-Nosra,
une milice appuyée principalement par le
Qatar et la Turquie. Les Saoudiens
n’imaginaient probablement pas les
conséquences d’un tel soutien, avec la
proclamation désastreuse de l’État
Islamique entre l’Irak et la Syrie en
juin 2014. »
Les services secrets
saoudiens et la CIA : du jihad afghan au
takfir syrien
Rappelons alors qu’en juillet
2012, le prince Bandar était nommé à la
tête des services spéciaux saoudiens, ce
qui avait été analysé par la plupart des
experts comme un signe de
durcissement de la politique
syrienne de l’Arabie saoudite. Surnommé
«
Bandar Bush » du fait de sa
proximité avec la dynastie
présidentielle du même nom, il était
ambassadeur à Washington à l’époque des
attaques du 11-Septembre. Depuis
plusieurs années, cet homme
intimement lié à la CIA est accusé
par
l’ancien sénateur de Floride d’avoir
indirectement soutenu certains des
pirates de l’air désignés coupables de
ces attentats. Après qu’il fut écarté de
son poste de chef des services spéciaux
en avril 2014, le Guardian
souligna que « Bandar avait
dirigé les efforts saoudiens visant à
mieux coordonner les livraisons d’armes
aux rebelles combattant el-Assad en
Syrie. Néanmoins, il a été
critiqué pour avoir soutenu des groupes
islamistes extrémistes,
risquant ainsi le même “retour de bâton”
que celui des combattants saoudiens
d’Oussama ben Laden rentrant au pays
après le jihad contre les Soviétiques en
Afghanistan dans les années 1980 – une
guerre sainte qui avait été autorisée
officiellement. » Or, comme à
l’époque du jihad afghan, la CIA et les
services secrets saoudiens ont
étroitement collaboré en Syrie, la
grande proximité du prince Bandar
avec l’Agence facilitant cette politique
clandestine.
En réalité, les relations entre
la CIA et les services saoudiens sont
littéralement fusionnelles. Début 2016,
le New York Times
révéla que l’Arabie saoudite avait
été « de loin » le
principal financeur de la guerre
secrète anti-Assad de la CIA, baptisée
« opération Timber Sycamore ».
Afin de renverser le gouvernement
syrien, l’Agence a mobilisé «
environ un milliard de dollars »
chaque année depuis 2013, dans le cadre
de ce que le Washington Post
a décrit comme un « plus vaste
effort de plusieurs milliards de dollars
impliquant l’Arabie saoudite, le Qatar
et la Turquie », c’est-à-dire les
trois États
notoirement connus pour soutenir les
factions extrémistes en Syrie. En
d’autres termes, la CIA a
facilité et coordonné dès janvier
2012 les opérations syriennes des
services secrets de ces pays,
essentiellement financées par les
pétrodollars saoudiens. Comme des
experts et des
journalistes américains l’on
expliqué à l’automne 2015, cette guerre
secrète aurait pu aboutir au
renversement de Bachar el-Assad, essentiellement
du fait des pertes infligées à l’armée
syrienne par les missiles TOW made
in USA. En 2013,
sous couvert d’équiper sa garde
nationale et son armée de terre,
l’Arabie saoudite avait acheté
plus de 15 000 missiles TOW à la
multinationale américaine Raytheon –
soit un investissement de 1,1 milliard
de dollars. En réalité,
plusieurs milliers de missiles ont
été distribués aux rebelles anti-Assad
par différents services depuis les « MOC »
(Military Operations Centers),
des bases secrètes
supervisées par la CIA en Turquie et
en Jordanie.
