France-Irak
Actualité - Document
Israël et la guerre des drones (3ème et
dernière partie)
Mary Dobbing et Chris Cole
Dimanche 6 septembre 2015
Par Mary Dobbing et Chris
Cole* (janvier 2014 - Traduction et
Synthèse: Xavière Jardez)
« Le bourdonnement des
drones en survol est là pour vous
rappeler sans répit la vigilance
impassible d’Israël et son pouvoir
illimité, de frapper à tout moment ».
(Scott Wilson - Washington Post - 3 déc.
2011)
Les conséquences sur le
terrain
Il est certain que l’utilisation des
drones par Israël a un impact
dévastateur sur le terrain à Gaza. Les
deux offensives majeures, en 2008-2009,
avec l’Opération Plomb durci et
en 2012, avec l’Opération Barrière
Protectrice attestent du coût
humain de cette nouvelle arme.
Deux incidents l’illustrent : celui
de la Mosquée al Maqadmah, déjà
mentionné, où 200 à 300 personnes se
trouvant à l’intérieur pour la prière du
soir, le 3 janvier 2009, furent l’objet
d’une attaque de drone armé. 15
Palestiniens furent tués et 40 blessés
parmi les fidèles. Une enquête de l’ONU
confirma la nature des munitions
utilisées. Après avoir nié, prétextant
qu’ils ne savaient pas qu’il s’agissait
d’un édifice religieux, Israël par
l’intermédiaire de son avocat général
militaire israélien, Mandelbit, admit,
dans une dépêche aux Américains révélée
par WikiLeaks, la réalité de
cette attaque.
La vaste offensive sur Gaza lors de
l’Opération Barrière de Défense,
pendant huit jours, en novembre 2012,
marqua le point culminant, à ce jour, de
la guerre de haute technologie d’Israël
: 1 500 cibles furent attaquées par les
FAI et Peter Layton pour Defence
Today, écrit que l’aviation
israélienne fut soutenue par des drones
Hermes 450 et 900 armés de
missiles
Spike. « L’Opération
Barrière Protectrice commença par une
attaque de précision sur un véhicule, au
centre de Gaza par un drone Hermes 450
armé… qui tira un missile anti-char
Spike. Ahmed Jabari, le chef de l’aile
armée du Hamas, considéré comme l’auteur
principal du développement rapide des
forces de roquettes du Hamas fut tué.
Les drones Hermes 450 ont continué leurs
attaques d’avant-garde et répondu
rapidement au lancement de roquettes
grâce à leurs équipes de missiles
mobiles ».
Dans son rapport sur l’offensive,
Human Rights Watch estima que, même
sans avoir pu enquêter sur toutes les
attaques aériennes, il avait compté 18
attaques spécifiques en violation des
lois de la guerre, 7 d’entre elles des
attaques de drones. Pour le reste, le
type de munitions n’est pas résolu et la
plupart des victimes était des civils :
« … le 19 novembre, trois hommes
furent tués dans un camion transportant
des tomates à Deir al Balah… un homme de
79 ans et sa petite-fille de 14 ans le
furent aussi dans leur oliveraie à
Abasan , un fermier et son fils…
marchant sur une route près d’oliviers à
Khan Younis et une femme de 28 ans… dans
la cour de sa maison. Un missile
Hellfire toucha un hôpital à Gaza, le 19
novembre, coupant l’électricité et
l’eau. Les hôpitaux sont des lieux
protégés par les lois de la guerre à
moins qu’ils ne soient transformés à des
fins militaires et sont ciblés après
avertissement».
Israël prétend que ses frappes de
drones sont légitimes parce que précises
et que les opérateurs tirant les
missiles ont une vision parfaite des
cibles au moment du tir. Cependant,
Defence for the Children International
maintient que 353 enfants furent tués,
116 d’entre eux par des tirs de drones,
et 850 blessés.
Human Right Watch n’a
trouvé, au cours de son enquête, aucune
preuve de la présence de combattants
palestiniens, d’armes ou d’autres
objectifs militaires au moment de ces
attaques et souligne que « des
individus qui délibérément ordonnent ou
prennent part à des attaques dont les
cibles sont des civils ou des objets
civils sont responsables de crimes de
guerre ». (HRW, Israël’s Gaza
airstrikes violated laws of war, 12
février 2013).
