Pour une
anthropologie originelle
I - L'animalité spécifique d'une bête en
évolution
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 9 octobre 2015
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Présentation de la bête
évolutive
1 - Le naufrage en eau tiède
2 - Les dieux d'une bête en
évolution
3 - La découverte du " chaînon
manquant "
4 - La bête évolutive en quête
de l'observatoire de son
évolution
5 - Cicéron anthropologue
6 - Les souverains du vide
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Présentation de la bête
évolutive
1
- Le philosophe et l'homme
politique
On a
prétendu que l'homme d'Etat
et le philosophe se
partageraient le fardeau de
porter le regard de la
raison au-delà des quelques
arpents auxquels s'arrête le
radar du globe oculaire du
genre humain ordinaire et de
traverser ensemble le
paysage en doubles
connaisseurs de l'étendue du
vaste monde et de sa longue
histoire. Cette allégation
est aussi effrontée que
perverse; tout homme
politique, quelle que soit
la relative 'envergure de sa
cervelle, ne regarde jamais
notre astéroïde que du point
de vue qu'il juge nécessaire
et suffisant à l'heureuse
conquête du pouvoir qu'il
ambitionne d'exercer,
tellement son ultime soif de
gloire et de puissance se
limite toujours au champ de
l'action efficace, donc
payante à ses yeux.
L'empire de la pensée, en
revanche, se ramène
toujours, aux yeux du
philosophe, au territoire
cerné par la question
supérieure de la prise de
possession d'une citadelle à
capturer en altitude, ce qui
exige la mise en évidence du
chemin le plus sûr qui
conduira les guerriers de
l'intelligence à se promener
en vainqueurs sur les
remparts de l'ennemi
terrassé.
Du
coup, l'homme politique se
trompera nécessairement sur
la distance intellectuelle à
parcourir, celle qui seule
lui permettrait de triompher
sur les hectares qu'il
convoite. C'est ainsi que
MM. Sarkozy et Juppé se
trompent tous deux au
chapitre du recul de la
pensée qu'exige le monde
actuel: leur erreur commune
est de s'imaginer que le
paysage de la politique
mondiale d'aujourd'hui ne
sera pas bouleversé de fond
en comble par la victoire
militaire de la Russie en
Syrie.
C'est
pourquoi, en un mot comme en
cent, ces hommes d'action ne
savent pas que l'histoire de
la planète sera mise en
marche par l'irruption
soudaine d'un glaive
performant dans le train de
sénateur et dans la
nonchalance démocratique; et
que, par conséquent, il est
encore trop tôt,
croient-ils, pour soulever
la question de fond - celle
de l'existence même de
l'OTAN vassalisé et de
l'illégitimité de la
présence à perpétuité de
cinq cents bases militaires
américaines armées jusqu'aux
dents et privées
d'adversaires sur un
continent ligoté par la
victoire réputée
évangélisatrice de 1945 sur
le nazisme.
Ce type
d'homme d'Etat croit se
camper à la bonne distance
du champ de bataille que
lorgne son cerveau césarien
- la distance qui le
conduira tout droit à
l'Elysée, se dit-il. La
myopie partagée des
candidats de la gauche et de
la droite leur interdit de
réfléchir en anthropologues
originels sur les leçons
multi millénaires que
l'histoire et la politique
dispensent aux Etats: car le
sabre ne laisse jamais
intacts les nonchalants et
les léthargiques. Les
démocraties sont des
embarcations tellement
construites pour naviguer
seulement par temps calme
que le vent de l'histoire
réelle les démâte sans
tarder.
