Decodage
anthropologique de l'histoire
contemporaine
La religion de
la liberté et l'impérialisme américain 2
Esquisse d'une psychanalyse de
l'inconscient théologique de la
démocratie
Manuel de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Vendredi 4 juillet 2014
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1 - La dictature
angélique
2 - La légitimation du prédateur
et l'effondrement du droit
international
3 - La France aux yeux crevés
4 - La France sous le fouet
5 - L'expérience chrétienne et
le marxisme
6 - Trois métazoologues en
vadrouille
7 - Mme Mireille Delmas-Marty
8 - Une religion carnassière
9 - Les cambrioleurs de Dieu
10 - Le Dieu de la terreur du
monde
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1 - La dictature
angélique
En 2014, on avait
oublié le programme monétaire de l'"Allied
military government for occupied
territories" de 1944,
(Gouvernement militaire allié pour les
territoires occupés) qui devait diriger
la France au fur et à mesure que les
armées de la Liberté progresseraient sur
son sol.
Voir :
Le mythe de la liberté et
l'impérialisme démocratique 1,
Réflexions sur l'inconscient religieux
de la politique mondiale
Le vainqueur avait
massivement imprimé la fausse monnaie
qui aurait cours sur le territoire de la
Gaule asservie. Les billets, habilement
libellés en francs, avaient été
fabriqués par tonnes aux États-Unis dès
le mois de février 1944. On mesure la
titanesque méconnaissance des lois de
l'histoire et de la psychologie des
peuples à laquelle les Etats-Unis ont
été conduits par leur obsession de
couper le cordon ombilical qui s'entête
à les raccorder à la civilisation du
péché dans laquelle le reste de
l'humanité demeure plongée: il aura
suffi de deux siècles pour que la classe
dirigeante de l'Eden du Beau, du Juste
et du Bien aille se lover sur une autre
planète. Pas un cerveau issu des
universités pré-adamiques de la nouvelle
innocence n'a su expliquer à Franklin
Roosevelt l'évidence qu'aucun
gouvernement français ne serait en
mesure de placer la population sous le
joug d'une vassalisation par le
Bureau of Engraving and Printing
américain. Jamais les envahisseurs
d'autrefois, les Huns, les Burgondes et
les Wisigoths n'auraient songé à imposer
un joug aussi puissant à un empire
romain pourtant mourant.
Mais ce fut avec la
candeur d'Abel le Juste que, deux jours
seulement avant le 6 juin 2014, le
Président des Etats-Unis avait tenté, au
sommet du G8-1 de Bruxelles,
d'évangéliser l'une après l'autre la
France, l'Allemagne, l'Italie et la
Grande Bretagne et de les convaincre de
mettre le pécheur Vladimir Poutine en
pénitence au cours des cérémonies
commémoratives du soixante dixième
anniversaire du débarquement.
Naturellement, sitôt sur place, ce fut
autour du Président russe que les Etats
d'une repentance avortée, au nombre de
dix-neuf, se sont empressés. Ils
s'étaient donné le mot pour voler ses
ailes de séraphin au souverain du
Nouveau Monde, qui s'est trouvé empêché
de mettre en scène la prééminence
apostolique qu'il avait solennellement
étalée à Johannesburg quelques mois
auparavant à l'occasion des funérailles
messianisées de M. Nelson Mandela.
2 - La
légitimation du prédateur et
l'effondrement du droit international
Huit jours
seulement après le raté confessionnel du
6 juin 2014, Le Monde
révélait que l'Elysée avait capitulé en
catimini et sans l'avouer à personne.
L'Etat légitimait secrètement l'hérésie
diplomatique - elle sera confirmée le
1er juillet - selon laquelle tous les
peuples de la terre se soumettraient
docilement à la juridiction doctrinale
qu'exercerait dorénavant le droit
national américain. La BNP ayant
entretenu des relations d'affaires
libellées en dollars avec trois Etats
censés souverains, le Soudain, Cuba et
l'Iran, la "Justice" américaine
entend infliger à la banque française
une amende de neuf milliards de dollars.
Le 1er juillet, la presse et la radio
transmettaient de larges extraits du
réquisitoire du Procureur général
américain. Le 1er juillet, Mireille
Delmas-Marty, professeur honoraire au
Collège de France, ironisait dans
Le Monde: "Le droit
américain n'a pas vocation à régner sur
le monde …sauf quand la vision
américaine du monde est concernée."
