Pour une
anthropologie originelle
IV - Esquisse d'une interprétation
anthropologique
des trois monothéismes
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 30 octobre 2015
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Avertissement
1 - Par quelles anses cosmiques
saisir un monothéisme triphasé
2 - L'anse cosmique du judaïsme
3 - L'anse cosmique des
chrétiens
4 - Les avatars de la théologie
chrétienne
5 - Un Dieu disloqué dans le
temporel
6 - L'anse politique et
militaire du christianisme
7 - L'anse ou la poignée
cosmologique de l'islam
8 - La bête disloquée
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Avertissement
Le 23
octobre, M. Vladimir Poutine
s'est enfin décidé à
introduire, avec le courage
et la loyauté requises, les
termes de vassal et
de vassalité dans le
vocabulaire des relations
diplomatiques courantes
entre les Etats auto
proclamés démocratiques.
Cette initiative visait
évidemment l'ordre signifié
avec rudesse par Washington
aux plus vieilles et aux
plus respectables nations de
la civilisation européenne -
d'édicter précipitamment des
sanctions industrielles et
commerciales à l'égard de la
Russie, et cela sans qu'il
fût permis aux descendants
de Copernic de contester des
dispositions aussi
unilatérales que contraires
à leurs intérêts économiques
et diplomatiques les plus
évidents.
Les
lecteurs de ce site savent
que, depuis le mois de mars
2001, donc tout au long de
cent soixante quinze mois,
j'essaie de promouvoir les
retrouvailles de la science
historique et de la
politologie contemporaine
avec l'évidence que le mythe
d'une Liberté réputée
universelle, le culte d'un
droit censé universel et
l'apologie doctrinale d'une
égalité universelle - mais
seulement verbale - entre
les nations grandes et
petites n'a en rien modifié
le discours impérieux des
grands Etats à l'égard des
faibles, et des vainqueurs à
l'égard des vaincus. Les
historiens et les
politologues modernes
semblent avoir oublié que
l'empire athénien recourait
déjà à l'éloquence
messianisée dont Washington
use aujourd'hui.
L'impiété de ma réflexion me
conseille également
d'informer mes lecteurs que
je serai opéré de l'échine
le 30 octobre et que l'issue
d'une intervention
chirurgicale sur la colonne
axiale de Mathusalem est
aléatoire par nature et par
définition. Mais il se
trouve que mes prochaines
analyses de la vassalité
cérébrale de la France
actuelle et de l'Europe sont
rédigées depuis plusieurs
semaines et jusqu'au 20
novembre en prévision de
l'antiquité et de la
fragilité de mon support
osseux central.
Ce sera
donc mort ou vif que, le 6
novembre, je commenterai une
conséquence diplomatique
immédiate de la vassalité de
l'Europe d'aujourd'hui, à
savoir l'absence pure et
simple provisoirement
imposée à l'Occident des
valets par une Russie en
possession, elle, de sa
souveraineté pleine et
entière, donc l'interdiction
un instant adressée à la
France de figurer à la table
des négociations ouvertes
entre la Russie et les
Etats-Unis.
Dernière minute: Une
imprudence de M. Vladimir
Poutine
La
diplomatie russe ayant
obtenu de Washington et de
Ryad la présence de l'Iran à
la table des négociations de
Vienne du 30 octobre, la
majorité des participants à
la conférence a passé du
côté de la coalition dirigée
par la Russie. Du coup, les
trois principaux vassaux
européens des Etats-Unis -
la France, l'Allemagne et
l'Angleterre - ont été
autorisés à revenir dans le
jeu. Il s'agit, à mon humble
avis, d'un piège dont M.
Poutine serait bien avisé de
se méfier. Peut-être
profitera-t-il des quelques
heures qui lui restent pour
relire Le Joueur de
Dostoïevski et se demander -
mais à la face du monde -
pourquoi Héliogabale,
Sardanapale, Hitler et
Staline réunis seraient tout
subitement devenus des
enfants de chœur comparés au
monstre le plus repoussant
de tous les temps - M.