Toujours
selon le New York Times, «
les efforts saoudiens [en Syrie]
furent dirigés par le flamboyant prince
Bandar ben Sultan, (…) qui demanda aux
espions du royaume d’acheter des
milliers [de mitrailleuses] AK-47 et des
millions de munitions en Europe de l’Est
pour les rebelles. La CIA a facilité
certains [sic] de ces achats d’armements
pour les Saoudiens, dont un vaste deal
avec la Croatie en 2012. Durant
l’été de cette même année, ces
opérations semblaient être hors de
contrôle à la frontière entre la Turquie
et la Syrie, les nations du Golfe
transmettant de l’argent et des armes à
des factions rebelles – y compris à des
groupes dont les hauts responsables
américains craignaient qu’ils soient
liés à des organisations extrémistes
comme al-Qaïda. »
En réalité, malgré ces craintes, la CIA
coordonnait clandestinement depuis le
mois de janvier 2012 au moins deux
réseaux d’approvisionnement en armes
financés par les pétromonarchies du
Golfe et la Turquie : une série de
livraisons aériennes depuis les Balkans,
qui a récemment fait l’objet d’une
enquête approfondie du
BIRN et de l’OCCRP
confirmant le
rôle central de la CIA dans ce
trafic d’armes illégal ; et une autre
voie d’approvisionnement maritime depuis
la Libye, selon les
révélations jamais démenties du
journaliste d’investigation
Seymour Hersh. Concernant le trafic
en provenance des Balkans, seuls cinq
médias francophones ayant rapporté cette
enquête sont recensés par
Google Actualités. Et parmi eux,
seuls
Mediapart.fr et
Bruxelles2.eu ont souligné la
coresponsabilité des États-Unis dans ces
opérations, contrairement à
Liberation.fr,
DirectMatin.fr, et
LOpinion.fr – qui se sont contentés
d’articles laconiques pour traiter ce
sujet.
En juillet 2013, d’après le
parlementaire britannique Lord Ashdown,
ces opérations clandestines de la CIA et
de ses partenaires avaient armé «
presque exclusivement » les
jihadistes du
Front al-Nosra, qui incluait
jusqu’au printemps 2013 l’EII d’al-Baghdadi.
Bon connaisseur des Balkans, cet
ancien Haut Représentant des
Nations-Unies en Bosnie-Herzégovine
confirmait ainsi les
révélations du New York Times,
qui nous avait informés en mars 2013 que
les services spéciaux turcs, qataris,
jordaniens, émiratis et saoudiens
avaient introduit au moins
3 500 tonnes d’armements en Syrie
depuis janvier 2012 avec l’aide discrète
de la CIA – ce qui
a considérablement renforcé la
coalition Front al-Nosra/EII avant la
séparation d’avril 2013. Et comme nous
l’avons démontré, la majorité des
combattants d’al-Nosra ont alors été
absorbés par l’EII, qui s’est rebaptisé
EIIL et qui s’est accaparé les
principales ressources humaines,
logistiques et militaires d’al-Nosra. Il
est donc indéniable que ces politiques
clandestines ont grandement encouragé le
développement de ce qui allait devenir
Daech en juin 2014, du moins sur le
théâtre de guerre syrien. En Occident,
le fait que si peu d’observateurs
l’aient souligné semble être
symptomatique d’une réticence collective
à accepter que les réseaux d’al-Qaïda en
Syrie furent massivement armés et
soutenus par nos propres services
spéciaux, et ce dans le but de renverser
Bachar el-Assad. L’irrésistible montée
en puissance de Daech est donc bel et
bien une conséquence directe de cette
stratégie,
comme l’avait prédit le
Renseignement militaire du Pentagone dès
2012.
La coresponsabilité
des alliés occidentaux et israéliens de
la CIA dans le chaos islamiste en Syrie
Bien qu’ils aient joué un rôle
majeur dans ce désastre, la CIA et ses
alliés turcs et pétromonarchiques n’en
sont pas les seuls fautifs. Selon les
magistrats de la Haute Cour criminelle
britannique, les services spéciaux de Sa
Majesté
ont soutenu la coalition Front al-Nosra/EII,
potentiellement
pour le compte de la CIA afin que
cette dernière puisse échapper à la
supervision du Congrès. Depuis 2014, il
est de notoriété publique qu’Israël
soigne des combattants d’al-Nosra
et, comme le grand reporter Robert Parry
l’a souligné, Tsahal « a
également mené des frappes aériennes en
Syrie qui ont soutenu les avancées d’al-Nosra,
ce qui a notamment impliqué
l’élimination de conseillers du
Hezbollah et de l’Iran qui aidaient le
gouvernement syrien ». En décembre
2012, le ministre des Affaires
étrangères français Laurent Fabius avait
repris à son compte les arguments des
alliés pétromonarchiques de la France,
qui pensaient que le Front al-Nosra
faisait du «
bon boulot sur le terrain »
alors que le Département d’État plaçait
cette milice sur la liste onusienne des
organisations terroristes – en
contradiction avec la
politique clandestine de la CIA et
de ses partenaires. Cette déclaration
stupéfiante, qui fut relayée par le
journal Le Monde, n’avait pas
été reprise dans la presse. Elle avait
été prononcée par Laurent Fabius alors
que l’EII faisait partie intégrante de
ce réseau terroriste ce qui,
manifestement, n’a été relevé par aucun
observateur.