Et maintenant,
c'était au nom de l'universalité d'un
mythe de la Liberté motorisé au profit
d'un empire que la France de Montesquieu
valide subrepticement le principe de la
damnation de la planète des pécheurs;
c'est le peuple souverain de 1789 qui
plaide auprès de son maître pour un
geste de bienveillance de la part du
propriétaire de l'escarcelle des
idéalités. Les héritiers de Valmy se
trouvent réduits au rang de pieux
majordomes du vassalisateur de la
Démocratie mondiale. L'heure de
pardonner aux sans-culotte n'avait-elle
pas sonné? Pourquoi ce retard? Quatre
décennies de dévotions des maîtres
d'hôtel de la France n'avaient-elles pas
suffi pour rentrer en grâce auprès du
dompteur angélique? N'y comptez pas,
séraphins ! Maintenant le procureur de
tel ou tel des " Etats " microscopiques
- et privés de la souveraineté - qui
composent la puissante fédération des
Etats-Unis d'Amérique se voit autorisé à
fouler aux pieds le droit local des
derniers survivants de la parenthèse
gaullienne.
Lorsque M. Barack
Obama avait publiquement menacé M.
Hollande de lui verser une "tonne
de briques" sur la tête s'il
s'avisait de signer des contrats avec
l'Iran - ce grand Etat se trouvait sur
la liste des excommuniés de l'empire,
aux côtés de Cuba et du Soudan - le
Président de la République française,
alors en visite officielle aux
Etats-Unis, n'avait pas fait entendre le
moindre grommellement sous une telle
insulte à son pays.
3 - La France aux
yeux crevés
Mais voyez combien,
sous des dehors apparemment humiliants
pour les dernières raideurs de nos
échines, le 6 juin 2014 a changé en
douce les cartes de la dignité et du
rang de la France; jusqu'alors, on
observait les initiatives diplomatiques
avortées de l'Elysée sur la scène
internationale avec des maugréements à
peine irrités ou des haussements
d'épaules impatients, et maintenant on
regarde sans colère et en connaisseurs
désillusionnés comment l'histoire s'y
prend pour façonner la taille de ses
vrais et de ses faux serviteurs. Le
Général de Gaulle avait illustré en
pleine lumière la dignité et le rang
qu'un vrai chef d'Etat confère à sa
nation, même vaincue. Ses successeurs se
voient dessinés en garçons coiffeurs
calamistrés sur la scène internationale.
Désormais, une
foule de citoyens ont rangé leurs ailes
d'angelots au placard et sont devenus
des spectateurs tranquilles d'une France
aux yeux crevés. Une élite nouvelle juge
froidement et sans fureur affichée dans
la rue un chef de l'Etat indigne de
leurs espérances. S'ils avaient gardé
l'espoir de redresser l'épine dorsale de
l'Etat post-gaullien, ils se tiendraient
désormais pour des naïfs inguérissables
: ils ont compris qu'un homme politique
né inapte à exercer la plus haute
fonction qu'un Etat puisse confier à un
citoyen ne changera jamais de calibre
sur les planches où l'histoire l'aura
placé par inadvertance.
Dorénavant des
Français mûris par l'expérience de
l'adversité qui frappe leur nation se
contenteront de nourrir le dossier de
l'invalidation d'un chef d'Etat élu à la
suite d'un fâcheux concours de
circonstances. Puisque, de son côté, la
France a obtenu de Washington une légère
réduction de peine en échange de la
légitimation de l'exercice arbitraire
d'une juridiction étrangère sur son sol,
la France citoyenne, de son côté, ne
s'en fâche plus sur les places publiques
- elle aura mieux à faire qu'à vociférer
vainement - parce qu'elle saura combien
la balance à peser la souveraineté des
peuples juge au-dessous de la suprématie
des grands Etats de se venger de la
petitesse d'esprit d'un valet - elle
exercera seulement ses prérogatives
naturelles sur les laquais au service de
l'étranger sur son territoire.
4 - La France
sous le fouet
Comment, dit la
France "des armes et des lois",
un Etat de droit se remettrait-il du
désastre d'avoir sacrifié la lettre et
l'esprit du jus gentium à une
diminution condescendante du montant
d'une "amende" illégale par
nature? Quel est le prix d'achat de
l'anéantissement du droit public dans
l'esprit des nations civilisées? Si un
vassal supplie son maître d'alléger des
coups de bâton dont il confesse le
bien-fondé et s'il invoque "l'équité"
d'un tyran armé de son gourdin, il donne
force de loi à la "peine"
corporelle qui lui est infligée,
puisqu'il n'en conteste plus
l'arbitraire, mais seulement le montant.