Bachar el Assad.
Comment
une France qui a obéi
docilement à l'ordre des
Etats-Unis de garder les
Mistral au port de
Saint-Nazaire
revendiquerait-elle à
l'avenir les prérogatives
réservées aux vrais Etats?
Comment la Russie ne
rappellerait-elle pas
durablement à l'Occident
qu'en droit international,
la souveraineté est
constitutive de la
définition même des Etats et
qu'elle a le devoir
d'empêcher que des acteurs
qui ne joueront dans la
pièce que de masques grimés
aux couleurs de leur maître
ne montent sur les planches
en faux acteurs d'un vrai
théâtre? On ne joue sur la
scène du monde qu'entre les
vrais Etats - on n'invite
pas les domestiques des uns
ou des autres à usurper un
statut et un rang auxquels
ils ont renoncé depuis belle
lurette, on ne les intvitera
à participer à la
représentation que le jour
où ils parleront en leur nom
et non en porte-voix du
propriétaire qui les tient
en laisse.
Le 13
novembre, j'esquisserai
l'avenir cérébral, donc
réflexif, d'une Europe qui
s'étendrait, comme disait le
Général de Gaulle, de
l'Atlantique à l'Oural. Le
20 novembre, je traiterai de
la réforme européenne de nos
Sorbonnes, qui sont
retournées au Moyen-Age.
Comment ce Continent
s'est-il enferré dans une
scolastique aussi pseudo
rationaliste que la
précédente? Car la science
historique et la politologie
du XXIe siècle en appellent
au même combat contre les
Bridoye et les Trissotin
qu'au XVIe siècle.
Mais
pour comprendre comment la
vassalisation de l'Europe de
l'abstrait et de la France
des pseudo philosophes de
l'histoire en sont venues à
pratiquer le culte du
sceptre et du mythe
américains de la Liberté, il
faut tenter de sortir du
Moyen-Age d'aujourd'hui, ce
qui exige un rapide exposé,
qu'on trouvera ci-dessous,
des fondements d'une
anthropologie originelle du
sacré. Celle-ci dépose les
trois dieux uniques sur
l'établi et les observe dans
leurs exercices en
laboratoire .
Si
ces analyses de la vassalité
politique de type
démocratique devaient se
révéler posthumes, pourquoi
m' interdirais-je de leur
souhaiter bon voyage?
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1 - Par quelles
anses cosmiques saisir un monothéisme
triphasé
La première
plateforme de la méthode qu'imposera une
anthropologie existentielle du sacré
sera celle d'expliciter une mutation
cérébrale, celle de l'analyse de la
politique et de l'histoire. Qu'en
sera-t-il de l'affolement et de la
panique d'entrailles de nos anciens
astronomes, qui se verront soudainement
sommés de prendre un double rendez-vous,
le premier avec la généalogie de leur
discipline, le second avec les
fondements d'une "astronomie
existentielle" laquelle se trouvera sans
cesse aux prises avec les frontières
ultimes de la condition semi-pensante du
genre humain.
La première
conséquence logique d'une transgression
radicale du champ matériel et visuel de
la recherche scientifiques sera
d'introduire en toute hâte dans nos
sciences encore rudimentaires de
nous-mêmes un humanisme de plus en plus
distancié de la vie quotidienne d'une
bête réputée évolutive, donc de plus en
plus ascensionnelle, puisque l'ambition
nouvelle des désespérés du cosmos les
portera à tenter d'interpréter les
théologies des ancêtres en zoologues
avertis de la complexion qui caractérise
nécessairement un Dieu réputé unique.
Alors seulement les trois principaux
monothéismes qui alimentaient les
neurones des premiers hommes se
diviseront entre les rêves hébraïque,
chrétien et musulman. On sait que tous
trois sont demeurés chasseurs,
captateurs et domesticateurs d'un
artisan supposé herculéen, mais
maladroit du cosmos. Qu'en est-il du
cerveau des apprentis de leur
omnipotence et de leur omniscience
avortées?
