Opinion
Terroristes « modérés » pour
la guerre en Syrie
Manlio Dinucci
Vendredi 16 janvier 2015
Pendant que, sur la vague des attentats
terroristes de Paris, Washington prépare
le Sommet du 18 février, où les USA et
leurs alliés décideront « les façons de
faire obstacle à l’extrémisme violent
qui existe dans le monde », le Pentagone
-comme annoncé par son porte-parole John
Kirby- prépare « l’entraînement de 5
mille autres miliciens modérés
syriens ». Ainsi « Washington continue à
travailler avec Ankara afin de former et
équiper les forces modérées de
l’opposition syrienne », programme
auquel participent aussi l’Arabie
Saoudite et le Qatar. Le Ministère des
affaires étrangères turc communique que
« l’accord définitif sur le programme
est très proche ».
La Turquie confirme ainsi être
aux avant-postes de la guerre contre la
Syrie : ici l’Otan a plus de vingt bases
aériennes, navales et d’espionnage
électronique, renforcées par des
batteries de missiles étasuniennes,
allemandes et hollandaises, en mesure
d’abattre des engins volants dans
l’espace aérien syrien. A ces bases
s’est ajouté un des plus importants
commandements de l’Alliance : le Landcom,
responsable des forces terrestres des 28
pays membres, activé à Izmir (Smyrne).
Le Landcom, sous les ordres du général
étasunien Hodges, fait partie de la
Force conjointe alliée dont le quartier
général est à Lago Patria (Naples) sous
les ordres de l’amiral étasunien
Ferguson, qui est en même temps
commandant des Forces navales
étasuniennes en Europe et des Forces
navales du Commandement Africa. Comme
l’ont documenté aussi des enquêtes du
New York Times et
du Guardian, la Cia a
depuis longtemps ouvert, surtout dans
les provinces d’Adana et du Hatay, des
centres de formation militaire de
combattants à infiltrer en Syrie ; dans
ces camps ont été notamment entraînés
des militants islamistes provenant
d’Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie,
Libye et autres pays. Les armes arrivent
surtout via l’Arabie Saoudite et le
Qatar.
Pour le nouveau programme, qui
devrait commencer au printemps, le
général Michael Nagata, chef des
Opérations spéciales du Commandement
central étasunien, est en train de
sélectionner les miliciens à entraîner
et armer. On ne sait pas quel est le
critère du général pour s’assurer qu’ils
sont « modérés », c’est-à-dire capables
de combattre (selon ce qu’on affirme à
Washington) à la fois les forces de
l’Etat islamique et celles du
gouvernement syrien. On sait par contre
avec certitude que de nombreux
« miliciens modérés », entraînés et
armés par les USA et par leurs alliés
européens et arabes pour renverser le
président Assad, ont ensuite rejoint les
formations de l’Etat Islamique et du
front qaediste Al-Nosra, qui poursuivent
le même objectif. Cela a-t-il été un
échec ou bien un coup habile de
Washington et de ses alliés pour
alimenter l’EI, de fait fonctionnel à la
stratégie visant à démolir la Syrie et
reconquérir l’Irak ? Question légitime,
si l’on a sous les yeux la photo du
sénateur étasunien John McCain qui, en
mission en Syrie pour le compte de la
Maison-Blanche, rencontre en mai 2013
Ibrahim al-Badri, le « calife » à la
tête de l’EI. Ou le récent reportage
télévisé transmis par l’allemande
Deutsche Welle, qui montre comment
des centaines de camions TIR traversent
chaque jour sans aucun contrôle la
frontière entre Turquie et Syrie, en
direction de Raqqa, base des opérations
de l’EI en Syrie. Ou les images des
caméras télé de l’aéroport d’Istanbul,
qui montrent la compagne d’Amedy
Coulibaly, auteur de l’attaque du
supermarché kasher, qui entre facilement
en Syrie à travers la Turquie.
A quoi serviront les 5mille
autres miliciens qui, dans le cadre des
opérations spéciales USA, seront
entraînés à des attaques de commandos et
à des attentats à la bombe ? Au
terrorisme, mais « modéré ».
Edition de vendredi 16 janvier de il
manifesto
http://ilmanifesto.info/gli-usa-addestrano-5mila-miliziani-siriani/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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