Opinion
L'hypocrisie démocratique mondiale
d'aujourd'hui et de demain
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 8 avril 2016
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1 - Préambule : Les
députés et les sénateur montent
sur la scène internationale
2 - L'avènement de l'ironie
politique
3 - La France pensante du XXIe
siècle
4 - La postérité démocratique de
Tartuffe
5 - Métaphysique et politique de
l'hypocrisie
6 - L'hypocrisie du Dieu
construit à notre "image et
ressemblance"
|
1 - Préambule :
Les députés et les sénateurs montent sur
la scène internationale
Le 25 mars
j'annonçais sur ce site mon intention de
raréfier mes commentaires en raison de
mon âge et afin de favoriser par mon
absence les initiatives des jeunes
chercheurs d'ores et déjà en route sur
les pistes que j'ai tenté d'ouvrir
depuis le mois de mars 2001. Mais un
évènement important me contraint dès ce
8 avril, d'expliciter à l'école d'une
anthropologie critique, donc ambitieuse
d'accéder au rang d'une science, les
ressorts et les rouages du personnage le
plus important de l'histoire des
religions et des Etats, à savoir
l'hypocrisie de type démocratique.
Car, pour la
première fois, l'Assemblée Nationale
légitimée par le suffrage universel,
donc par la voix et la volonté du peuple
souverain, débarquera le 28 avril sur
l'immense territoire de la politique
étrangère, donc sur la scène
internationale où se construit le destin
des nations - car les descendants de la
Révolution de 1789 se déclareront
habilités à décider des relations
futures de la France avec la Russie et
avec les nations montantes du monde de
demain.
Or, à l'heure où,
comme au XVIIIe siècle, la question du
statut de la raison et de l'avenir de la
pensée se situe à nouveau au cœur de la
civilisation mondiale, M. Thierry
Mariani, député des Français de
l'étranger, a pris l'initiative de
présenter un projet de loi au vote du
Parlement sur la suppression immédiate
des sanctions à l'encontre de la Russie.
Le Ministre de l'économie, M. Emmanuel
Macron, a lui aussi déclaré publiquement
que l'abolition des sanctions prises à
la suite des retrouvailles de ce pays
avec la Crimée était prioritaire. Et le
Président du Sénat, M. Gérard Larcher, a
été reçu par M. Poutine et il a abondé
dans le même sens.
C'est dire que de
nombreux membres du parti socialiste et
une partie du gouvernement soutiennent
l'audace de M. Mariani. C'est dire
également qu'en tant que représentants
de la souveraineté du peuple français,
les députés sont tous informés que la
pseudo révolution ukrainienne de la
place Maidan a été financée à hauteur de
plus de six milliards de dollars par Mme
Victoria Nuland, représentante de la
Maison Blanche pour les affaires
européennes, et cela aux fins de
préparer la conquête de Sébastopol par
Washington qui y installerait une base
militaire d'une importance stratégique
décisive, puisque ce port permet à
l'Etat qui s'en rend le maître de
contrôler tous les pays du bassin de la
mer Noire, à savoir la Turquie, la
Bulgarie, la Roumanie, la Géorgie,
l'Ukraine et la Russie.
De même, les
députés savent tous, puisqu'ils sont les
représentants de la souveraineté
nationale, que la conquête de Sébastopol
par Washington était préparée depuis des
mois. Des estimations du coût de
l'aménagement des bâtiments destinés à
loger les quartiers généraux et les
services de renseignement américains,
ainsi que des aérodromes et de diverses
casernes à Simféropol et à Sébastopol
avaient été chiffrées. Washington était
si assuré de mettre la mains sur la
péninsule de Crimée sans coup férir que
les bâtiments destinés à recevoir les
militaires de haut rang avaient été
aménagés.
Les députés
français ne peuvent avoir ignoré que le
23 février 2014, toute une escadre de la
marine américaine, composée de pas moins
de seize navires de guerre et de trois
sous-marin nucléaires escortant le
porte-avions George Bush était entrée
dans la mer Noire. A son bord,
quatre-vingt dix avions et hélicoptères
étaient prêts à décoller à tout instant.
