Il Manifesto
L'Italie repart en guerre en Irak
Manlio Dinucci
Samedi 18 octobre 2014
L’Italie enverra des armes et des
militaires dans la région d’Erbil en
Irak, pour renforcer « les capacités
d’autodéfense des Kurdes » contre
l’avancée de l’Emirat Islamique :
annonce de la ministre de la défense,
Roberta Pinotti, aux commissions réunies
Affaires étrangères et Défense de la
Chambre et du Sénat.
Ce n’est par hasard que l’annonce
est faite deux jours après que le chef
d’état-major de la défense, l'amiral
Luigi Binelli Mantelli, a participé en
tant que représentant de l’Italie à la
réunion, dans la base militaire
d’Andrews près de Washington, des plus
hautes autorités militaires des 22 pays
de la coalition dont la mission
officielle est « porter atteinte et
détruire l’EI». A la rencontre -présidée
par le général Martin Dempsey, chef de
l’état-major conjoint des Etats-Unis
est intervenu le président Obama, en
soulignant que les USA intensifieront
« l’action contre des objectifs aussi
bien en Irak qu’en Syrie », dans le
cadre d’une coalition internationale.
Les alliés des USA, en plus d’effectuer
des attaques aériennes dans les deux
pays, fournissent « armes et assistance
aux forces irakiennes et à l’opposition
syrienne » (contre Assad) et « des
milliards de dollars d’aides », définies
comme « humanitaires ». Dans des milieux
proches de la Maison Blanche on
considère que, malgré l’engagement
officiel d’Obama de ne pas employer de
soldats dans des missions de combat en
Irak et en Syrie, les Etats-Unis sont en
train de préparer l’envoi de forces
spéciales (Bérets verts, Delta Force,
Navy Seals), qui s’ajouteront aux
« conseillers » et aux « entraîneurs »
déjà sur le terrain, avec la mission
d’effectuer des opérations secrètes. En
même temps Washington fait pression pour
que les alliés assument de plus grands
engagements, y compris des opérations
terrestres.
Il n’est pas donné de savoir
quels engagements a pris pour l’Italie,
à Andrews, le chef d’état-major. Mais on
peut le déduire de l’annonce de Pinotti.
L’Italie non seulement fournira
« d’ultérieurs stocks de munitions de
modèle ex-soviétique, provenant du
matériel confisqué en 1994 », mais aussi
« des armes et des munitions antichar en
usage dans l’Armée italienne », plus un
avion KC-767 pour l’approvisionnement en
vol des chasseurs bombardiers et deux
vélivoles Predator à pilotage éloigné,
bientôt flanqués d’ « autres formations
pilotées pour la reconnaissance
aérienne ». L’Italie enverra en outre
280 militaires pour l’entraînement et la
formation de forces kurdes et, fait plus
important encore, « une cellule
d’officiers pour les activités de
planification ». Il s’agit, en d’autres
termes, d’un commandement avancé pour
des opérations militaires ultérieures
effectuées en mode secret par des forces
spéciales italiennes, aujourd’hui
potentialisées avec la naissance du
nouveau commandement unifié institué à
la caserne Folgore à Pise.
L’intervention militaire italienne en Irak entre dans la stratégie
étasunienne. Les Kurdes que l’Italie va
soutenir sont ceux de la région autonome
du Kurdistan, centre pétrolifère en
grande progression et siège de dizaines
de compagnies étasuniennes et
occidentales, sous la présidence de
Massoud Barzani, chef du Parti démocrate
du Kurdistan, un grand fidèle des
Etats-Unis. Il n’est pas fortuit que,
tandis quelle frappe les forces de l’EI
qui menacent la région où Barzani est au
pouvoir, l’aviation étasunienne et
alliée s’enraye quand il s’agit de
frapper l’EI qui attaque la zone du PKK,
dont les forces (qui sont celles qui
combattent réellement l’EI à la
frontière syrienne) se trouvent en plus
bombardées par l’aviation turque. Il est
significatif qu’à la rencontre d’Andrews
ait participé le chef d’état-major de la
Turquie et que la Maison Blanche ait
minimisé les attaques aériennes turques
contre les Kurdes du PKK, en assurant
que sont en cours des entretiens sur des
«engagements ultérieurs» d’Ankara. La
même chose se passe en Syrie, où les
attaques aéronavales USA sont en train
de démolir non pas l’EI, mais les
installations pétrolifères syriennes
pour faire s’écrouler le gouvernement de
Damas.
Obama, après la rencontre d’Andrews, a remarqué que « détruire
l’EI reste une mission difficile » et
que « nous sommes à peine aux débuts
d’une campagne à long terme ». Cela ne
fait aucun doute, étant donné que l’EI –
construit par les pays sunnites du Golfe
en commençant par l’Arabie saoudite et
par le front des « Amis de la Syrie »,
dont USA, Turquie et Grande-Bretagne
est fonctionnel à la stratégie
étasunienne qui, après avoir démoli par
la guerre l’Etat libyen et avoir
tout fait pour
démolir celui de la Syrie, vise la
balkanisation de l’Irak, en le
démantelant en trois régions
semi-autonomes (kurde, sunnite, chiite)
ou en trois Etats distincts. C’est dans
cette longue et coûteuse guerre qu’est
amenée l’Italie.
Les sous ne manquent pas : dans
la loi de stabilité, les dépenses pour
les « missions internationales de paix »
(lire missions de guerre) sont définies
comme « dépenses inajournables ».
Edition de samedi 18 octobre 2014 de
il manifesto
Article publié sous le titre « La
ministre Pinotti s’entraîne à la
guerre »
http://ilmanifesto.info/pinotti-saddestra-alla-guerra/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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