Observons l'ouvrier
brutal et mal dégrossi des juifs: il
disposait d'une ossature et d'une
musculature plus impressionnantes que
celles de Zeus et de son alter ego
romain, le puissant Jupiter: "Dieu
parle, écoute, voit, sent, rit, souffre;
il dispose des organes adéquats à ces
fonctions: il a des yeux, des mains, des
bras, des oreilles (…) Il chevauche les
nuées, il descend du ciel pour visiter
la tour de Babel et pour disperser de
ses propres mains ceux qui l'ont
construite. Il ferme lui-même la porte
de l'arche de Noé, il descend du ciel
pour chercher Adam au paradis. Il écrase
les raisins du pressoir comme un
vendangeur. (…) Il éprouve tous les
sentiments humains, la joie, la
tristesse, le dégoût, le repentir, la
jalousie." (André Chouraqui,
La Pensée juive, Que
sais-je, p.12)
Mais, de nos jours
encore, aucun théologien de Jahvé ne
prendra le risque, effrayant à ses yeux,
de préciser, même approximativement, la
dose de vaporisation d'une charpente de
démiurge encore enraciné dans la
zoologie. Du reste, peu importe le degré
de désubstantification de l'organisme
des trois colosses réputés uniques; dès
lors qu'ils ne sont pas devenus
unifiables, et pas même à l'école de
leur propre enseignement. Mais chacun
sait que les trois monothéismes
d'aujourd'hui se caractérisent
nécessairement par la recherche
désespérée dont témoigne chacun d'eux
d'une articulation axiale de leur
cosmologie mythique avec tout le
temporel de leur temps- et, pour cela,
il s'agit, pour un type de théologie
spectaculairement imprégnée de zoologie,
de pactiser avec les us et coutumes
locaux de la bête désorientée par son
langage - lequel précipite violemment
dans le vide et le confronte sans
ménagement à son absence dans le vide de
l'immensité.
2 - L'anse
cosmique du judaïsme
Dans le judaïsme,
le lien censé assurer un agrippement
salvifique et rédempteur de la créature
à l'entièreté du cosmos n'est autre que
celui de quelques arpents de la Judée.
Ces lopins seront censés avoir été
expressément accordés par un acteur du
cosmos à une poignée de ses fidèles. De
nos jours encore, la politique mondiale
d'Israël ligote jour après jour
l'histoire guerrière et tempétueuse d'un
pays rêvé à l'aventure d'un grain de
sable sphérique et flottant dans les
nues. Il s'agit seulement, aujourd'hui
comme hier, de solidifier une assiette
géographique d'une étendue de quelques
hectares, et cela, quel que soit le
degré de décorporation actuel du dieu
Jahvé dans l'infini et l'insaisissable.
Rien n'a donc bougé
d'un pouce dans les profondeurs
zoologique de la piété depuis le "chaînon
manquant" évoqué la semaine
dernière et dont la découverte réjouit
tellement les anthropologues modernes du
sacré devenu semi animal. Car le cadenas
mal fermé de la psycho-biologie
cérébrale remonte à vingt mille siècles
à peine - je rappelle seulement que la
lumière met cent cinquante millions de
siècles pour seulement se rendre aux
confins de notre cosmos matériel, et
cela à la vitesse d'un milliard et
quatre-vingts millions de kilomètres à
l'heure, je rappelle à nouveau que c'est
à cette frontière que l'infini commence
d'apostropher sérieusement les
microcéphales du vide.
3 - L'anse
cosmique des chrétiens
De son côté, le
démiurge et dramaturge chrétiens est
censé devenu le captif d'un homme cloué
tout vif sur une croix de bois - et
celle-ci est tenue pour le nouvel autel
du sacrifice: il s'agit de n'immoler à
son père que cette seule victime, mais
d'un grand poids et à un prix
inégalable. A ce titre, la victime sera
délibérément expiatoire, et au profit
exclusif du monstre originel censé
régner de sa propre volonté et avec une
bienveillance torturante sur le cosmos.
