Palestine
Rien ne justifie l’effusion de sang dans
la bande de Gaza par Israël
Maureen Clare Murphy
Des Palestiniens
inspectent une maison détruite par une
frappe aérienne israélienne
à Khan
Younis, dans le sud de la bande de Gaza,
le 14 novembre 2019.
(Ashraf
Amra APA
Images)
Dimanche 17 novembre 2019
Maureen Clare Murphy – The Electronic
Intifada – 14 novembre 2019
Une trêve a été
déclarée par Israël et le Jihad
islamique tôt ce jeudi, mettant fin à 48
h de violences de part et d’autre de la
frontière entre Gaza et Israël qui
menaçaient de devenir une guerre totale.
Le ministère de la
Santé de Gaza a fait savoir que les
forces israéliennes avaient tué 34
Palestiniens durant les combats, près de
la moitié étant des civils, dont 8
enfants et 3 femmes. Aucune victime
israélienne n’a été signalée.
Mercredi 13
novembre, trois membres de la famille
Ayyad, dont un enfant de 7 ans, ont été
tués alors qu’ils étaient à moto devant
leur maison à Gaza ville.
Ils ont été pris
pour cible alors qu’ils se dépêchaient
d’arriver à un hôpital alors qu’un
membre de leur famille avait été blessé
dans une attaque précédente.
Ce même jour, les
forces israéliennes ont tué deux garçons
dans une frappe contre une menuiserie à
Gaza ville. Leur père, qui possède la
boutique, et deux autres hommes affiliés
à la branche armée du Jihad islamique
ont également été tués.
Jeudi, l’incident
le plus meurtrier de ces 48 heures de
bombardements s’est produit peu avant
l’entrée en vigueur de la trêve. Huit
membres de la famille al-Sawarka – dont
5 enfants – ont été tués, et 13 autres
blessées, quand Israël s’est mis à tirer
4 missiles sur deux cabanes avec un toit
en tôle dans le centre de Gaza.
Israël a d’abord
prétendu que l’un des tués était un
commandant d’une unité de roquettes du
Jihad islamique, lequel « cachait
chez lui des munitions et une
infrastructure militaire ».
Un porte-parole de
l’armée israélienne a affirmé « n’avoir
aucune information sur la frappe
aérienne » selon l’Associated
Press, « mais il a déclaré que des
commandants du Jihad islamique
stockaient des armes à leur domicile, ce
qui en faisait des cibles légitimes ».
Plus tard, des
rapports ont fait savoir que c’est par
erreur que l’armée israélienne avait
ciblé la maison d’un autre homme qui
avait le même nom que le commandant du
Jihad islamique.
Mais même s’il n’y
avait pas eu erreur sur l’identité, et
si des armes étaient présentes dans les
maisons al-Sawarka, la législation
relative au conflit armé interdisait à
Israël de tirer sur eux tant que des
civils étaient présents.
L’article 57 des
Conventions de Genève stipule qu’une
attaque doit être annulée ou interrompue
si elle constitue pour la population
civile un danger qui serait « excessif
par rapport à l’avantage militaire
concret et direct attendu ».
Une telle violence
sans discernement caractérise les
offensives militaires d’Israël contre la
bande de Gaza.
Israël a déclenché
ce dernier affrontement volontaire sur
Gaza en tirant un missile sur la maison
d’un commandant militaire du Jihad
islamique, tôt dans la matinée mardi, le
tuant avec son épouse.
Benjamin Netanyahu,
le Premier ministre israélien, a affirmé
que l’homme ciblé, Baha Abu al-Ata,
était une « bombe à retardement »,
répétant la même phrase qu’Israël a
utilisée pour justifier ses tortures sur
les détenus palestiniens.
Alors qu’il y a
vingt ans, Israël était censé avoir
déclaré illégale la torture, sa Cour
suprême a statué que l’agence de
renseignement intérieure du pays pouvait
utiliser la torture dans des
circonstances dites de « bombe à
retournement » pour enquêter sur les
prisonniers palestiniens.
« Depuis, les
interrogateurs du Shin Bet ont torturé
des centaines de Palestiniens, sous
prétexte de ‘bombe à retardement’ et
aucun d’entre eux n’a été poursuivi »
rapporte Amnisty International.
