L'art de la guerre
L’axe secret USA-Arabie Saoudite
Manlio Dinucci

Mardi 26 janvier 2016
Nom de code « Timber Sycamore » : ainsi
s’appelle l’opération d’armement et
entraînement des « rebelles » en Syrie,
« autorisée secrètement par le président
Obama en 2013 ». C’est ce que documente
une enquête publiée dimanche par le
New York Times.
Quand elle a été chargée par le président d’effectuer cette
opération couverte, « la Cia savait déjà
qu’elle avait un partenaire disposé à la
financer : l’Arabie Saoudite ». Avec le
Qatar, « elle a fourni des armes et
divers milliards de dollars, tandis que
la Cia a dirigé l’entraînement des
rebelles ». La fourniture d’armes aux
« rebelles » y compris des « groupes
radicaux comme Al Qaeda », avait
commencé l’été 2012 quand, à travers un
réseau disposé par la Cia, des agents
secrets saoudiens avaient acheté en
Croatie en Europe orientale des milliers
de fusils d’assaut Ak-47 avec des
millions de projectiles et que des
Qataris avaient infiltré en Syrie, à
travers la Turquie, des missiles
portables chinois Fn-6 achetés sur le
marché international. Comme la
fourniture d’armes arrivait en roue
libre, à la fin de 2012 le directeur de
la Cia David Petraeus convoquait les
alliés en Jordanie, en leur imposant un
contrôle plus étroit de la part de
l’Agence sur l’ensemble de l’opération.
Quelques mois plus tard, au printemps
2013, Obama autorisait la Cia à
entraîner les « rebelles » dans une base
en Jordanie, et dans une autre au Qatar,
et à leur fournir des armes dont des
missiles antichars Tow. Toujours avec
les milliards du « plus grand
contributeur », l’Arabie Saoudite. Pas
nouvelle dans ce genre d’opérations.
Dans les années 70 et 80, celle-ci aida la Cia dans une série
d’opérations secrètes. En Afrique,
notamment en Angola où, avec les
financements saoudiens, la Cia soutenait
les rebelles contre le gouvernement
allié de l’URSS. En Afghanistan, où
« pour armer les moujahiddines contre
les Soviétiques, les Etats-Unis
lancèrent une opération d’un coût annuel
de plusieurs centaines de millions de dollars, que les
Saoudiens payèrent dollar par dollar par
un compte de la Cia dans une banque
suisse ». Au Nicaragua, quand
l’administration Reagan lança le plan
secret pour aider les contras, les
Saoudiens financèrent l’opération de la
Cia avec 32 millions de dollars par
l’intermédiaire d’une banque des Iles
Caïman. Par ces opérations et quelques
autres, secrètes, jusqu’à celle actuelle
en Syrie, s’est cimentée « la longue
relation entre les services secrets des
Etats-Unis et de l’Arabie Saoudite ».
Malgré le « rapprochement diplomatique »
de Washington avec l’Iran, non apprécié
à Riad, « l’alliance persiste, maintenue
à flot sur une mer d’argent saoudien et
sur la reconnaissance de leur intérêt
mutuel ». Cela explique pourquoi « les
Etats-Unis sont réticents à critiquer
l’Arabie Saoudite sur la violation des
droits humains, le traitement des femmes
et le soutien à l’aile extrémiste de
l’Islam, le wahhabisme, qui inspire de
nombreux groupes terroristes », et
pourquoi « Obama n’a pas condamné
l’Arabie Saoudite pour la décapitation
de Cheikh Nimr al-Nimr, le dissident
religieux chiite qui avait défié la
famille royale ».
S’y ajoute le fait, dont le New York Times ne parle pas, que le
secrétaire d’Etat John Kerry, en visite
à Riad le 23 janvier, a réaffirmé que
« au Yémen où l’insurrection Houthi
menace l’Arabie saoudite, les USA sont
aux côtés de leurs amis saoudiens ». Les
amis qui depuis presque un an massacrent
les civils au Yémen, en bombardant même
les hôpitaux, aidés par les USA qui leur
fournissent du renseignement
(c’est-à-dire en indiquant les objectifs
à toucher), des armes (dont des bombes à
fragmentation) et un soutien logistique
(dont l’approvisionnement en vol des
chasseurs bombardiers saoudiens). Ces
mêmes amis que le premier ministre Renzi
a officiellement rencontré en novembre
dernier à Riad, en leur garantissant le
soutien et les bombes de l’Italie dans
la « lutte commune contre le
terrorisme ».
Edition de mardi 26
janvier 2016 de il manifesto
http://ilmanifesto.info/lasse-segreto-usa-arabia-saudita/
Traduit de l’italien par
Marie-Ange Patrizio
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