Voici la France des héritiers du Général
de Gaulle convertie à l'enseignement des
juristes d'un Coran musclé, qui ne
condamnent pas la peine du fouet, mais
seulement le nombre de coups que subira
une carcasse et qui triomphent à la
barre d'afficher leur vassalité
judiciaire, celle d'avoir obtenu un
dosage réduit de la mise à la torture
bien méritée de leur charpente. Mais un
Etat souverain n'achète pas sa
philosophie de la Justice sous le fouet
du bourreau.
Le peuple français
commence d'enfanter des citoyens
informés des lacis de la jungle. Ceux-là
savent que les lois de la brousse ont
seulement changé de vêtements. Ils ont
découvert qu'une nation ne règne plus
sur une autre avec des piques, de
hallebardes et des grenadiers, mais avec
des signes et des emblèmes de sa
grandeur ou de sa honte. L'OTAN règne
seulement d'aligner des baudriers aux
frontières de la Russie - c'est
l'habillage de quelques gardes en
uniformes qui insulte une grande nation,
c'est l'effigie de la pleutrerie
internationale qui illustre la vassalité
d'une Europe tremblante.
5 - L'expérience
chrétienne et le marxisme
Et pourtant, le
coup de semonce du 6 juin 2014 portera
ses fruits. La preuve en est que, dès le
11 juin 2014, Mme Susan Rice,
Conseillère militaire du Président des
Etats-Unis cédait à l'urgence
diplomatique de rappeler à la face du
monde que les Etats-Unis avaient "mérité
leur position sans égale dans le monde
pour l'avoir, durant plusieurs
décennies, dirigé avec sagesse".
Car, ajoutait-elle "aucune autre
nation ne rivalise avec les fondements
inébranlables de notre puissance. Notre
force militaire n'a pas d'équivalent sur
la terre, notre réseau d'alliances fait
de nous une nation vers laquelle le
monde se tourne quand nous sommes défiés
par des provocateurs. Le rôle dirigeant
des Etats-Unis demeurera central et sans
concurrence." Mais, dans le même
temps, les peuples doivent "prendre
leur part à la sécurité" du monde,
parce que "l'Amérique ne parvient
plus à assurer seule la police de
l'univers". Quand un empire se
résigne à afficher sur le mode oratoire
son invincibilité tant physique que
doctrinale et appelle ses vassaux à
secourir sa voix affaiblie, c'est qu'il
court à la ruine en vêtements d'apparat.
Les funérailles du
sauveur sont désormais programmées: en
1949, il était relativement rationnel
d'inonder l'Europe de bases militaires
et d'ogives nucléaires réputées
salvatrices, puisqu'il n'était nullement
absurde de prévoir qu'une mythologie
politique crépusculaire s'emparerait de
l'encéphale délirant de l'humanité - une
ultime utopie évangélique déclencherait
la même prosternation universelle que le
mythe de la Croix vingt siècles
auparavant. Mais comment élever les
retrouvailles légitimes de la Russie
capitaliste avec le port de Sébastopol
au rang d'une menace sotériologique,
eschatologique et parareligieuse?
L'Amérique est passée du rang d'un
messie rédempteur à celui d'un empire en
expansion militaire banalisée - mais
c'est retourner à l'âge de la massue et
du gourdin que de rebrousser chemin d'un
siècle et demi et de revenir à
l'expédition de Crimée de Napoléon III
en 1856.
Déjà, tous les
lundis et dans plus de cent villes
allemandes, des manifestations
populaires proclament: "Soixante-dix
ans d'occupation, ça suffit. US go home."
Une première marche sur Berlin aura lieu
le 27 juillet. Même les Bâlois s'y
mettent. Seule la presse française
laisse la nation dans l'ignorance des
signes avant-coureurs de la chute
inéluctable de l'empire américain.