Quel est l'intérêt du démiurge de
troquer une fois pour toutes cette
victime filiale en échange de notre
"rachat" définitif, donc à titre de
contre-partie bien négociée du "pardon"
que notre fameux créancier des nues nous
accorderait en despote patelin?
Mais notre passé
d'offenseurs d'un souverain rusé, donc
d'insulteurs coupables et d'héritiers
des plus lourds antécédents pénaux,
n'est pas si aisément monnayable, donc
effaçable des tablettes du ciel. La
promesse du vendeur de sa précieuse
créance serait-elle inconsidérée? La
promesse, dis-je, de passer
définitivement l'éponge sur nos péchés
serait-elle falsifiée. Décidément cette
grâce largement étalée se révèle
effrontément fallacieuse, dès lors que
le prétendu pardon de notre Jupiter sera
retardé indéfiniment. Il nous faudra
acquitter sans relache et jusqu'à la fin
du monde et toujours la sueur au front,
un tribut dont le montant demeurera
aléatoire et extensible à l'infini.
Cette entreprise
d'acquittement différé ou manqué, ce
marché de notre repentance prolongée
cache une créance imprescriptible. Tout
cela manque de cohérence intellectuelle;
tout cela se heurte à des difficultés
non seulement commerciales, mais
théologiques infiniment plus
insurmontables que celles de la
rencontre du colosse Jahvé avec un bout
de terre labourable en Judée.
Les apories
anthropologiques nouvelles et
ineffaçables que présente le monothéisme
chrétien se révèlent d'autant plus
éclairantes aux yeux des futurs
existentialistes de l'infini qu'il
deviendra plus impossible que jamais de
séparer la part de la divinité vaporisée
dans l'intemporel, d'un côté, et de
l'autre, la portion de Zeus réputée
s'être dûment substantifiée en la
personne d'un privilégié suprême dont le
sacrifice de bonne odeur à l'immolateur
sommital de notre espèce - un prophète
confondu avec la personne même du
banquier-cyclope de l'absolu - tout cela
élève un marché de dupes à la
température d'une cosmologie fabuleuse.
4 - Les avatars de
la théologie chrétienne
Et puis, le dieu
devenu homme exercera-t-il sa fonction
de victime rédemptrice seulement à
mi-temps ou à plein temps? Pendant des
siècles, les théologiens d'une créance à
effacer du livre de comptes d'un boucher
- et à l'aide d'un attrape-nigaud de ce
calibre se sont échinés à consolider
l'anse physique de leur ogre
récalcitrant et avaricieux, donc de
protéger subrepticement sa cuirasse de
la menace d'une scission toujours aux
aguets, donc féroce et titanesque, entre
le corps éphémère et parfumé d'un mortel
et son Jahvé aussi incapturable
qu'éternel. Il fallait éviter le
désastre, disait-on, d'une séparation
brutale et sans remède entre la
mortalité et l'immortalité d'une
divinité née d'une grossesse normale,
donc d'une divinité censée appelée à se
promener trois décennies durant sur la
terre ferme. Mais comment accorder entre
elles deux partions du Dieu obstinément
rebelles à s'articuler l'une avec
l'autre - celle réputée issue d'une
fécondation surnaturelle et pourtant
guidée à son terme charnel par la nature
et celle d'une parturition virginale
tombée dans la zoologie?
Néanmoins, en 450 -
en dernier ressort et à l'écoute du
concile de Chalcédoine - il a fallu en
rabattre du séraphisme théologique des
origines et se résoudre à constater, en
violation du Concile de Nicée de 325 que
le prophète d'une immortalité scindée ne
serait Dieu à plein temps et en personne
qu'à enchaîner sans relâche des miracles
inouïs. Mais pour le reste de ses
journées sur la terre, le schizoïde d'un
ciel harassé demeurerait tout
piteusement un homme ordinaire, donc
amputé, le malheureux, du baudrier
fantastique de tous les vrais Célestes -
alors que Nestorius avait été condamné à
périr de soif dans le désert pour avoir
refusé tout net de profaner la
personnalité du Christ, donc de le
diviser entre ses deux "natures",
l'une fabuleuse, l'autre banalisée et
tangible.