Il est évident que
tous les députés français savaient
également que le roi du Maroc s'était
rendu à Moscou et que la Russie avait
signé un accords avec la Tunisie et avec
l'Algérie aux fins de mettre sur pied
une collaboration active entre le
Kremlin et la partie semi francophone de
l'islam nord africain, dans la lutte
contre le terrorisme.
Tous les députés
savent de surcroît que, dès le
lendemain, Washington interdisait aux
nations européennes asservies à l'OTAN,
d'ouvrir le dialogue avec la Russie sur
le terrorisme et à leurs banques de se
porter candidates à l'achat de bons du
trésor russe à 5% sur dix ans, et cela
au moment où les taux sont négatifs en
Occident.
Or, aucun député,
ni de la majorité, ni de l'opposition
n'a jamais soufflé mot de ces faits au
peuple français, donc à leur souverain à
tous. Il est donc décisif que dès
aujourd'hui, les relations que
l'anthropologie critique entretient avec
l'hypocrisie politique, soient
précisées, afin que le 28 avril, date du
débat parlementaire prévu sur la nature
et l'étendue réelles de la souveraineté
du peuple, les citoyens se trouvent
informés de leurs apanages et de leurs
prérogatives. Alors seulement
l'intervention, longtemps retardée d'une
citoyenneté éduquée, permettra au peuple
français d'assumer pleinement sa
compétence et ses responsabilités sur la
scène internationale.
2 -
L'avènement de l'ironie politique
Une seule réalité
pratique domine la politique
internationale, à savoir la volonté
prophético-messianique des Etats-Unis de
poursuivre leur expansion politique,
idéologique et militaire en Europe.
Le 25 mars dernier,
je revenais sur la vocation politique de
l'ironie dont j'avais déjà traité
plusieurs fois. Je disais que l'ironie
ignore le rire gros et gras - elle
illustre le sourire en coin d'une raison
amusée. Le 29 mars, la victoire de
Palmyre engageait pour la première fois
la diplomatie russe à user de l'ironie
sur la scène internationale du
socratisme politique. Vladimir Poutine
s'attaquait à l'OTAN et aux Etats
vassalisés du Vieux Monde dans les
termes suivants:"Depuis que
l'environnement politique international
a changé, la politique des Etats-Unis
dans l'Otan se révèle dépassée. Il faut
qu'ils admettent que l'ingérence dans la
politique intérieure d'autres pays est
dépourvue de sens, et qu'ils envisagent
sérieusement de quitter l'Alliance
atlantique." Mais pour comprendre les
virtualités dont l'ironie de Vladimir
Poutine est porteuse, il faut remonter
d'environ deux siècles dans le temps et
expliciter la mutation imposée à la
littérature française par Stendhal et
Balzac.
3 - La France
pensante du XXIe siècle
A partir du milieu
du XVIIIe siècle, l'épicentre du
capitalisme s'est déplacé. Alors que
depuis des siècles, la richesse reposait
sur la possession des terres et du
bétail, le capitalisme changeait de
propriétaire: les nouveaux Crésus
devenaient les possédants des moyens de
production mécaniques qui allaient
fonder la civilisation industrielle
d'aujourd'hui.
Du coup, une classe
sociale nouvelle devenait un outil au
service des machines de plus en plus
automatisées. Cette nouvelle structure
sociale contredisait le combat de tout
le XVIIIe siècle pour la prééminence de
l'individu sur les mentalités
collectives, puisque la machine et ses
utilisateurs se voyaient réduits au rang
de deux mécaniques qui allaient bientôt
devenir rivales, ce qui était contraire
aux idéaux de 1789 et cela d'autant plus
que la machine commençait de dévorer à
belles dents ses serviteurs et même de
les éliminer du marché à son propre
profit.
Comment procéder
pour redonner à une classe ouvrière
mondiale devenue un outillage de moins
en moins performant, la dignité de la
personne qui, depuis le XVIIIe siècle
fondait cette dignité sur la
personnalité intellectuelle? Rien de
plus simple: on allait interdire la
propriété privée des moyens de
production et exécuter purement et
simplement tout citoyen qui tenterait de
fonder une entreprise sur le type
d'esclavage engendré par la machine.