De même, Israël n’a
aucune peine de mort de prévue dans ses
lois. Pourtant, les exécutions
extrajudiciaires sont la pierre
angulaire des tentatives qu’Israël
déploie pour réprimer toute résistance
palestinienne dans les territoires qu’il
occupe, et même au-delà.
L’échappatoire de
« la bombe à retardement » n’a aucun
fondement en droit international, que ce
soit pour le recours à la torture et aux
sévices sur les détenus ou pour les
exécutions extrajudiciaires.
Dans un rapport de
2010, le rapporteur spécial des
Nations-Unies sur les exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires, examine un scénario
hypothétique dans lequel un État
cherche « à justifier son usage de
drones en invoquant le droit à la
légitime défense par anticipation contre
un acteur non étatique ».
L’application du
scénario de la bombe à retardement dans
le cas d’un meurtre extrajudiciaire « risque
d’éviscérer l’interdiction, par la loi
relative aux droits de l’homme, de la
privation arbitraire de la vie »,
selon le rapporteur spécial. En outre,
le meurtre de toute personne autre que
la cible – comme dans le cas de
l’exécution d’Abu al-Ata – « pourrait
engager la responsabilité de l’État et
une responsabilité pénale individuelle ».
Abu al-Ata, dormant
dans son lit, ne participait pas aux
hostilités quand les forces israéliennes
ont lancé leur missile sur sa chambre.
Le Canada,
l’Allemagne, l’Union européenne, les
États-Unis et le Royaume-Uni et les
candidats démocrates à la Présidence se
sont tous précipités pour condamner les
tirs de roquettes, mais pas l’exécution
extrajudiciaire commise par Israël qui a
déclenché les violences, alors même que
le bilan des morts palestiniens
s’aggravait.
La justification
par Netanyahu de la « bombe a
retardement » pour l’exécution d’Abu
al-Ata a été démentie par des articles
parus depuis dans la presse israélienne
et selon lesquels c’est deux années
auparavant que son assassinat a été
approuvé.
« Qu’il ait été
tué maintenant, ont déclaré les
responsables de la Défense, n’est pas dû
au fait qu’il était devenu plus
dangereux ; c’est surtout une question
d’opportunité » rapporte le
quotidien israélien Haaretz.
Mais Netanyahu
avait peut-être d’autres considérations
à l’esprit.
Un autre récit
israélien a pris racine : qu’Abu al-Ata
est la principale personne à être
responsable de l’instabilité le long de
la frontière entre la bande de Gaza et
Israël.
Ce ne serait pas le
siège israélien, qui en est à sa
douzième année, qui plonge la bande de
Gaza dans la pauvreté, le désespoir et
une situation sans avenir. Et ce ne
serait pas les milliers de balles que
les tireurs embusqués de l’armée
israélienne tirent dans les corps des
Palestiniens sans armes qui protestent
contre ces conditions et revendiquent
leur droit au retour dans leur patrie.
Les forces
israéliennes ont tué plus de 200 hommes,
femmes et enfants depuis le lancement,
début 2018, de la Grande Marche du
Retour dans la bande de Gaza.
Israël est même
allé jusqu’à invoquer les attentats du
11 Septembre aux États-Unis pour
justifier son exécution d’Abu al-Ata.
Il s’agit de tout
un stratagème visant à obscurcir cette
réalité : qu’Abu al-Ata et les
combattants palestiniens comme lui de la
bande de Gaza résistent à un siège qui
est cruel et illégal, à une occupation
militaire qui dure depuis un
demi-siècle, et à plus de 70 ans d’un
déplacement forcé et d’une dépossession.
Il n’y aura aucune
sécurité durable sans une justice pour
ce mal que les Palestiniens endurent
depuis si longtemps dans la bande de
Gaza, où deux Palestiniens sur trois
sont des réfugiés.
Comme l’a déclaré
cet autrice, après la précédente
escalade militaire il y a six mois : « sans
changement significatif dans le statu
quo à Gaza, toute reprise des combats
meurtriers n’est qu’une question de
temps ».
Le choix, comme
toujours, est entre les mains d’Israël.
Maureen Clare
Murphy est rédactrice en chef adjointe
de The Electronic Intifada et vit
à Chicago.
Traduction : BP
pour l’Agence Média Palestine
Source:
Electronic Intifada
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