Le secret qui entoure le recours par
Israël aux drones armés empêche de
connaître avec certitude le nombre de
victimes mais le Centre Palestinien
pour les Droits de l’Homme fait
état de 825 morts, dont 79% étaient des
enfants, par des drones à Gaza entre la
capture de Gilad Chalit en juin 2006 et
sa libération en octobre 2011, tous en
majorité des civils ciblés par erreur ou
pris dans le feu du shrapnel d’une
attaque de drone.
Mais ce ne sont pas seulement les
drones armés qui ont un impact sur la
vie de la population civile. Les drones
de surveillance, survolant à plus basse
altitude, causent la terreur et la
panique car il est impossible de faire
la différence entre un drone en mission
de surveillance et un, armé prêt à
enclencher une attaque. Les Palestiniens
vivant à Gaza évoquent sans cesse la
peur des drones qui, jour et nuit,
émettent un sifflement sourd qu’ils
appellent « zenana ».
Scott Wilson du Washington Post
écrit : « Nabil al- Amassi
regardait, en l’été 2006, les tanks
israéliens déferlaient sur la bande de
Beit Lahiya (Gaza) dans une opération
destinée à faire pression sur le Hamas
pour libérer Gilad Chalit…Une
demi-douzaine d’hommes se tenait au bout
de la rue sableuse quand, tout à coup,
le drone sifflant au-dessus tira. Trois
hommes tombèrent, morts dont un homme
eut les bras arrachés que les survivants
hurlant enlevèrent de la scène… »
Les conséquences sur les enfants qui
font l’expérience de la guerre et des
attaques de drones sont affolantes. Le
principal de la Qasteen School
fait venir, plusieurs fois par semaine,
des psychiatres pour calmer les enfants
et leur expliquer que le sifflement des
drones ne signifie pas que la guerre est
imminente, continue Scott Wilson. «
Le bruit des drones entretient chez les
résidents de Gaza un sentiment
d’impuissance. Au fond d’eux,
psychiatres ou étudiants (du Centre pour
le Programme de la Santé mentale) il y a
la peur, le sentiment que quelque chose
de terrible va se produire ». « Les
drones font partie de l’histoire, partie
du conditionnement.
Chaque fois que nous les
entendons, nous nous replaçons dans ces
instants de violence et de mort » «
C’est une forme de torture mentale qui
épuise les ressources psychologiques et
émotionnelles des gens. Pour les
enfants, il s’agit d’une absence de
concentration et d’un comportement
indiscipliné » pour Ahmed Tawahina,
psychologue audit Centre.
Les 42 attaques de drones au cours de
l’offensive « Plomb durci »
firent 87 victimes civiles. La tactique
utilisée fut la suivante : un premier
missile est tiré par un drone, suivi
quelques minutes plus tard par un second
ou un troisième qui atteint les
personnes venues secourir les blessés.
Cette tactique de la double frappe fut
utilisée par les Américains au Pakistan
et au Yémen.
(Bowcott Owen, The Guardian, 24
janvier 2013, UN to examine UK and US
drone strikes ».
_________________________________________________________________
Israël et la guerre des
drones (4ème partie)
Par Mary Dobbing et Chris
Cole* (janvier 2014 - Traduction et
Synthèse: Xavière Jardez)
« Avec un record inégalé
de plus de 1 100 000 heures de vols pour
49 utilisateurs, IAI- MALAT est devenu
le principal fournisseur de solutions
globales impliquant les VAT (drones) -
offrant ainsi la plus grande variété de
systèmes de combat ayant fait ses
preuves », selon Israël
Aerospace Industries
Israël : Les exportations
militaires de drones
Entre 2001 et 2011, 41% des drones
dans le monde viennent d’Israël selon le
SIPRI (Institut International
suédois pour la Recherche de la Paix)
et ceux-ci composent pour près de
10% le volume des exportations
militaires d’Israël. Israël a exporté la
technologie des drones à 56 pays parmi
les 70 qui, on assume, possèdent cette
arme. Les exportations directes sont
complétées par la création de filiales
des sociétés d’armement israéliennes
dans des pays précis en vue d’y produire
des drones et la formalisation d’accords
pour la location de drones, en
Australie, Canada, Allemagne, Pays-Bas
et Grande-Bretagne pour l’Afghanistan.