5 - Un Dieu
disloqué dans le temporel
L'Eglise de l'an
450 se résignait à entériner la coupure
irrémédiable du dernier Zeus des humains
entre un corps fatalement en transit sur
la terre et son éternité cellulaire,
donc concrétisée jusque dans le "ciel".
Quel document anthropologique éloquent
que la continuation chrétienne du
transport des Célestes anciens dans
l'éther ! Aussi rien n'était-il
définitivement réglé par un arrangement
perdant pour les deux signataires.
Comment le co-contractant humain se
contenterait-il durablement d'un dieu
sporadique, donc à éclipse? Dans son
Catéchisme officiel de 1992;
l'Eglise catholique a retiré derechef
son Dieu biphasé à Arius, le conquérant,
à Chalcédoine, d'un dieu dichotomisé et
soumis, le malheureux, à des suspensions
de séance, donc mis au chômage de force
et dans l'attente de son prochain
miracle.
Du coup, Rome est
retournée tout entière et non moins
souverainement à son enfermement dans
l'apologie exclusive de l'unité
psycho-physique du Dieu bicéphale, ce
qui a aussitôt et fatalement ressuscité
l'absurdité psycho-cérébrale inverse de
la première et impossible à contourner -
celle d'un schizoïde du ciel, celle d'un
dieu licenciable au gré de son
employeur. Jésus redevenait pleinement
le Zeus des chrétiens, mais jusque sous
les traits d'un marmot braillant dans
ses langes. Du moins, l'anse chrétienne
de l'absolu permettait-elle aux
anthropologues d'une impotence et d'une
omnipotence intermittentes et alternées
de Zeus d'articuler les royaumes de ce
bas monde avec celui d'une divinité
proclamée saisissable en permanence sur
la terre - et cela le plus physiquement
du monde, puisque les monarques
monothéistes seront censés participer
résolument et d'une manière
ininterrompue du "sang bleu" d'un
Dieu sur l'enclume de la géopolitique.
6 - L'anse
politique et militaire du christianisme
Le prophète
d'occasion est un intermittent du
spectacle. Cet acteur du cosmos sera
censé avoir frénétiquement substantifié
le ciel paternel; mais à ce prix, il
partagera au quotidien les prérogatives
et tous les apanages militaires dont
bénéficient les monarques locaux. Avec
qui les partager sinon avec le
gigantesque corps sacerdotal de l'Eglise
de ce bas monde? Car le clergé mondial,
dûment hiérarchisé par le ciel, sera l'alter
ego de Dieu sur la terre. Quel coup
de génie qu'une armée de devins réputée
incarner collectivement - et cela sur le
modèle guerrier, le seul à s'y prêter -
et incarner au mieux un Dieu vaporisé
dans l'infini! Pour cela, il faut que
les prêtres de la divinité monarchisée
et militarisée jouissent d'un privilège
inouï et exclusif, celui de boire seuls
et à l'écart du troupeau le sang sacré
de leur ciel dûment substantifié, tandis
que la masse illettrée se verra réduite
à la portion congrue de ne consommer que
le corps d'un prophète à la fois
divinisé et localisable, donc
hiérarchisé et situable.
L'alliance, depuis
lors, de la classe nobiliaire et
guerrière des Etats catholiques avec une
caste sacerdotale sédentarisée et
pourtant censée incarner Jupiter
permettra à l'infini chrétien de
s'agglutiner aux empires du temporel
comme le lierre aux chênes. Le
fantastique théologique est toujours une
construction politique astucieuse, mais
bousculée et incohérente. C'est
précisément à ce titre que tout
l'édifice éclaire les apories
psychogénétiques dont souffre l'éternel
"chaînon manquant" en son
agrippement aux Etats.