Et
pourtant, le regard éclairé
que la science historique
universitaire devrait porter
sur le destin du monde
suffirait à lui fait voir
clairement que la reconquête
de la Crimée, puis la guerre
en cours en Syrie
reconduiront le monde à la
résurrection de nations et
aux retrouvailles de la
mappemonde avec le ciment de
l'histoire qu'on appelle le
patriotisme - il n'y
manque qu'un regard
d'anthropologue sur
l'animalité spécifique du
genre humain - car le
Moyen-Age actuel nous
rappelle que Lucifer est un
monstre en chair et en os,
et pourtant invisible et
qu'on le lapide à l'aide des
pierres lancées contre une
stèle. L'animalité
cérébralisée de notre temps
ne distingue pas le monstre,
d'un côté, du symbole, de
l'autre. Les catholiques
mangent réellement la chair
et boivent effectivement le
sang de leur victime immolée
sur l'autel de l'Histoire;
les protestants n'ont plus
de "vrai et réel"
sacrifice à se mettre sous
la dent - ils peinent à ne
croquer que des symboles.
La
guerre de Syrie sera l'enjeu
philosophique inconscient
des démocraties: il s'agira
d'arracher à l'islam son
Lucifer de chair et de sang
à lapider. Car si Lucifer
existait hors de la conque
osseuse de ses lapideurs, il
rirait bien du tour qu'il
vient de leur jouer: ils
n'ont pas seulement échoué à
tuer Satan, ils se sont
entêtés à manquer leur
cible.
2
- Un monde à la croisée des
chemins
Le
gouffre ouvert entre le
philosophe et le conquérant
- on l'appelle maintenant
l'homme d'Etat - est donc
abyssal: Socrate ne se
trouve pas dans l'arène des
candidats à la puissance
politique. Car, non
seulement son regard
voudrait porter sur toute
l'étendue du paysage à
traverser, mais son premier
souci est celui d'un
logicien qui songe à
conquérir l'observatoire de
la politique et de
l'histoire de la bête
évolutive - le seul
télescope qui lui permettra
de savoir d'avance si le
paysage se rend visible de
l'extérieur et de quelle
nature sera ce dehors.
C'est
pourquoi, de Platon à Kant,
de Descartes à Hume et à
Nietzsche, tous les
philosophes sérieux ont
tenté d'observer de haut et
de loin la boîte osseuse du
plus étrange des animaux,
afin d'examiner de Sirius
les ressorts et les rouages
de cette singulière
machinerie - et également
afin de remédier, si
possible, aux vices de
fonctionnement et de
fabrication des pièces de
cet outillage non seulement
perfectible depuis deux
millions d'années, mais en
évolution sporadique et
aléatoire depuis vingt mille
siècles seulement. Il est
grotesque de tenter de
survoler un paysage si l'on
ignore à l'aide de quelle
caméra de la pensée la bête
tentera de comprendre ce qui
lui arrive.
Dans
cet esprit, je
m'abstiendrai, quatre
semaines durant, de
poursuivre mes analyses
anthropologiques sur le seul
terrain des évènements, et
je tenterai de quitter
davantage l'univers des
arpenteurs et des géomètres,
afin de tenter de savoir
s'il est possible de porter
sur l'histoire et la
politique du simianthrope un
regard trans territorial,
pourtant de nature à nous
informer du sens du tournant
que la Russie vient de
prendre dans l'univers de la
spectrographie
anthropologique de la bête
schizoïde. Car nous venons
de découvrir le chaînon qui
nous manquait entre
l'Australopithèque et le
premier animal censé armé du
télescope de la pensée
transzoologique. Il s'agit
d'ouvrir une brèche plus
impossible à combler que
jamais entre la philosophie
et la politique. L'heure des
logiciens de la nuit a
sonné. (Voir le texte qui
paraîtra le 30 octobre)
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1 - Le naufrage en
eau tiède
Le naufrage en eau
tiède des civilisations déclinantes fuit
le spectacle de leur agonie, alors même
qu'elles en sont devenues la proie
depuis longtemps aux yeux de tout le
monde; mais elles finissent toujours par
étaler à leurs propres yeux le
camouflage inutile de leur trépas
prolongé. De plus, la vérité montre ses
crocs aigus et ses mâchoires massives.
Sa denture carnassière dévore les
fondements psychophysiologiques des
Etats. C'est ainsi que la superficialité
d'esprit dont témoignent les sciences
humaines acéphales d'aujourd'hui réduit
leur savoir scolarisé à une pellicule de
graphiques et de statistiques.