Naturellement, la
classe ouvrière, élevée au rang officiel
d'une dictature enfanterait
nécessairement une classe dirigeante
d'apôtres dévoués corps et âme à
défendre ses intérêts classe. Non moins
naturellement, cette classe de
bienfaiteurs du genre humain a aussitôt
prêché un catéchisme bureaucratique qui
allait conduire une civilisation
industrielle de ce type à la chute du
mur de Berlin.
De son côté, la
bourgeoisie issue de la révolution de
1789 et du siècle des Lumières, a mis en
scène et à l'échelle internationale, une
religion calquée sur les trois valeurs
fondatrices du christianisme, à savoir
la Foi, l'Espérance et la Charité.
Qu'est-ce que la Liberté, sinon la
formulation laïque de la Foi, qu'est-ce
que l'Egalité, sinon la formulation
laïque de l'Espérance, qu'est-ce que la
Fraternité, sinon la formulation laïque
de la Charité? Hélas, ces trois entités
salvatrices sont bientôt devenues à
elles-mêmes leur propre mausolée, ou le
cénotaphe de la nouvelle religion, et la
démocratie est devenue à elle-même sa
propre pierre tombale.
4 - La
postérité démocratique de Tartuffe
C'est dans ce
contexte que deux géants ont surgi,
Stendhal (1783-1842) et Balzac
(1800-1850). La Françoise Sagan de
l'époque s'appelait Mme de Krudener.
Elle a failli faire du roman sentimental
le beffroi central de la littérature
française. Un siècle plus tard, Gide
dira: "Les bons sentiments font la
mauvaise littérature". Le XXIe siècle
ajoutera: "Les bons sentiments font la
mauvaise politique". Mais pour cela, il
fallait convertir la littérature à
l'examen minutieux et réaliste des
ressorts et des rouages des sociétés et
observer à la loupe le fonctionnement de
l'hypocrisie démocratique qui remplaçait
le tartuffisme chrétien.
Albert Thibaudet
dira que toute l'œuvre de Stendhal se
résume à un combat contre l'hypocrisie
sociale. Le récit du séjour de Julien
Sorel au séminaire de Dijon n'est autre
qu'une analyse quasiment anthropologique
de l'hypocrisie de l'Eglise romaine.
Mais l'admiration de Balzac pour
Stendhal, alors entièrement ignoré,
reposait sur le même fondement,
tellement il était impossible d'étudier
la société sous la Restauration sans
aboutir à la même analyse de
l'hypocrisie collective des sociétés
tant dans Grandeur et misère des
courtisanes que dans Le Rouge et le
noir.
Avec Balzac,
l'écrivain est devenu le forçat de
l'écriture et le géniteur d'une
transcendance nouvelle du génie
littéraire. Balzac écrivait à Mme
Hanska: "J'ai récrit treize fois César
Birotteau les pieds dans la moutarde".
Mais ailleurs le galérien change de ton
et il écrit: "J'ai arraché des idées à
la nuit et des mots au silence",
tellement le réalisme de Balzac se
nourrissait d'une dimension visionnaire.
Telles sont les
prémisses anthropologiques, donc
historiques et politiques, d'un examen
du sens d'une collaboration d'une
analyse de la signification du
terrorisme qui redonnerait à nouveau à
la France du XXIe siècle l'avance
qu'elle avait prise sur le reste du
monde et cela précisément dans la
postérité créatrice du Tartuffe de
Molière.
5 -
Métaphysique et politique de
l'hypocrisie
Quelle hypocrisie
que celle d'un empire, dont le Général
de Gaulle disait dans son discours de
Pnom Penh que l'escalade américaine
était "de plus en plus étendue en Asie,
de plus en plus proche de la Chine, de
plus en plus provocante à l'égard de
l'Union Soviétique, de plus en plus
réprouvée par nombre de peuples
d'Europe, d'Afrique, d'Amérique latine,
et, en fin de compte menaçante pour la
paix du monde".
