Section décodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
Israël sous les feux de la rampe
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 12 février 2016
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1 - Un nouveau regard
sur le peuple élu
2 - Les religions à l'heure de
la pensée rationnelle
3 - Au service de l'étranger ou
au service de l'Etat-nation ?
4 - Une anthropologie des trois
monothéismes
5 - Comment habiter deux mondes
aujourd'hui ?
6 - Un monde sans destin
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1 - Un nouveau
regard sur le "peuple élu"
Dans son analyse du
23 décembre 2015, le Saker écrit: "La
relation entre la Russie et Israël et,
même avant cela, entre Juifs et Russes,
mériterait un livre entier. En fait,
Alexandre Soljenitsyne l'a écrit, ce
livre. Il s'appelle Deux siècles
ensemble, mais parce que les
sionistes tiennent les médias
anglo-saxons à la gorge d'une poigne de
fer, il n'a pas encore été traduit en
anglais. Qu'un auteur acclamé par le
monde entier et qui a eu le prix Nobel
de littérature ne puisse pas faire
traduire son livre parce que ce qu'il
contient pourrait saper la fable
officielle sur les relations russo-juives
en général et sur le rôle joué par les
Juifs dans la politique russe du XXe
siècle en particulier, est une
démonstration en soi. De quelle autre
preuve de la subordination de
l'ex-empire britannique aux sionistes
a-t-on besoin? " (Poutine et
Israël - une relation complexe et à
multiples couches, The Saker
- Saker.Is - 23 décembre 2015,
trad. Catherine Lieutenant)
Avec toute la
communauté scientifique de son temps,
Descartes jugeait acquises les évidences
de l'astronomie de Copernic et de
Galilée, mais il s'était résigné à
renoncer à la publication de son
Système du monde parce que
l'Eglise de son temps avait subitement
durci à nouveau le combat entre
l'astronomie mythologique de la
Genèse et l'héliocentrisme.
Toute la chrétienté se sentait
contrainte de revenir à revenir à
l'erreur de perspective qui commande la
gigantesque erreur de perspective du
système de Ptolémée. De même Jean de la
Fontaine avait publié une fable
intitulée Un animal dans la lune
qui illustrait discrètement la
pertinence des découvertes de Copernic
et de Galilée, mais il n'avait pas osé
prendre appui sur la solidité du
témoignage de la raison et de la logique
face aux représentations magiques des
textes sacrés.
De nos jours, les
verrous que la théologie mettait à la
connaissance scientifique ont sauté,
mais nous sommes condamnés à nous
colleter à l'infini avec des moyens
finis, ce qui n'est pas moins absurde
que de soumettre la recherche
astronomique au verdict de la
Bible. En revanche, un champ
immense s'ouvrirait à la connaissance de
la psychophysiologie des religions des
nations et des peuples si un autre
interdit, aussi catégorique que les
verdicts de "Dieu", ne s'opposait aux
progrès de la connaissance des ultimes
secrets du genre humain, à savoir
l'interdiction d'analyser la psychologie
du peuple juif depuis la destruction de
Jérusalem par Titus et Vespasien.
Tous nos
anthropologues rationnels et toute notre
politologie scientifique savent
parfaitement que le rêve de judaïser
Jérusalem est un délire dont le
décryptage de ses secrets nous
éclairerait sur la structure mentale de
tout le genre humain; tous nos
anthropologues et nos politologues
savent qu'on ne fait pas rebrousser un
chemin de quatorze siècles à un peuple
qui a changé de langue, de divinité et
de textes sacrés - et pourtant, cette
évidence se révèle aussi impossible à
imposer à la communauté scientifique
moderne que les démonstrations de
Copernic au XVIe siècle et de Galilée au
début du XVIIe.
Mais si, bravant
des interdits scientifiques devenus
aussi impérieux que les interdits
religieux d'autrefois, nous observerons
comment la nouvelle orthodoxie frappe
désormais les sciences humaines. Nous
verrons alors que le "peuple juif",
autrefois disséminé, s'enracine
désormais avec une féroce énergie, à la
fois dans le mythe de ses retrouvailles
avec le grand Israël retrouvé et dans
ses patries d'emprunt. Puis, nous
donnerons un sens à la fois au
basculement de la communauté juive
mondiale en direction de Washington à la
suite de la guerre de Suez de 1956 et à
la pulsion invincible de la fraction
judéo-américaine de se proclamer
patriote et de bénéficier des lois d'un
Nouveau Monde qui leur permet de
constituer des groupes de pression
devenus les maîtres du Sénat. L'AIPAC
servira leur double vocation.
On sait que le
Sénateur Edward Kennedy, dont le
Président Barack Obama était un
familier, a passé inutilement près de
trente ans à tenter faire reconnaître
les groupes de pression israéliens pour
des groupes exclusivement service d'un
Etat étranger intérêts d'Israël. On se
souvient également de ce que M. Benjamin
Netanyahou s'était montré à ce point
maître du Congrès américain, qu'il avait
fait applaudir son Etat à la manière
d'un chef d'orchestre. Les élus du
peuple américain s'étaient levés
cinquante sept fois pour des
"standing ovation" répétées.