Le naufrage dans
leur minceur de ce genre d'exercices est
devenu tellement spectaculaire que le
haut enseignement français, qui se
trouve en eau tiède et privé de
réflexion philosophique depuis plus d'un
siècle, semble tout soudainement se
réveiller quelque peu: ne vient-il pas
de découvrir qu'une science privée du
tuteur de la pensée critique n'est
qu'une outre vide? L'Université Marie et
Pierre Curie va faire alliance avec la
Sorbonne millénaire pour tenter de
greffer in extremis l'amusement
scolastique qu'on appelle la sociologie
sur l'une de ses "contre faces", comme
on dit, à savoir la vieille "psychologie
des facultés" que nous avons héritée
du Moyen-Age. Quelle porte enfin grande
ouverte sur le sanglant que la
connaissance d'eux-mêmes soudainement
promise aux docteurs du genre humain!
La question à
laquelle la Sorbonne moderne ouvrira sa
porte à deux battants n'est autre que
celle qui se posait aux sophistes et aux
théologiens du Moyen-Age: à quelle
profondeur du cerveau d'une bête réputée
évolutive une vraie sociologie est-elle
appelée à plonger ses racines? La béance
de cette brèche fécondera-t-elle la
poussière amassée par la sociologie de
Durkheim, fondée, au milieu du XIXe
siècle? Les craintifs et les tremblants
vont-ils battre massivement en retraite.
Car il faut une révolution
épistémologique titanesque pour
seulement prendre acte de ce que, depuis
sa sortie partielle et précautionneuse
du règne animal, notre espèce se trouve
dichotomisée entre les neurones du réel
et ceux du fantastique religieux. Mais
pour séparer la théologie de la zoologie
cérébrale, et la zoologie mentale de la
théologie, il faut apprendre à décrire
l'animalité spécifique d'une bête
scindée de naissance entre le visible et
l'invisible. Si les sciences humaines
actuelles commençaient par l'audace de
tenter de cerner leur objet, puis de
peser leurs méthodes d'encerclement de
cet objet sur les plateaux d'une balance
d'anthropologues, ces malheureux se
débanderaient dans une déroute
d'éberlués.
2 - Les dieux
d'une bête en évolution
Il en est ainsi
d'une consœur que la sociologie d'école
a récemment rencontrée dans l'arène de
la lâcheté intellectuelle des sciences
humaines actuelles: à savoir une
anthropologie dite politique, puis
attifée en discipline scientifique et
enfin chapeautée le plus sérieusement du
monde de la toque des docteurs du
Moyen-Age. Cette séminariste se veut si
peu anthropologique qu'elle volète dans
les zéphyrs de ses méthodes. Les
vêtements de cette pauvresse se veulent
aussi folâtres qu'enrubannés. Aussi
a-t-elle échoué à emprunter les dehors
d'une véritable connaissance du
simianthrope. Mais son "champ du
savoir", comme elle aime à dire, ne
s'étend nullement jusqu'au politique
devenu porteur de ses masques sacrés.
Hélas, jamais aucun pseudo anthropologue
des temps modernes n'a eu le courage de
réfléchir à la nature viscéralement
historico-religieuse, donc fatalement
historico-onirique, de la cervelle des
évadés d'hier, d'aujourd'hui et de
demain de la zoologie.
Et pourquoi cela?
Parce que ni la sociologie laïcisée, ni
l'anthropologie officialisée dans
l'enceinte sans recul de la raison
universitaire, ni une science historique
mal rationalisée dans la postérité
étriquée du XVIIIe siècle ne sont
constructibles sans que nos
méthodologues ne commencent par tracer
une frontière nouvelle et relativement
sûre entre l'homme et l'animal. C'est
cela, le rendez-vous tragique du IIIe
millénaire avec la postérité véritable
de trois peintres animaliers originels,
Cervantès, Swift et Nietzsche. Car ces
premiers penseurs et peseurs se sont
penchés sur l'animalité propre aux
estropiés divins qui se promènent sous
notre os frontal; et ils ont observé une
bête en cours de cérébralisation, de
vassalisation et d'encerclement dans
l'enceinte de son propre concept, et ils
se sont défaussés sur leur propre génie:
le roman ou le récit symbolique ont
tendu leur miroir à la bête
auto-mythifiée.