Mais qu'en est-il
dans l'enceinte même des démocraties de
l'hypocrisie attachée à la notion même
de "souveraineté du peuple"? Le corps
électoral français ignore, par exemple,
que les jugements des tribunaux ne sont
signés par trois magistrats que pour la
forme et afin de les renforcer d'une
apparence de collégialité démocratique .
En réalité, ils sont exclusivement
rédigés par un seul juge, les deux
autres numéros du trio l'entérinent pour
la forme. Le peuple souverain s'imagine
- et on le lui fait croire - que les
commissions au sein des ministères sont
appelées à soumettre au contrôle du
peuple souverain l'exécutif concerné, à
savoir les agissements de l'Etat
lui-même, alors qu'en réalité, les
ministres nomment les membres des
commissions et leur donnent leurs ordres
noir sur blanc.
Mais l'hypocrisie
démocratique prend une nouvelle
dimension si on l'observe dans l'optique
de l'immense postérité de Bergson qui,
le premier a mis en scène "l'évolution
créatrice" et "l'évolution régressive"
fondées sur une mécanisation du vivant
au sein des "sociétés closes". Face à la
spontanéité du vivant, les rituels
administratifs et les liturgies
bureaucratiques fossilisent les
sociétés.
6 -
L'hypocrisie du Dieu construit à notre
"image et ressemblance"
Jetons un coup
d'œil à la postérité vivante des
philosophes qui réfute le mot de
Stendhal: "Je serai compris en 1880",
tellement nous avons affaire au Stendhal
et au Balzac du XXIe siècle. Pour cela,
observons l'hypocrisie propre à la
laïcité démocratique que masque
l'appellation neutralisante et riche de
dérobades de "fait religieux".
Car si la laïcité
réduit les religions au "fait
religieux", la voie est ouverte à
l'hypocrisie de passer outre à l'examen
du contenu anthropologique et
psychobiologique du dit "fait
religieux". Empaquetées dans la valise
d'un "fait" pseudo scientifique, nous
transportons les mythologies sacrées sur
un territoire hypocritement défaussé.
Sans procéder en rien à l'examen du
contenu de la valise, nous observons
comment le gigantesque système routier
de l'empire romain a permis à Saint Paul
de le véhiculer en tous lieux et ce sera
à ce système routier de rendre compte du
contenu de la valise.
Mais nous ne sommes
pas encore au terme de l'hypocrisie
historique et politique que camoufle la
métamorphose laïque des religions en un
"fait religieux" transportable dans la
valise. Car il faut maintenant se
demander ce que l'hypocrisie pseudo
scientifique tente de camoufler, à
savoir le fondement originel du
terrorisme. Car ce que l'hypocrisie
pseudo scientifique tente de camoufler,
c'est rien de moins que la structure
terroriste de la politique de Dieu.
Si nous commençons
par placer une religion sous vide, si
nous la désossons au préalable afin de
nous priver de tout moyen de l'examiner,
si nous plaçons ce squelette dans un
cénotaphe artificiel, comment ce
document momifié nous livrerait-il ses
secrets anthropologiques de se trouver
ainsi scalpé et véhiculé sur les chemins
déserts d'une science sans objet? Mais
quelle hypocrisie de ne pas écouter ce
que disait ce songe avant que son
cadavre fût transporté à la morgue. La
dénonciation de l'hypocrisie de Dieu est
tout le contraire de la légitimation de
l'ignorance et de la sottise.
De quoi s'agit-il?
D'un côté, un monothéisme de ce genre,
offre quelques sucreries à des
squelettes éternisés. De l'autre, une
religion construite sur ce modèle
éclaire les fondements terroristes de la
divinité, dont l'atrocité s'exerce à la
torture éternelle des trépassés dans un
enfer souterrain auprès duquel Auschwitz
et Buchenwald ne sont que fariboles.
Jamais nous ne
vaincrons le terrorisme avec pour seul
secours l'atrocité d'un Dieu de
l'épouvante éternelle. Voici le Dieu
barbare que nous nous mettons sur les
bras et qui s'englue dans la torture.
Nous nous le fabriquons sitôt que nous
nous le construisons à notre "image et
ressemblance".
Le 8 avril 2016
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