6 - Trois
métazoologues en vadrouille
En vérité, je crois
connaître un secret d'Etat: trois
métazoologues avertis se promènent dans
les couloirs du Quai d'Orsay. Ce sont
eux qui ont convaincu - mais pour
quelques heures seulement - un Président
de la République qui ne comprend goutte
aux lois qui pilotent le destin des
empires de rappeler les bombardements
aveugles de la population normande par
l'aviation américaine en 1944. Le bilan
de ces massacres s'était élevé à quelque
vingt mille morts, et, depuis
soixante-dix ans, tout le monde faisait
silence sur des à-côtés aussi
subalternes.
Mais, le 5 juin
2014, la reine d'Angleterre débarquait
en France pour une visite d'Etat de
trois jours - la date en avait été
choisie avec le plus grand soin. Après
s'être acquittée, à l'arc de triomphe,
du devoir traditionnel des souverains
étrangers de rendre hommage au soldat
inconnu, Elisabeth II descendait les
champs Elysées aux côtés du chef de
l'Etat. Elle seule bénéficiait, dans
l'ordre des solennités du protocole de
cour que les démocraties elles-mêmes ont
officiellement adoptées, d'un rang
supérieur dis-je, à celui du cinquième
successeur de Jimmy Carter.
C'était à l'armure
mentale et parareligieuse de la
sotériologie démocratique que la pompe
royale faisait prendre une direction
nouvelle, ce qui démontrait à nouveau,
s'il en était encore besoin, que le
véritable enjeu de la guerre des images,
celui des dentelles et des rubans dont
se pare le salut démocratique, n'est
autre que le maniement des hochets et
des symboles que le mythe de la Liberté
met en scène et dont les républiques
enferment le trésor conceptuel dans le
temple de la sotériologie verbale des
modernes.
Du coup, le champ
de bataille de la catéchisation lexicale
sur laquelle se joue la parure
confessionnelle du monde n'est plus,
comme il est dit plus haut, celui des
affrontements armés entre des mécaniques
militaires devenues obsolètes sous le
ciel sanglant de trois monothéismes,
mais entre les paradis mentaux d'un
livre d'images colorié à l'usage des
enfants. Le mythe du salut que prêche
une Liberté de type eschatologique ne
cesse de se diviser entre des trônes
doctrinaux en rivalité entre eux, des
capitales verbifiques confuses, des
royaumes du langage agrémentés de
figures d'une rhétorique de la
délivrance du monde.
7 - Madame
Mireille Delmas-Marty
Depuis 1944, la
Liberté incantatoire - donc de type
sotériologique, tant par nature que par
définition - avait valorisé les
invocations messianiques de la
démocratie auréolée de ses idéalités,
mais au seul profit d'une Maison Blanche
élevée au rang de rédemptrice
surnaturelle du monde. Ce royaume des
nourrissons d'une Démocratie miraculée
par son auto-sanctification se
retrouvait entre les mains d'une Europe
encore démantelée dans l'ordre
politique, mais déjà forte de l'appui
juridique de la Chine, de la Russie, du
Japon, de la Corée du Sud, qui ont pris
la décision de renoncer au règne
unilatéral du dollar dans leurs échanges
commerciaux entre eux. Entre une Europe
encore asservie à Washington et une
Russie à nouveau en ascension, le "pacte
d'acier" du XXIe siècle est
désormais signé dans les têtes.
Dans ce contexte,
la contre-offensive proposée par Mme
Mireille Delmas-Marty, citée plus haut,
est sans doute la plus pragmatique et
d'une belle cohérence juridique- mais le
droit n'est jamais que l'expression d'un
rapport des forces politiques - et ce
rapport renvoie à une philosophie de la
condition humaine.
Qu'est-ce à dire?
Qu'en est-il de l'universalité nouvelle
de la pensée rationnelle dont l'Europe
devra accoucher ? Il faudra bien que le
christianisme se confère une autre
ubiquité que celle de sa théologie. Du
reste, le pape François lui-même a dû
renoncer à l'entreprise de faire réciter
à l'intention d'une divinité censée
solitaire la prière commune que MM.
Peres, Abbas, le patriarche orthodoxe et
lui-même auraient saintement prononcée
en commun dans les jardins du Vatican le
8 juin 2014, parce qu'une oraison
adressée à un ciel unifié dans l'ordre
spirituel aurait posé des problèmes
théologiques insolubles aux quatre Dieux
farouchement individualisés et tout
artificiellement proclamés se fondre en
un seul; il a fallu se résigner à
recourir à une simple "invocation
collective", mais seule jugée
audible à un Zeus morcelé et dur
d'oreilles. Comment articuler entre eux
des monothéismes aux théologies
incompatibles entre elles, alors que la
mondialisation d'une Démocratie
faussement séraphique et auréolée
d'abstractions résolument ennemies du
surnaturel n'est pas près de conduire à
la mondialisation d'un chœur de dogmes
que tiendrait d'une main ferme une
doctrine ecclésiale logicisée.