3 - La découverte
du " chaînon manquant "
Il y a une
quinzaine de jours seulement, le monde
de la presse s'est trouvé informé
inopinément, donc par surprise, de ce
que, depuis plus de deux ans, des
paléontologues cachottiers ont découvert
en Afrique du Sud de nombreux squelettes
miraculeusement conservés, du fameux
"chaînon manquant" entre
l'australopithèque et l'homo censé
dûment achevé ou du moins en voie d'un
parachèvement définitif de sa cervelle -
car nos apprentis-anthropologues sont
formés depuis trois siècles dans la
postérité manquée de Candide ou
l'optimisme de Voltaire; et ils
placent de préférence leurs spécimens
sous la lentille de leur raison
d'enfants. Mais à partir de quel animal
observent-ils l'auberge de leur propre
transanimalité, celle qui va de soi à
leurs yeux et dont le caractère
embryonnaire échappe à leur regard?
Car l'animal encore
entièrement toisonné d'il y a vingt
mille siècles avait déjà de longues
jambes et des pieds articulés; et sa
cervelle, alors de la grosseur d'une
orange, s'imaginait déjà, le malheureux,
que sitôt après le trépas de la carcasse
qui lui servait de support, il se
rendait quelque part à l'aide de divers
moyens de transport. Deux millions
d'années seulement plus tard, un
nautonier renommé, du nom de Charon,
s'entretenait secrètement avec le dieu
Hermès. Leur conversation portait sur
l'état de la barque du passeur. On sait
que cette conversation a été entendue
par un ironiste du deuxième siècle de
notre ère, Lucien de Samosate (129-180),
qui l'a fidèlement transcrite sur des
parchemins qui nous ont été conservés et
traduits dans toutes les langues de la
terre.
Or, les voilures de
la chaloupe de Charon étaient en
lambeaux. Comment le navigateur
sus-nommé faisait-il néanmoins franchir
le Léthé aux morts de son époque? De
plus, se plaignait notre Charon
originel, ses voiles étaient tellement
rafistolées qu'il était grand temps de
cesser de les recoudre. Mais comment
convaincre Hermès d'en acheter des
neuves? Quant à la sécurité des migrants
de ce temps-là, les derniers passagers
n'étaient parvenus sur l'autre rive qu'à
grand peine, et cela seulement en raison
du courage avec lequel ils avaient écopé
sans relâche et tout au long de la
traversée l'eau de l'Oubli qui
s'introduisait dans la cale par une
brèche impossible à colmater. Puis
Charon se faisait théologien, nous
raconte son biographe: les dieux
n'avaient pas intérêt, disait-il, à se
montrer avares de leur voilure aux yeux
des mémorialistes à venir et de noyer
les humains, ce qui rendait
catastrophique leur arrivée au royaume
des morts.
On a appelé Lucien
de Samosate le Voltaire de son temps.
Son ouvrage de philosophe rieur et
d'historiographie autorisé de notre
évolution cérébrale s'intitule Les
Histoires vraies. Ce titre a été
faussement traduit, et de siècle en
siècle par L'Histoire véritable.
Qu'est-ce que la vérité religieuse aux
yeux des hellénistes ignorants, dès lors
que nous n'avons pas trouvé la balance
universelle qui nous permettra de peser
le symbolique? Les "religions
véritables" meurent quand leurs "vérités"
fondatrices chicanent le "sens commun"
du bimane évolutif - car le "sens
commun" de la bête imageante change
les pôles et les paramètres de
l'imaginaire qui la promène selon le
degré de dégrossissement du fantastique
et du sacré dont le sens commun se
trouve possédé.