7 - L'anse ou la
poignée cosmologique de l'islam
L'édifice de la
cosmologie qui articule l'islam avec les
jardins andalous de l'Alhambra ne
divinise ni le prophète Muhammad, ni les
papyrus sacrés qui servent de supports
matériels et périssables aux préceptes
éternels du Coran. Seul le contenu de
cet ouvrage est déclaré intouchable,
parce que censé avoir été dicté mot à
mot du haut du ciel - mais toujours au
gré des circonstances et à point nommé -
à un porte-parole assermenté et
expressément désigné par la divinité -
l'ange Gabriel. L'islam est la seule des
trois principales théologies du
monothéisme biblique qui ait tenté
d'éviter la formation - fatalement
expansive - d'un corps sacerdotal voué à
se dilater et à se substituer
progressivement à une divinité
dangereusement officialisée et de plus
en plus installée dans ses meubles
doctrinaux. Car la coulée du temps
suffira à accorder à l'autel
intellectualisé et juridifié les
privilèges les plus redoutables - à
savoir les prérogatives politiques et
législatives inévitablement couplées
avec celles de la divinité en personne.
Du coup, l'islam
moderne se révèlera un arbitre en mesure
de démontrer aux anthropologies capables
d'analyser la finalité politique du
monothéisme et leur articulation avec la
psychobiologie de la bête évolutive,
d'analyser, dis-je, les apories
insurmontables que rencontrera
nécessairement tantôt un monothéisme
privé d'ancrage dans la politique et
dans l'histoire, tantôt désireux de
s'enraciner profitablement dans le
temporel - donc au profit des légions de
devins intéressés à enrichir sans fin le
trésor immense et extensible à l'infini
du mythe rédempteur.
Certes l'islam
contrôle du matin au soir la vie
quotidienne de ses fidèles jetés cinq
fois par jour et le front dans la
poussière, puisque cette religion veille
heure par heure au rythme des prières de
ses fidèles et à l'alimentation
pieusement permise ou interdite aux
dévots - pour ne rien dire de la tenue
vestimentaire ordonnée au sexe faible
sur toute la surface du globe terrestre.
Mais il sera à jamais impossible à cette
cosmologie de fonder un nationalisme
ardent, donc un patriotisme dûment
enraciné dans le Coran, faute que le
supra nationalisme du sacré et l'
ubiquité mentale d'une Révélation lui
accordent l'arène du tangible et du
saisissable, donc le cirqueentier de la
politique et de l'histoire.
8 - La bête
disloquée
J'ai dit ailleurs (II
- Une anthropologie des apories de la
condition historique , 16
octobre) que les religions ritualisées
au quotidien sont plus transnationales
que les identités linguistiques, donc
géographiques, qui finissent toujours
par rencontrer l'assiette d'un peuple
territorialisé, d'un Etat circonscrit,
d'une patrie de topographes. C'est
pourquoi le naufrage politique de
l'Europe sera linguistique, folklorique
et zoologique.
On voit ce
qu'apporte à une anthropologie des
religions monothéistes ambitieuse de se
rendre logicienne la découverte du "chaînon
manquant" actuel et de tous les
temps. Car s'il y a évolution, il n'y
aura jamais que des chaînons
intermédiaires, donc des embryons
d'humanité mis en route vers
l'inaccessible. Il s'agira donc
d'articuler le grossissement lent du
cerveau simiohumain actuel avec une
histoire en profondeur des sciences
humaines. Cette histoire ira des
australopithèques jusqu'au débarquement
tout récent de l'infini dans
l'anthropologie religieuse enfin greffée
sur l'évolution du mammifère locuteur.
Le surgissement du
mystère de l'espace-temps permet de
donner à l'humanisme du IIIe millénaire
une assise anthropologique branchée
d'avance sur l'évolution cérébrale de la
bête disloquée. La problématique chargée
de rendre intelligible, donc
déchiffrable, un animal déhanché entre
sa charpente et le vide impose des
paramètres transtemporels à
l'interprétation scientifique de
l'évolutionnisme, et cela tout
simplement parce que l'infini et le
temps sont les coordonnées
anthropologiques et les nouveaux
interlocuteurs trans temporels de la
science expérimentale. (voir
III - Les logiciens de la nuit
, 23 octobre 2015)
Le 30 octobre 2015
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