Les fabricants de drones ont établi
des accords de joint-venture avec leurs
homologues en Argentine, Azerbaïdjan,
France, Italie, Russie, Afrique du sud,
Turquie et la Grande-Bretagne. Le
transfert de technologie des drones se
fait aussi par des fournisseurs de
troisième rang : la Finlande, par
exemple, commande des drones au travers
d’une société helvétique.
Le marché africain devient, pour
Israël, un point d’ancrage important :
Arie Egozi, journaliste et expert en
drones, (Flightglobal, 9 octobre
2012) cite comme destinataires
l’Angola, le Kenya, la Côte d’Ivoire, le
Nigeria, l’Ethiopie et la Tanzanie.
Le Programme Watchkeeper
de la Grande Bretagne
En juillet 2005, le gouvernement
britannique signa un contrat de 800
millions de livres sterling avec Israël
pour le développement d’un nouveau drone
sans pilote. Watchkeeper devant
équiper le régiment d’artillerie
britannique pour des missions de
surveillance, reconnaissance et ciblage.
Même si Watchkeeper est encore
non militaire, Thales en a présenté une
version porteuse de missiles à divers
salons et le Jerusalem Post a
rapporté que Thales avait
suspendu au plafond du Salon de
l’armement, à Londres en 2011, un
Watchkeeper armé de deux missiles
sur ses ailes.
Watchkeeper est conçu sur le
Hermes 450 israélien et
construit pas U- TACS Limited,
une joint-venture dont les propriétaires
sont une entreprise privée israélienne,
Elbit systems, détentrice de
51% des actions et Thales UK.
Les moteurs sont fabriqués par UAV
Engines of Shentone, à Birmingham,
une filiale entièrement détenue par
Elbit Systems. The Guardian
du 6 mai 2013 rapportait que 27
appareils avaient été livrés par
Thales UK, cette année-là. En
octobre, le Foreign Office
découvrit que les essais du
Watchkeeper devaient avoir lieu
dans le Golan, territoire occupé par
Israël depuis 1967. Après objections,
ils furent réalisés en Israël même. Les
dix premiers drones furent produits en
Israël, puis la production fut
transférée à Leicester.
En juin 2007, les forces britanniques
utilisèrent, en Afghanistan et en Irak,
des drones Hermes 450
militaires en location « payée à
l’heure » auprès d’Israël dans
l’attente de l’entrée en service du
Watchkeeper…. et en octobre 2013,
on comptait 1460 vols par an sur ce pays
et onze d’entre-eux s’étaient écrasés.
Watchkeeper ne fut jamais
mis en service en Afghanistan, objectif
de sa production d’un coût final de 831
millions de livres, en raison de
l’absence d’autorisation par les
autorités militaires aériennes de Grande
Bretagne d’utiliser ces engins dans un
espace civil et militaire.
Transactions « douteuses
»
Il existe un certain nombre de cas où
les transactions d’Israël devraient
éveiller l’attention de la communauté
internationale et, notamment, ceux dans
lesquels ce pays vend ses drones aux
deux protagonistes d’un conflit, à un
pays où les droits de l’homme sont plus
ou moins ignorés ou là, il y a une
course à l’armement.
Israël, dans le premier cas, a vendu
des drones tant à la Russie qu’à la
Géorgie dans leur conflit sur l’Ossétie
du sud et en Abkhazie qui, en dix jours,
en août 2008, devint « sanglant ».
Des mois auparavant, la Géorgie avait
fait voler des drones Hermés 450
sur la région et on avait rapporté que
trois et sept drones avaient été abattus
au-dessus de l’Abkhazie… En septembre,
la Géorgie annonça avoir tiré sur un
drone russe au-dessus de la province
séparatiste d’Ossétie. Selon les
analystes militaires, la Russie avait
été surprise de l’armement sophistiqué
de l’escadrille de drones militaires
géorgiens, mais la situation se modifia
quand Israël changea d’interlocuteur et
vendit à la Russie 12 drones pour la
somme de 53 millions de dollars.