Cinq siècles
seulement après Copernic, un siècle et
demi seulement après Darwin, un siècle
seulement après le mariage de l'espace
avec le temps que les anthropoïdes et
les hommes se partagent depuis les
origines - nous en devons la découverte
à notre physique de la flottaison
générale de l'univers - notre apparence
d'anthropologie politique et d'
anthropologie religieuse ne savent
encore ni pourquoi la bête au cerveau
schizoïde a expédié trois colosses au
cerveau réputé unifiable dans le silence
et le vide du Léthé qu'on appelle
maintenant l'immensité ou l'éternité.
Pourquoi ce colosse a-t-il remplacé
précipitamment les carcasses musculaires
et osseuses des dieux du polythéisme par
des longitudes et des latitudes
insaisissables? J'ai déjà dit que le
cerveau du "chaînon manquant"
avait la grosseur d'une orange: nous
cherchons désespérément la balance à
peser notre orange.
4 - La bête en
quête de observatoire
de son évolution
L'anthropologie
scientifique, donc critique de demain
observera la psychophysiologie cérébrale
et racontera l'histoire vraie de
l'animal dichotomisé de naissance entre
la physique du cosmos et le fantastique
religieux qui se balade sous son os
frontal. La discipline du fabuleux
commencera par constater que, dans
l'ordre politique, le simianthrope est
une bête aporétique, par nature et par
définition, et cela en raison de la
schizoïdie native dont le langage a
frappé son encéphale en cours de route.
Par conséquent, toute anthropologie qui
se voudra scientifique commencera par
tenter de connaître, puis d'interpréter,
donc de donner un sens à la
psychophysiologie cérébrale qui paralyse
un bimane cruellement inachevé et à la
recherche de son gîte - car on ne
saurait enregistrer de siècle en siècle
la progression désespérément
superficielle de ses neurones si
l'évolution de sa cervelle se trouvait
d'ores et déjà terminée.
Mais en quel
endroit de la route l'observateur d'un
cheminement proprement mental se
trouve-t-il posté? Comment en
jugerait-il motu proprio
s'il ne sait à partir de quelle distance
il regarde, droit devant lui, un paysage
dans lequel il entre à reculons - car à
chaque étape de son trottinement, cet
animal se croit arrivé à bon port et
s'imagine respirer enfin librement? De
plus, ce prétentieux juge de haut et de
loin le chemin qu'il a parcouru tout
clopinant et toujours sans connaître
vraiment l'endroit où il se trouve
arrêté. Tout au long de ses
sautillements d'une écurie à la suivante
ou d'une étable à l'autre, il ne plante
jamais que des reflets illusoires de
l'homme qu'il croit être devenu entre
temps. Lucien de Samosate ne regardait
pas encore la bête onirique en
anthropologue averti. Nous rions de
l'aveuglement de Mercure et de Charon,
mais nous sommes les continuateurs de
leur cécité. Et si nous n'apprenons pas
à fixer nos regards plus loin qu'au bout
de nos pattes, je ne donne pas cher de
l'avenir de nos mandibules.
5 - Cicéron
anthropologue
Dans cet esprit, il
est établi, comme je l'ai signalé
plusieurs fois sur ce site, que Cicéron
fut l' anthropologue du blocage originel
de la cervelle politique et religieuse
de la bête que nous sommes demeurés; car
le grand orateur a souligné le premier
que le pouvoir d'un seul (princeps)
conduit nécessairement à la tyrannie, le
pouvoir des meilleurs (optimates)
non moins nécessairement au règne des
factions et le pouvoir populaire plus
nécessairement encore au chaos (turba
et confusio). Ce diagnostic bouchait
d'avance toutes les issues, mais il
s'est révélé tellement irréfutable qu'il
se trouve confirmé dans le monde entier
depuis deux millénaires, et cela du seul
fait que l'art de piloter les
Républiques et les diverses formes
qu'emprunte la démocratie, tente
vainement de construire des mélanges
mirifiques du pouvoir d'un chef
incontesté avec celui des multiples
factions que sécrète un suffrage
populaire désordonné et privé non
seulement de télescope, mais de tête.