Mais si ni la
théologie, ni la science juridique
actuelle ne sont de taille à lutter
contre la vassalisation de l'Europe,
quel est le défi cérébral à relever?
8 - Une religion
carnassière
Naturellement, la
résistance féroce des Etats-Unis à
l'abaissement de leur sainteté politique
et à la dépossession de leur
sotériologie impériale se prolongera
longtemps encore; mais le XXIe siècle
fait courir le mythe du salut politique
dans une direction nouvelle et
irréversible. Plus question
d'évangéliser des abstractions
verbifiques. Le déclencheur de
l'inversion cérébrale de la course des
armes et des songes va se révéler le
détonateur d'une révolution plus secrète
de l'intelligence politique mondiale,
celle d'une anthropologie ennemie des
politologies fétichisées par le droit.
En vérité, cette mutation méthodologique
de la raison politique progressait
depuis un demi-siècle au sein des
phalanges d'avant-garde de la
métazoologie.
D'un côté, une
scolastique greffée sur le concept
universel de Liberté demeurera, pour
longtemps encore, hélas, l'axe central
et l'emblème d'une démocratie
théologisée en sous-main et à l'échelle
planétaire par son lexique messianisé.
Mais, de l'autre, l'analyse du contenu
psycho-politique de cette mythologie
mettra en lumière l'inconscient
religieux qui pilote le mythe d'une
Liberté abstraite et conduira à une
connaissance concrète de la planète du
sacré. La métazoologie spectrographie
l'animalité spécifique de la bête
cérébralisée par les divinités
semi-animales que sécrètent ses
neurones. Mais, alors que l'expansion
territoriale du rêve du salut avait
recouru au tranchant des glaives et au
fil de l'épée des chrétiens, les armes
hyper mécanisées du monde moderne sont
devenues inutilisables depuis Hiroshima.
Le champ de bataille des armes
traditionnelles de la sanctification de
la mort demeurera-t-il désert? Nenni: le
nouveau théâtre de la glorification du
trépas guerrier sera celui des batailles
économico-juridiques. La guerre d'Irak
de 2003 a fait cinq cent mille cadavres
d'enfants et de nourrissons.
Interrogée sur
l'adéquation du montant de cette pieuse
facture aux résultats positifs obtenus
sur le terrain de l'histoire et de la
mort, Mme Albright, ancienne Secrétaire
d'Etat, a estimé que ce sacrifice dévot
en valait la peine - la pendaison légale
d'un tyran est toujours civilisatrice.
La famine moderne engrangera demain les
carnages sacrés d'une nouvelle politique
universelle, celle de la morale
démocratique messianisée par un
Département d'Etat meurtrier.
On voit que
l'approfondissement de la
simianthropologie conduit à la
connaissance des relations que
l'impérialisme juridico-américain
entretient avec la barbarie et qu'il
s'agit de l'avenir cérébral de la
civilisation mondiale. Mais, alors
seulement, la vie ascensionnelle de la
conscience universelle connaîtra un
nouvel élan trans-sépulcral. Car, chez
les Grecs déjà, les dieux stomacaux du
polythéisme avaient été dénoncés comme
des animaux gigantifiés par leur ventre.
Il n'y avait pas de raison que la
mystique chrétienne ne poursuivît pas
l'analyse anthropologique de l'animalité
carnassière et de la cruauté infernale
des trois dieux proclamés uniques,
puisqu'ils se civilisent lentement et
seulement peu à peu depuis le Déluge et
que les progrès moraux de ces monarques
universels de leur propre férocité
demeurent entrecoupés de terribles
rechutes. Mais quel territoire
intellectuel ouvert à l'humanisme
fondateur d'un "connais-toi" en mesure
de radiographier l'animalité spécifique
du Dieu des tortures et de mettre sa
bestialité en parallèle avec celle de
l'histoire universelle!
