Editorial
Etat de Palestine : l’an trente
Maurice Buttin
Samedi 5 janvier 2019
Editorial de
Maurice Buttin (revue de presse :
Courrier du CVPR – octobre/décembre
2018)*
Le 29 novembre
1947, l’ONU vote un plan de partage
inique divisant la Palestine, encore
sous mandat britannique, entre un Etat
juif et un Etat arabe, avec un statut
spécial pour Jérusalem. Elle n’a pas
envisagé le moindre référendum
d’autodétermination des populations,
contrairement à sa Charte !
Le 14 mai 1948,
deux mois avant la date prévue au plan
de partage, David Ben Gourion annonce la
création de l’Etat juif, dénommé,
Israël. La première guerre israélo-arabe
((1948/1949) permet à cet Etat
victorieux de porter sa superficie de 55
% à 78 % du mandat britannique. Et, pour
bien justifier le vieux slogan sioniste
« Une terre sans peuple, pour un
peuple sans terre », il n’hésite
pas, à appliquer le plan Daleth,
préétabli, et expulse plus de 750 000
Palestiniens et détruit plus de 530 de
leurs villages pour faire table rase...
L’Etat d’Israël est
admis à l’ONU, en mars 1949, à la double
condition de reconnaître le plan de
partage (La résolution 181) et le retour
des « réfugiés » (disons plutôt des
expulsés) (La résolution 194 du 11
décembre 1948)...
Le 15 novembre
1988, quarante ans après, le leader
palestinien Yasser Arafat annonce au
monde cette décision historique : le
Conseil National palestinien, de l’OLP
réuni à Alger, vient à son tour de
proclamer l’Etat de Palestine, envahi et
occupé depuis juin 1967 par l’armée
israélienne - avec l’acceptation des
deux résolutions précitées, donc la
reconnaissance de facto de l’Etat
israélien, dans ses « frontières » de
1967. La première Intifada ou « Guerre
des pierres », déclenchée
spontanément par les Palestiniens en
décembre 1987, a joué un rôle
décisif dans cette victoire. L’OLP
tendait ainsi la main à Israël, avec une
terrible concession, il acceptait de
voir le nouvel Etat réduit à 22 % de la
surface du mandat britannique !
Qu’est donc
devenu l’Etat de Palestine,
trente ans
après ?
Sur le plan
intérieur,
deux faits sont
incontestables.
Le premier,
Israël, n’a pas, n’a jamais eu,
l’intention de le reconnaître.
En attendant, il
occupe le pays, le colonise, y installe
600 000 des siens, dont 200 000 à
Jérusalem, ville annexée, à la surface
multipliée par plus de 10, proclamée en
1980, « Capitale unifiée et éternelle
de l’Etat d’Israël » ; enferme la
population palestinienne dans des murs
créant de véritables bantoustants ;
construit des routes de contournement
réservées aux seuls juifs, donc
d’apartheid ; réprime, arrête,
emprisonne y compris sans jugement,
humilie quotidiennement hommes,
femmes, enfants aux innombrables
checkpoints.
Le deuxième, les
dirigeants de cet Etat occupé,
n’arrivent pas, hélas, à s’entendre.
A Ramallah règnent
le Président de l’Etat, de l’Autorité
palestinienne et de l’OLP, Mahmoud
Abbas, et un parti, le Fatah.
A Gaza, soi-disant
« libéré » par les Israéliens en 2005 -
devenu depuis 2007 une prison à ciel
ouvert - le Hamas.
En 2006, celui-ci a
gagné les élections dans toute la
Palestine occupée. Mais ni les
dirigeants israéliens, ni ceux des
Etats-Unis, ni ceux de l’U.E., n’ont
admis cette victoire, démontrant combien
ces hérauts de la « Démocratie » et des
« Droits de l’homme » en font peu de
cas. Une tentative de prise de pouvoir
par le Fatah en 2007 échoue. Le Hamas a,
là encore, gagné. L’Histoire dira qui a
tenté un coup d’Etat ! De nombreuse
tentatives de rapprochement ont eu
lieu, voire des accords, mais, hélas,
sans suite. Et c’est en vain que le
peuple palestinien attend depuis plus de
douze ans de nouvelles élections...
Sur le plan
extérieur : l’Etat de Palestine a bien
davantage progressé.
Les « accords
d’Oslo », en septembre 1993, ne lui ont
rien rapporté, bien au contraire, Israël
ayant exigé le report à plus tard des
questions essentielles : le retour aux
frontières de 1967 ; le partage de
Jérusalem ; le retour des
« réfugiés ». Mais, depuis le 15
novembre 1988, 138 Etats ont déjà
reconnu l’Etat de Palestine, dont les
derniers en date, le Vatican et la
Suède. Mais pas encore par la France,
notre pays, chantre de la « liberté et
des droits de l’Homme !
Après son entrée
triomphale à l’UNESCO en 2011, comme
membre à part entière, la Palestine est
devenue le 29 novembre 2012 - 65 années,
jour pour jour, après le Plan de partage
- le 194ème Etat des Nations
Unies, pour l’instant Etat non membre,
mais « observateur », comme le
Vatican. Il ne s’agit pas là d’un simple
geste symbolique, même si l’occupation
perdure. L’année 2018 a été marquée par
une accélération de la violation du
droit international par Israël et les
Etats-Unis, le président Donald Trump
reconnaissant Jérusalem « capitale
d’Israël » ; par le vote à la
Knesset d’une loi fondamentale le 18
juillet proclamant « Israël, Etat
nation du peuple juif », établissant
ainsi, en droit, un régime d’apartheid
imposé au peuple palestinien, de facto
depuis 1948, tant en Palestine occupée
qu’en Israël même.
Mais, depuis 2012,
le rapport de force moral à l’égard de
la « question palestinienne » est
désormais, au sein de la communauté
internationale en faveur de la
Palestine. L’appel, à la veille du vote
en 2012, et le vote, des grands pays
émergents, le Brésil, l’Inde et
l’Afrique du Sud a été significatif à ce
sujet. Depuis la Palestine a rejoint
plus de 50 organisations
internationales. Parmi elles : la CNUCED
à Genève ; l’ONUDI à Vienne ; l’OIAC
(Convention sur l’interdiction des armes
chimiques) et la CPI à La Haye. Les
Palestiniens sont aussi membres à part
entière d’Interpol, dont le siège est à
Lyon.
Et, désormais,
il ne peut plus être question du
« conflit israélo-palestinien », mais de
l’occupation par un Etat, Israël, de son
voisin, l’Etat de Palestine, que
certains dirigeants israéliens, un
comble, envisagent d’annexer !
Maurice Buttin
est président du CVPR PO
*Source :
Courrier du CVPR n°71
Le Courrier
du CVPR sur
Plateforme-Palestine.org:
Courrier du CVPR n°67
Courrier du CVP R n° 68
Courrier du CVP R n° 69
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