Depuis 1958, la
République française présente un
spectacle particulièrement instructif du
chaos qui s'est emparé des neurones de
la bête en évolution: on y voit un chef
d'Etat dont les pouvoirs permettent de
faire régner une gabegie assurée, mais
limitée à deux quinquennats. L'Amérique
s'était fâchée de ce que Franklin Delano
Roosevelt avait régné plus de seize ans
sur le parti démocrate pour ne céder son
siège qu'au dieu Thanatos. Mais partout,
lors de leur pré-sélection, les
candidats à l'exercice d'une
magistrature à la fois sommitale et
passagère, sont choisis sous la poigne
de fer et les ruses des factions,
lesquelles se chargent ensuite de
présenter des apprentis de la politique
mondiale aux suffrages d'une population
inexpérimenté et soigneusement maintenue
dans l'ignorance des qualités requises
des vrais chefs d'Etat sur la scène
internationale.
6 - Les souverains
du vide
Mais dans combien
de générations les qualités demandées
aux vrais chefs d'Etat seront-elles
communicables aux boîtes osseuses des
masses si, de leur côté, les classes
dirigeantes ne se demandent jamais si
une proposition est vraie ou fausse,
mais seulement s'il est politiquement
opportun de l'exprimer ou de la taire?
Un Président semi princier et élu, même
pour peu de temps, au cours d'une
procédure inappropriée à son objet se
rendra aussitôt, et le plus naïvement du
monde, le vassal d'un empire étranger,
et cela dans un aveuglement d'enfant.
Puis, sa candeur puérile se trouvera si
bien partagée par la cécité générale du
pays, qu'elle ne déclenchera quelques
marmonnements et ronchonnements ni dans
le sérail des oligarques grands nageurs
en eau tiède, ni dans la jungle de
l'ignorance d'un peuple qualifié de
souverain, mais dans le vide.
Je rappelle
seulement, en passant et pour mémoire,
que c'est par la volonté d'un
rassemblement de tout le monde en un
vaste troupeau qu'un empire étranger
tient les armées nationales de toute
l'Europe sous le sceptre et l'étendard
d'un général américain - quel pâturage
que celui d'une "Liberté universelle" -
je rappelle seulement et en passant que
c'est par la volonté des démocraties et
des Républiques elles-mêmes qu'un empire
étranger place, depuis soixante quinze
ans, les herbages de l'Europe de
Ramstein à Syracuse sous le drapeau de
cinq cents bases militaires
trans-océaniques, je rappelle seulement,
et en passant, que c'est par la volonté
dûment partagée avec ses vassaux qu'un
empire insidieux nous a imposé un traité
de Lisbonne chargé de nous garantir le
plus officiellement du monde la
protection "perpétuelle" - et à titre
constitutionnel - des forces militaires
américaines campées sur nos terres, je
rappelle seulement, et en passant, que,
parmi les clauses innocemment semées
dans le traité léonin de Lisbonne, c'est
par la volonté tenace, mais toujours en
raison à la mollesse de notre complicité
aux yeux crevés, qu'un empire de la
"morale" a domestiqué toute la classe
politique du Vieux Monde, je rappelle
seulement et en passant que la lecture
des clauses du prochain traité baptisé
de "libre échange" entre le tigre et le
mouton se trouve interdite aux
assemblées nationales des peuples censés
souverains de toute l'Europe asservie,
je rappelle seulement, et en passant,
que nous expions par de lourdes
contre-sanctions de la Russie le
boycottage qui nous a été impérialement
imposé par un fauve de la démocratie
mondiale, je rappelle seulement, et en
passant, qu'une Commission parlementaire
devait enquêter sur le naufrage le plus
récent de notre souveraineté: l'Amérique
a interdit au paltoquet de l'Elysée de
vendre les Mistral au Kremlin. Mais
seulement treize députés socialistes et
huit de la droite ont enterré en
catimini cette constatation publique de
la vassalisation du peuple français - il
ne s'agissait que de vendre à un bon
prix les témoins nautiques de notre
servitude.
Décidément, l'eau
de l'oubli a fait chavirer la barque de
Charon.
La semaine
prochaine, je poursuivrai l'analyse
anthropologique de la bête aporétique. .
Le 9 octobre 2015
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