L'art de la guerre
Obama à l'Onu relance la
« guerre mondiale au terrorisme »
Manlio Dinucci
Photo:
D.R.
Mardi 23 septembre 2014
A la 69ème session de
l’Assemblée générale des Nations Unies,
qui s’ouvre aujourd’hui à New York sous
sa présidence, le président des
Etats-Unis Obama demain 24 septembre
«battra le rappel du monde entier contre
la menace de l’Isis ». Immédiatement
après le même Obama présidera une
réunion spéciale du Conseil de sécurité,
qui devrait approuver une résolution
présentée par les Etats-Unis.
D’après
ce qu’on peut lire dans l’ébauche qui a
circulé il y a quelques jours grâce à
l’agence de presse Reuters, la
résolution se centre sur un aspect
spécifique de la campagne contre
l’ « Etat islamique de l’Irak et de la Syrie » : obliger tous les
pays à « prévenir et supprimer le
recrutement, l’organisation, le
transport et l’équipement d’individus
qui se rendent dans d’autres Etats pour
planifier, préparer ou effectuer des
actes terroristes, ou pour fournir ou
recevoir un entraînement terroriste et
des financements pour ces activités ».
Sur la base du chapitre 7 du Statut des
Nations Unies, le Conseil de sécurité
aurait l’autorité d’adopter des mesures
pour obliger les Etats à suivre ce qui
est établi par la résolution.
La résolution serait partageable, si
elle ne constituait pas le passe-partout
avec lequel les Etats-Unis essaient
d’obtenir le cachet de l’Onu pour leur
plan stratégique, formellement centré
sur la lutte contre l’ « Etat islamique
de l’Irak et de
la Syrie ». Si la
résolution était réellement appliquée,
les premiers contre qui le Conseil de
sécurité devrait adopter des sanctions
et autres mesures seraient justement les
Etats-Unis.
Comme
il a déjà été amplement documenté, ce
sont les Etats-Unis et leurs alliés
majeurs dans l’Otan, qui ont financé,
armé et entraîné en Libye en 2011 les
groupes islamistes définis jusque peu de
temps auparavant comme terroristes,
parmi lesquels les premiers noyaux du
futur Isis ; qui les ont approvisionnés
en armes à travers un réseau organisé
par la Cia (documenté par une enquête du New York
Times, voir il manifesto du
27 mars 2013[1])
quand, après avoir contribué à renverser
Kadhafi, ils sont passés en Syrie pour
renverser Assad ; ce sont encore les
Etats-Unis et l’Otan qui ont facilité
l’offensive de l’Isis en Irak (au moment
où le gouvernement al-Maliki s’éloignait
de Washington, et se rapprochait de
Pékin et de Moscou), en leur
fournissant, sur la base d’un plan
certainement coordonné par la Cia, des financements, armes et
voies de transit à travers l’Arabie
saoudite, le Qatar, le Koweït, la Turquie et la Jordanie. Selon
des fonctionnaires du renseignement
interviewés par le New York Times,
il y a en Syrie et Irak environ 15mille
combattants étrangers provenant de 80
pays, parmi lesquels plus de 2mille
Etasuniens et Européens.
Si la résolution était réellement
appliquée, le premier homme politique
contre qui le Conseil de sécurité
devrait prendre des dispositions serait
le sénateur étasunien John McCain qui, à
la demande de l’administration Obama, a
rencontré en Syrie en mai 2013 le chef
de l’Isis, Ibrahim al-Badri, aujourd’hui
connu sous le nom de bataille d’Abu Bakr
al-Baghdadi (voir photo sur Réseau
Voltaire septembre 2014[2]).
Comme la résolution laisse chaque
Etat libre d’établir quels sont les
groupes terroristes à combattre, son
approbation à l’unanimité, y compris par
la Russie et
la Chine, est donnée
comme probable. De cette façon,
cependant, les Etats-Unis auraient de
fait les mains libres pour lancer la
« guerre mondiale contre le terrorisme
version 2.0 » qui, apparemment centrée
sur l’Isis, vise à la destruction
complète de la Syrie, jusqu’ici empêchée par
la médiation russe en échange du
désarmement chimique de Damas, et à la
réoccupation de l’Irak. Par exemple, en
invoquant la résolution du Conseil de
sécurité, les USA pourraient bombarder
une base gouvernementale en Syrie, en
assertant avoir les preuves que c’est un
centre d’entraînement de terroristes.
Tout ceci entre dans la stratégie
de l’ « empire américain d’Occident »
qui, perdant du terrain sur le plan
économique et politique face à la Chine et à d’autres puissances émergentes ou
ré-émergentes –avant tout
la Russie, contre qui
Usa et Otan ont lancé en Europe une
nouvelle guerre froide- jette sur le
plateau de la balance l’épée de la
supériorité militaire, en visant
au-delà : l’Iran et, dans la région
Asie/Pacifique,
la Chine
même. Source de profits utile pour les
multinationales étasuniennes et
européennes, mais en même temps redoutée
parce que, en s’accordant avec la Russie, elle peut créer une
puissance eurasiatique en mesure de
contrecarrer la superpuissance
étasunienne et, en général, le rôle
dominant de l’Occident.
Edition de mardi 23 septembre 2014 de
il manifesto
Publié sous le titre Contro
l’Isis Obama cerca il timbro dell’Onu
http://ilmanifesto.info/contro-lisis-obama-cerca-il-timbro-dellonu/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[1]
Voir « Pont
aérien de la CIA pour armer les
"rebelles" »
sur les sites publiant la
rubrique
L'art de
la guerre.
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