En mars 2016, le magazine
Marianne
a révélé que la direction de la
prospective du Quai d’Orsay avait, dès
octobre 2012, alerté le ministre des
Affaires étrangères et l’Élysée sur le
fait que l’Arabie saoudite et le Qatar
finançaient les groupes jihadistes en
Syrie. Dans une note qui fut ignorée par
leur hiérarchie, ces experts
soulignaient que le « piège [venait]
du Golfe », et que « nous
[risquions] d’y tomber ».
Finalement, à partir de 2014,
plusieurs députés de l’opposition
ont affirmé que la France avait soutenu
le Front al-Nosra. Interrogé sur cette
question, le député Gérard Bapt confirme
un « soutien clandestin de l’État
français en faveur des différentes
mouvances islamistes en Syrie, au regard
de la porosité et de la proximité entre
ces groupes alliés sur le terrain. Or,
l’aide française aux rebelles en Syrie,
et plus généralement le soutien
occidental en leur faveur, se sont
poursuivis y compris après les attentats
contre Charlie Hebdo et l’Hyper
Casher, pourtant revendiqués par
al-Qaïda. »
Nous pouvons conclure de ces
différentes révélations que les services
secrets occidentaux et leurs partenaires
régionaux ont, au moins jusqu’en 2013,
massivement armé et soutenu la milice
takfiriste qui allait devenir Daech
l’année suivante, puisque l’EII et al-Nosra
constituaient une seule et unique entité
avant leur séparation d’avril 2013. Par
conséquent, le Pentagone et ses alliés,
qui incluent les forces aériennes
françaises, sont en train de bombarder
une organisation terroriste dont la CIA
et ses partenaires ont grandement
favorisé la montée en puissance en Syrie
à partir de janvier 2012. Hélas, cette
schizophrénie stratégique subsiste :
depuis deux ans, nos armées sont
engagées dans des opérations contre
Daech à l’efficacité d’ailleurs
contestable, alors que la CIA et ses
alliés
continuent de soutenir al-Qaïda pour
renverser le gouvernement el-Assad. Or,
selon un prestigieux think tank
britannique cité par le
Guardian en décembre
dernier, « plus de la moitié des
combattants rebelles en Syrie qui sont
opposés au Président Bachar el-Assad
sont favorables aux vues de l’État
Islamique ». Dans ce même article,
il est précisé que « si Daech est
vaincu [en Irak et en Syrie], au moins
65 000 combattants appartenant à
d’autres groupes salafistes-jihadistes
sont prêts à prendre sa place ».
Ainsi, comme
l’avait préconisé Michel Colomès en
octobre 2015, il serait peut-être temps
d’arrêter de « jouer les “bons”
contre les “méchants” islamistes »,
une politique qui revient selon lui à « payer
la corde qui nous pendra ». Et
comme
l’avait dénoncé la représentante au
Congrès
Tulsi Gabbard le 19 novembre 2015 –
soit moins d’une semaine après les
attentats de Paris –, « renverser le
gouvernement syrien d’el-Assad est le
but de Daech, d’al-Qaïda et d’autres
groupes islamistes extrémistes. Nous ne
devrions pas nous allier avec ces
fanatiques en les aidant à remplir leur
objectif, car cela est contraire aux
intérêts sécuritaires des États-Unis et
de la civilisation. » Quinze ans
après le 11-Septembre, et dans un
contexte de multiplication des attentats
en Occident, ces arguments ne peuvent
que remettre en cause l’impunité que la
raison d’État légitime, et qui
encourage des politiques
échappant totalement aux
contre-pouvoirs démocratiques.
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