Prévoyant la manœuvre, le Président des
Etats-Unis avait quitté la scène
quarante huit heures durant pour laisser
la place à un Benjamin Netanyahou devenu
le maître des lieux.
Or, un peuple privé
de sa capitale et de son mythe de la
"terre promise" soixante-dix ans après
Jésus-Christ se scinde en deux
personnages aussi tenaces l'un que
l'autre, celui qui se réclame de ses
origines bibliques et celui qui se love
dans ses patries adoptives et qui en
devient le chef.
2 - Les religions
à l'heure de la pensée rationnelle
Le "peuple juif"
est-il le seul à se livrer à cette
scission entre ses songes sacrés et ses
conquêtes sur la planète entière, ou
bien existe-t-il une spécificité de ce
peuple dont la connaissance nous
livrerait la clé des ultimes secrets du
simianthrope ? Il est évident que ce
boulevard ouvert au décryptage
anthropologique des évadés de la
zoologie bouleverserait la science
historique moderne et la politologie
mondiale. Car la civilisation russe
demeure trop empêchée de s'engager dans
cette voie, du seul fait que Moscou
applique aux vingt millions de musulmans
et à la masse des juifs russes demeurés
sur son sol les clauses de la loi
française de 1905 par lesquelles non
seulement l'Etat ne subventionnent aucun
culte, mais ne "reconnaît" aucune
religion, ce qui revient, en termes de
droit, à dénier toute légitimité
scientifique aux cosmologies mythiques
des premiers âges.
Vous ne trouverez
pas en Russie, un seul homme en djellaba
et une seule femme en burqa, tandis que
la France a vu un archevêque de Paris,
Mgr Lustiger, monter au Sacré Cœur avec
la croix du Christ sur les épaules. Mais
la France et les Etats-Unis sont
parvenus à constituer les communautés
religieuses les plus diverses en tant
qu'autorités politiques. L'AIPAC
américaine est une autorité politique
soucieuse de conquérir le contrôle de
l'Etat et de ses institutions. Le CRIF
est une autorité politique au service
exclusif des intérêts d'Israël, tandis
que la communauté juive de Russie n'est
dirigée que par ses rabbins,
c'est-à-dire par une autorité religieuse
convertie au nationalisme et au
patriotisme russes.
3 - Au service de
l'étranger ou au service de
l'Etat-nation ?
M. Poutine a pu se
rendre en Israël où au sein du million
de juifs russes qui s'y sont rendus, une
proportion non négligeable se proclame
d'héroïques soldats russes et non
seulement fiers de leur appartenance au
service de la nation russe que fort
heureux de produire et de manger du porc
en Israël. Certes, l'autorité
strictement religieuse des rabbins
russes ne va pas jusqu'à déclarer comme
un égarement du peuple de David sa quête
du mythe national, mais ces rabbins
demandent non seulement à la communauté
juive de Russie de dénoncer les
sanctions économiques de l'Amérique et
de l'Occident, mais d'agir auprès de
toutes les communautés juives du monde
dans le sens des intérêts de la nation
russe.
On se souvient que
Washington avait le pouvoir d'interdire
au joueur d'échec Bobby Fisher de
participer à des tournois sur le
territoire de tel ou tel pays en froid
avec les Etats-Unis et que l'ex-champion
du monde du noble jeu avait répondu à
cet interdit en déchirant son passeport,
ce qui l'avait soumis à des persécutions
de tous les vassaux du Nouveau Monde.
Il y a un abîme
entre une religion au service d'une
puissance étrangère et constituée en
autorité politique autonome et une
religion soumise à la loi française de
1905 qui a fini non seulement par
imposer un enseignement laïc et des
manuels scolaires laïcs aux
établissements religieux eux-mêmes. Ces
écoles confessionnelles dites "libres"
se voient interdire la correction des
copies du baccalauréat.
4 - Une
anthropologie des trois monothéismes
Pour qu'une
anthropologie soit scientifique, il faut
qu'elle soit critique, puisque, par
nature et par définition, la pensée
rationnelle est critique ou n'est pas.
Une anthropologie rationnelle devra donc
expliquer comment les mythes religieux
fonctionnent dans l'entendement des
peuples, donc dans l'imagination
collective.
Or, on constate que
la pierre de touche de leur efficacité
est leur rencontre dans les esprits avec
le monde physique. Le mythe chrétien se
fonde sur la rencontre, dans un village
de Bethléem d'une cosmologie mythique
avec un homme censé totalement humain et
totalement divin, donc céleste à titre
physique. Le mythe musulman se fonde sur
la rencontre charnelle de milliers de
croyants présélectionnés aux fins de
lapider le diable, lequel sera censé
victime en son corps de jets de pierres
censés le léser dans sa charpente. Dans
le judaïsme, le lieu de rencontre entre
le divin et le temporel, le Céleste et
l'éphémère, l'éternel et le mortel n'est
autre que quelques kilomètres carrés
d'une terre "donnée" à ses "élus" par le
géniteur du cosmos.