9 - Les
cambioleurs de Dieu
Dans un premier
temps, la bombe atomique avait paru
délivrer les Etats des bandelettes qui
paralysaient leurs fulminations
ridiculement mécaniques et construites
sur le modèle de la dissuasion
apocalyptique des religions. Depuis les
Grecs, l'Olympe proclamait que la "sagesse
commence avec la peur des dieux". Ce
serait donc, pensait-on, à l'instar des
trois terroristes d'un ciel sous-tendu
par une chambre des tortures qu'un seul
Etat devenu meurtrier à l'échelle
biblique, donc privé de tout rival de
ses crocs, allait régner à la faveur
d'une épouvante plus universelle et plus
salutaire que jamais - celle d'un
souverain dont l'éthique serait calquée
sur un renouvellement de la sainteté
multiséculaire des empires infernaux.
Mais le contraire
s'est trouvé démontré: qu'est-ce qu'une
dissuasion désormais servie par une
explosion proclamée terminale, et conçue
sur le même modèle de l'auto-propulsion
vertueuse que celui des religions
vengeresses, sinon la preuve indirecte,
mais irréfutable, de ce que Dieu, s'il
existait - au sens animal que les
théologiens donnent encore à ce vocable
- ne disposerait de l'arme de la mort
universalisée qu'à une seule condition,
mais irréalisable: qu'ils en mettraient
farouchement le monopole à l'abri des
malandrins spécialisés dans le
cambriolage des arsenaux du ciel.
Si par malheur,
huit co-propriétaires, tous meurtriers
de naissance, arrachaient à Zeus la
sainte prérogative d'un assassin absolu,
il aurait bonne mine, le pauvre, de se
trouver à la merci d'une effraction
profanatrice de sept rivaux de sa
foudre! C'est ce qui est arrivé aux
vantards qui se partagent le secret de
leur piteuse auto-pulvérisation
réciproque. Mais voyez comme ils sont de
mèche pour cacher au monde entier le
ridicule de la foudre et des châtiments
du ciel collectif qu'ils sont devenus à
eux-mêmes, voyez comme ils dissimulent
que chacun d'eux a perdu en route
l'exclusivité des apanages et de la
pavane du massacreur glorifié des
origines. Que faire d'un Dieu dévalisé
et métamorphosé en détonateur du suicide
de tous les dieux uniques?
10 - Le Dieu de
la terreur du monde
Mais pourquoi juger
blasphématoire de démontrer l'absurdité
de la dernière massue du ciel des
magiciens, sinon parce que le capital
psychogénétique de la bête ensorcelée
par ses propres sortilèges demeure
branché sur vingt siècles des gourdins
de l'absolu - ceux de la fournaise
verbale qui sanctifie encore dans les
têtes les souterrains enflammés d'un
exterminateur adoré. On ne saurait à la
fois nier l'existence du Dieu des tueurs
qu'une espèce meurtrière s'est
nécessairement donné à son "image et
ressemblance" et ne pas conduire par la
main un Prométhée plus décidé que le
précédent à radiographier les ardeurs
crématoires d'un personnage céleste
calqué sur l'histoire du cerveau de la
bête pseudo cogitante.
Mais si vous ne
visitez pas les souterrains simio-anthropologiques
du droit international actuel, si votre
science juridique et votre radiographie
de la bête théologisée demeurent en
panne d'une vision entière de la
condition simiohumaine, comment l'Europe
de la pensée aurait-elle encore quelque
chance face à son vassalisateur
"démocratique" et à sa mythologie de la
vocation planétaire et apostolique du
droit américain?
Par bonheur, le
seul animal épouvanté d'habiter l'infini
se voit désormais contraint de regarder
en face la machine de la mort montée sur
les ressorts du fabuleux et du
fantastique que le mythe mondial de la
Liberté met en scène. L'évolution
malencontreuse de la bête a rendu la
cervelle des détoisonnés prisonnière de
la simiohumanité de leur idole des
bûchers. Impossible à l'humanité de fuir
plus longtemps le spectacle de son
écartèlement infernal dans le miroir des
tortures où son saint exterminateur lui
renvoie sa propre image, celle du Dieu
de l'effroi des vivants et des morts.
Puisse le
réquisitoire d'un petit procureur
américain qui a cité la France et
l'Europe à la barre du Dieu sans tête de
l'Amérique ouvrir les yeux d'une
civilisation sur la superficialité de
son "connais-toi" et sur la nécessité de
boire la ciguë ressuscitative de la
pensée rationnelle.
Reçu de l'auteur pour publication
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