Monde
Le « bouclier » pour la nouvelle guerre
froide
Manlio Dinucci
Jeudi 20 mars 2014
Visite éclair du vice-président Joe
Biden en Pologne et en Estonie, pour
assurer que, face à l’ « incursion
militaire russe effrontée» en Ukraine
–pays décidé à construire « un
gouvernement au service du peuple »
(garanti par les néonazis arrivés au
pouvoir par le coup d’Etat du nouveau
Gladio)- les Etats-Unis réaffirment leur
inébranlable engagement
à se conformer à l’article 5 du
Traité nord-atlantique pour la « défense
collective ». Comme l’Ukraine est
aujourd’hui de fait mais non
officiellement membre de l’OTAN, il y a
toujours le « non-article 5 », qui
engage les pays membres à « mener des
opérations de riposte aux crises non
prévues par l’article 5 ». Lancé avec la
contribution du gouvernement D’Alema
pendant la guerre OTAN contre la Yougoslavie en 1999, et
appliqué aussi aux guerres en
Afghanistan, Libye et Syrie.
Pour que « l’OTAN émerge de cette
crise plus forte que jamais, les
Etats-Unis réaffirment leur engagement
pour la « défense missilistique » de
l’Europe. En corrélant la « défense
missilistique » à la crise ukrainienne,
Joe Biden découvre cependant son jeu. A
Washington on avait toujours assuré que
le « bouclier » étasunien en Europe
n’est pas dirigé contre la Russie, mais contre la
menace des missiles iraniens. A Moscou
on l’a toujours considéré, par contre,
comme une tentative de prendre un
avantage stratégique décisif sur la Russie : les USA pourraient
tenir celle-ci sous la menace d’un
first strike nucléaire, en se fiant
à la capacité du « bouclier » de
neutraliser les effets de représailles.
Le nouveau plan lancé par le président
Obama prévoit, par rapport au précédent,
un nombre plus important de missiles
adossés au territoire russe. Comme ce
sont les Etats-Unis qui les contrôlent,
personne ne peut savoir si ce sont des
intercepteurs ou des missiles
nucléaires.
Ayant refusé la proposition de
cogérer avec la Russie le radar de Qabala en
Azerbaïdjan, les Etats-Unis ont commencé
à construire en Pologne le site où
seront installés 24 missiles SM-3 du
système Aegis. De plus le gouvernement
polonais s’est engagé à dépenser plus de
30 milliards d’euros pour réaliser (avec
des technologies étasuniennes) son
propre « bouclier » à intégrer à celui
des USA/OTAN. Et Joe Biden fait les
louanges de la Pologne pour avoir pris à
son compte «une partie de la charge
financière, chose que tous les alliés
devraient faire » (l’Italie est
avertie). Un autre site de 24 missiles
SM-3, en construction dans la base
aérienne de Deveselu en Roumanie,
deviendra opérationnel en 2015 et sera
géré par 500 militaires étasuniens. Ces
installations missilistiques sont
intégrées par un radar superpuissant
installé en Turquie et par des radars
mobiles qui peuvent être rapidement
déployés en « position avancée ».
Le « bouclier » comprend aussi le
déploiement en Méditerranée de navires
de guerre dotés de radars Aegis et de
missiles SM-3. Le premier, le torpilleur
lance-missiles USS Donald Cook, est
arrivé début février dans la base navale
de Rota en Espagne, où vont être
transférés 1200 marins et 1600 personnes
de leurs familles. Il sera suivi par
trois autres unités (USS Ross, USS
Porter et USS Carney). Il est probable
que leur nombre sera augmenté, puisque
l’US Navy a déjà environ 30 navires de
ce type. Ils patrouilleront
continuellement en Méditerranée, prêts à
tout moment à entrer en action, en
menant en même temps –informe l’OTAN-
« toute la gamme d’opérations de
sécurité maritime et de manœuvres
bilatérales et multilatérales avec les
marines alliées ». La marine espagnole
dispose déjà de fait de quatre frégates
dotées du système intégré de combat
Aegis, qui les rend
inter-opérationnelles avec les navires
étasuniens. La même chose devra être
faite avec les frégates Fremm de la
marine militaire italienne. Un rôle
d’importance croissante dans le
« bouclier » sera joué par les
commandements et par les bases USA/OTAN
en Italie : à Naples, où sont les
quartiers généraux des forces navales
étasuniennes et alliées, en Sicile où se
trouvent la base aéronavale de Sigonella
(qui assistera les unités Aegis en
méditerranée) et le Muos de Niscemi pour
les communications satellitaires à haute
fréquence. Toutes les unités navales
Aegis en Méditerranée, informe encore
l’OTAN, seront « sous commandement et
contrôle USA ». Ceci signifie que la
décision de lancer les missiles
intercepteurs, ou présumés tels, sera de
la compétence exclusive du Pentagone.
Les USA, tandis qu’ils préparent
le « bouclier », affûtent leur épée.
Pour la crise ukrainienne, ils ont
déployé 12 autres chasseurs-bombardiers
F-16 en Pologne et 10 F-15 en Estonie,
Lettonie et Lituanie. Ils pourront sous
peu transporter les nouvelles bombes
nucléaires B61-12 stockées en Europe
(Italie comprise), utilisables comme
bombes anti-bunker. Moscou est en train
de prendre des contre-mesures, mais
Washington encaisse un premier
résultat : la tension plus forte en
Europe permet aux USA d’accroître leur
influence à l’égard des alliés
européens.
Grâce à l’article 5 ou au
non-article 5.
Edition de jeudi 20 mars 2014 de
il manifesto
http://ilmanifesto.it/scudo-ora-gli-usa-rilanciano/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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