Or, à la différence
des deux autres cosmologies fabuleuses,
le Dieu Jahvé a été chassé de son temple
et réduit à l'errance aux côtés de ses
fidèles essaimés sur tout le globe
terrestre. De plus, comme il est dit
plus haut, le temps ne rebrousse pas
chemin et tout le monde voit bien que
les retrouvailles de ce peuple et de sa
divinité avec sa terre mythique ne se
réalisera jamais puisque, depuis
quatorze siècles, toute la région s'est
donné une autre divinité, une autre
langue et d'autres saintes Ecritures.
5 - Comment
habiter deux mondes aujourd'hui ?
Une anthropologie
rationnelle devra donc observer ce qui
se passe quand un mythe sacré ne trouve
plus son point de chute, donc se trouve
privé d'un Dieu localisable quelque part
et dont la mise en scène exige telle ou
telle rencontre avec les corps. Car,
dans l'attente de ses retrouvailles avec
un domicile fixe, le peuple hébreu se
trouve privé de sa vie onirique, alors
que l'homme est un animal schizoïde et
qu'à ce titre il se situe toujours
quelque part entre le monde réel et un
monde onirique.
Mais, dans le même
temps, une espèce condamnée à habiter
sur la terre seulement et amputée de son
domicile dans l'éternité, rencontrera
des problèmes insolubles dans l'ordre du
partage de sa cervelle entre deux
mondes. La question des relations que ce
monde entretiendra avec ses lieux de
résidence sur la planète, d'un côté, et
une Jérusalem devenue inaccessible, de
l'autre, s'ouvrira à une anthropologie
critique préoccupée par le traitement
rationnel de cette scission irréparable.
La communauté juive
américaine n'a pas donné lieu à une
réflexion de ce genre dans une terre
d'accueil largement asservie à ses
directives. Quant à la communauté juive
de Russie, nous avons observé qu'elle
est suffisamment intégrée au pouvoir
politique de l'endroit pour échapper à
ce type d'auto interrogation. Seule la
France a tenté, mais sans succès, de
traiter des relations que la défense
exclusive des intérêts d'Israël
entretient avec le patriotisme local. On
se souvient que MM. Bernard Henry Lévy,
Pascal Bruckner, Olivier Nora, directeur
des éditions Grasset et Fayard, ont
déclenché la fureur du CRIF à seulement
tenter de rendre compatible la défense
exclusive d'un Etat étranger avec
l'appartenance à la République.
6 - Un monde sans
destin
Ce sont les
embarras mêmes de la bi-polarité
franco-israélienne qui expliquent une
bipolarité invivable. D'un côté tout le
monde voit que le statut de M. Bachar
El-Assad résulte de l'alliance de la
Syrie avec l'Iran, ce qui, dans l'esprit
de la communauté juive mondiale est
censé présenter un obstacle
insurmontable à la marche triomphale
d'Israël vers une terre promise à
judaïser à nouveaux frais. Il faut donc
présenter le Président de la Syrie sous
les traits d'un Héliogabale, d'un
Sardanapale et d'un Attila à remplacer
de toute urgence et pour le salut de
l'univers par une intervention
extérieure et violente qui priverait le
peuple syrien du droit d'élire son
dirigeant par la voix du suffrage
universel.
Mais quelques jours
seulement avant la venue du Président de
la République française chargé par la
communauté juive internationale de
présenter cette exigence au Président
Poutine, la Russie et l'Iran ont scellé
un accord sans ambiguïté sur
l'impossibilité de priver le peuple
syrien de l'exercice de sa souveraineté
naturelle.
Le monde entier se
trouve donc l'otage de la vie onirique
d'un peuple amputé de son prolongement
onirique naturel dans une terre
mythique. Mais, dans le même temps, le
fait qu'il existe sur cette terre un
peuple privé de toute chance de
reconquérir son mythe présente un
avantage immense aux yeux d'une
anthropologie originelle et
fondamentale. Israël offre le champ
d'expérimentation d'une espèce condamnée
à vivre amputée de sa vie onirique et de
toute possibilité de mettre en scène ses
origines dans le fantastique et le
fabuleux d'une cosmologie délirante. En
ce sens l'Etat hébreu se trouve
condamné, à son corps défendant, à
illustrer non plus le dialogue avec le
monstre du Loch Ness de la philosophie,
qu'on appelle l'être, mais avec son
véritable interlocuteur dans le vide et
le silence de l'infini qu'on appelle le
Néant. Il s'agira de faire débarquer ce
personnage dans la République des
Lettres.
Le 12 février 2016
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