Dans le deuxième cas, les drones
israéliens ont été utilisés pour
commettre des violations des droits de
l’homme. Tel fut le cas du Sri Lanka, à
partir de 1996, dans sa lutte contre les
rebelles des Tigres Tamouls. Les drones
utilisés et composant l’escadron des
Véhicules Aériens Télécommandés (VAT
ou UAV) furent des Super-Scout
et Searcher MK II. En 2008, le
Sri
Lanka décida de mettre un terme à la
trêve conclue avec les rebelles et
s’engagea dans une opération appelée
« Opération Humanitaire ». Selon
Gordon Weiss, porte-parole de l’ONU à
Colombo, « 40 000 civils furent tués
» et l’International Crisis Group
dans son enquête rapporta que des drones
de surveillance avaient tiré sur des
cibles civiles dans une « Zone
neutre » à Vanni et sur un hôpital,
le 2 mai 2009. Les forces aériennes
sri-lankaises, sur leur site internet,
précisaient que les drones Searcher
MK II furent « les éléments
clés du succès opérationnel contre les
Tigres avec un nombre de vols de 1665,
49 heures au cours de 255 missions ».
Enfin, Israël a contribué à la course
à l’armement entre l’Inde et le
Pakistan. L’Inde est le principal
acheteur de drones israéliens depuis
1999 et son conflit avec le Pakistan au
Kargil. Mark Sofer, ancien ambassadeur
israélien à Delhi, indiquait au magazine
indien Outlook que « nous
avons des relations prospères et nos
relations en matière de défense ont pris
de l’élan depuis Kargil… ». Arielle
Kandel de l’Institut politique du
Peuple Juif, de Jérusalem est plus
spécifique, dans le India Times
: « au cours de la guerre de Kargil,
Israël a… promptement fourni l’Inde en
UAV de haute altitude pour la
surveillance, des systèmes téléguidés au
laser, etc…un jour après que l’Inde lui
eut demandé son assistance ».
Le Pakistan, leurré par la capacité
de la surveillance dronique de l’Inde,
est aussi soumis aux frappes de drones
par les Etats-Unis sur les zones
tribales. Sa réponse fut de développer
sa propre industrie en ce domaine et
certains spécimens sont entrés en
service en 2009. Les rumeurs circulent
qu’il se fournit en drones chinois, dont
le dernier modèle peut être armé de
quatre bombes de précision. … Le
Pakistan cherche aussi à se procurer des
drones US comme le RQ-7 Shadow.
Conclusion
Drone Wars UK a voulu par ce
bref essai briser le silence qui entoure
le développement des drones en Israël et
leur prolifération car si beaucoup a été
écrit sur l’utilisation des drones par
les Etats-Unis au Pakistan et ailleurs,
par la Grande-Bretagne en Afghanistan,
peu avait transpiré sur la guerre des
drones lancée par Israël.
Ce dernier a utilisé des drones pour
la surveillance et la collecte de
renseignements au cours de 40 dernières
années, mais dès 2004, des enquêtes
crédibles ont décrit l’utilisation de
ces engins armés dans le conflit
toujours présent des territoires occupés
palestiniens et ailleurs et la dernière
Opération Barrière protectrice
de 2012, laisse envisager que, de moins
en moins, « il n’y aura de bottes
sur le terrain », ce qui ne présage
rien de bon.
La prolifération des drones
israéliens font d’Israël le 6ème
marchand d’armes mondial (Haaretz -
25.1.2013) d’un montant de 2.4
milliards de dollars en 2012.
Le prix de cette industrie
florissante en est payé par les
Palestiniens, obligés de vivre sous le
bruit incessant de ces engins, par le
grand nombre de victimes qu’ils font et
par les futures guerres à travers le
monde comme s’en félicite Tzvi Kalron,
de l’IAI «… si vous supprimez le
facteur humain dans une bataille et y
envoyé des outils qui savent mieux la
faire, c’est plus facile. ».
Source:
Israel and the drone wars - Examining
Israel’s production, use and
proliferation of UAVs
Pour info:
Site de
Drone Wars UK
© G. Munier/X.
Jardez
Publié le 6 septembre 2015 avec
l'aimable autorisation de Gilles Munier
Le sommaire de Gilles Munier
Les dernières mises à jour
|