L'art de la guerre
L’OTAN derrière l’attaque turque en
Syrie
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Mardi 15 octobre 2019
Allemagne, France, Italie et d’autres
pays, qui en tant que membres de l’Ue
condamnent la Turquie pour son attaque
en Syrie, sont avec la Turquie membres
de l’OTAN, laquelle, tandis qu’était
déjà en cours l’attaque, a renouvelé son
soutien à Ankara. C’est le secrétaire
général de l’OTAN Jens Stoltenberg qui
l’a fait officiellement, dans une
rencontre le 11 octobre en Turquie avec
le président Erdoğan et le ministre des
Affaires étrangères Çavuşoğlu.
“La Turquie est en première ligne dans
cette région très volatile, aucun autre
Allié n’a subi plus d’attaques
terroristes que la Turquie, aucun autre
n’est plus exposé à la violence et aux
turbulences provenant du Moyen-Orient”,
a d’abord dit Stoltenberg, reconnaissant
que la Turquie a “légitimement des
préoccupations pour sa propre sécurité”.
Après avoir diplomatiquement conseillé
d’”agir avec modération”, Stoltenberg a
souligné que la Turquie est “un fort
Allié OTAN, important pour notre défense
collective”, et que l’OTAN est
“fortement engagée à défendre sa
sécurité”. À cet effet - a-t-il
souligné- l’OTAN a accru sa présence
aérienne et navale en Turquie et y a
investi plus de 5 milliards de dollars
en bases et infrastructures militaires.
Outre celles-ci, elle a déployé un
important commandement (non rappelé par
Stoltenberg) : le LandCom, responsable
de la coordination de toutes les forces
terrestres de l’Alliance.
Stoltenberg a mis en évidence
l’importance des “systèmes de défense
par missile” déployés par l’OTAN pour
“protéger la frontière méridionale de la
Turquie”, fournis par rotation par les
Alliés. À ce propos le ministre des
Affaires étrangères Çavuşoğlu a remercié
particulièrement l’Italie. Depuis 2016
en effet l’Italie a déployé dans la
province turque sud-orientale de
Kahramanmaras le “système de défense
aérienne” Samp-T, co-produit avec la
France.
Une unité
Samp-T comprend un véhicule de
commandement et de contrôle et six
véhicules de lancement armés chacun de
huit missiles. Situés au bord de la
Syrie, ils peuvent abattre n’importe
quel aéronef à l’intérieur de l’espace
aérien syrien. Leur fonction, donc, est
tout sauf défensive. En juillet dernier
la Chambre et le Sénat (italiens), sur
la base des décisions prises par les
commissions affaires étrangères
conjointes, ont délibéré pour étendre
jusqu’au 31 décembre la présence
d’unités de missiles italiennes en
Turquie. Stoltenberg a en outre informé
que sont en cours des entretiens entre
Italie et France, co-productrices du
système de missiles Samp-T, et la
Turquie qui veut l’acheter. Donc, sur la
base du décret annoncé par le ministre
des Affaires étrangères Di Maio de
bloquer l’exportation d’armements vers
la Turquie, l’Italie devrait retirer
immédiatement le système de missiles
Samp-T du territoire turc et s’engager à
ne pas le vendre à la Turquie.
Ainsi
continue le tragique petit théâtre de la
politique, alors qu’en Syrie le sang
continue à couler. Ceux qui aujourd’hui
s’horrifient face aux nouveaux massacres
et demandent de bloquer l’exportation
d’armes à la Turquie, sont les mêmes qui
regardaient ailleurs quand le New
York Times lui-même publiait une
enquête détaillée sur le réseau Cia à
travers lequel arrivaient en Turquie, y
compris de Croatie, des fleuves d’armes
pour la guerre secrète en Syrie (il
manifesto, 27 mars 2013). Après
avoir démoli la Fédération Yougoslave et
la Libye, l’OTAN tentait la même
opération en Syrie. La force de choc
était constituée par un ramassis armé de
groupes islamistes (jusque peu de temps
auparavant définis par Washington comme
terroristes) provenant d’Afghanistan,
Bosnie, Tchétchénie, Libye et autres
pays. Ils affluaient dans les provinces
turques d’Adana et Hatay, frontalières
avec la Syrie, où la Cia avait ouvert
des centres de formation militaire. Le
commandement des opérations était à bord
de navires OTAN dans le port
d’Iskenderun (Alexandrette).
Tout cela se trouve
effacé et la Turquie est présentée par
le secrétaire général de l’OTAN comme
l’Allié “le plus exposé à la violence et
aux turbulences provenant du
Moyen-Orient”.
Édition de mardi 15
octobre 2019 de il manifesto
sous le titre “Le système de
défense italo-français est déjà en
Turquie”
https://ilmanifesto.it/il-sistema-di-difesa-italo-francese-e-gia-in-turchia/
Traduit de l’italien par M-A P.
Rappel NdT :
“Syrie : pont
aérien CIA pour armer les rebelles”
Manlio Dinucci
27 mars 2013,
il manifesto
“Dans la « guerre
couverte » en Syrie, on découvre
désormais les cartes. Après que le
centre de Damas a été touché par des
projectiles de mortier et des missiles
qui ont tué plusieurs civils, le
commandant « rebelle » Abou Omar,
revendiquant le mérite de l’action, a
déclaré hier 26 mars au New York
Times que « les groupes rebelles
autour de Damas ont été renforcés par de
nouvelles fournitures d’armes à travers
la Jordanie avec l’assistance
américaine ». Une enquête de ce même
journal confirme ce que nous écrivons
depuis longtemps sur il manifesto :
l’existence d’un réseau international,
organisé par la Cia, à travers lequel un
flux croissant d’armes arrive aux
« rebelles » en Syrie.
Depuis des centres
opérationnels appropriés, des agents de
la Cia pourvoient à l’achat d’armes avec
des financements (de l’ordre de
milliards de dollars) concédés
principalement par Arabie saoudite,
Qatar et autres monarchies du Golfe ;
ils organisent ensuite le transport des
armes en Turquie et Jordanie à travers
un pont aérien, puis les font enfin
parvenir, à travers la frontière, aux
groupes en Syrie, déjà entraînés dans
les camps installés à cet effet en
territoire turc et jordanien.
Depuis que
l’opération a commencé en janvier 2012,
au moins 3.500 tonnes d’armes, selon une
estimation par défaut, ont ainsi été
transportées par pont aérien. Les
premiers vols ont été effectués, par des
avions militaires de transport C-130, du
Qatar en Turquie. Depuis avril 2012 ont
été utilisés de gigantesques avions
cargos C-17, fournis par le Qatar, qui
ont fait la navette entre la base
aérienne de Al Udeid et celle turque de
Esenboga. Détail non négligeable : la
base aérienne qatari de Al Udeid abrite
le quartier général avancé du
Commandement central Usa, avec un
personnel de plus de 10mille militaires,
et fonctionne comme hub pour
toutes les opérations au Moyen-Orient.
Dans ses dépôts sont stockés des armes
de tous types, y compris certainement
aussi celles non made in Usa,
plus adaptées pour les opérations
« couvertes ». Depuis octobre 2012, des
avions jordaniens C-130 ont atterri dans
la base turque de Esenboga, pour charger
des armes à transporter à Amman pour les
« rebelles » syriens.
En même temps, des
avions cargos jordaniens ont commencé à
faire la navette avec Zagreb, en
transportant à Amman des armes
d’arsenaux croates achetées avec les
financements saoudiens. Pour cette
opération on utilise de gigantesques
avions Iliouchine de la Jordanian
International Air Cargo. Depuis le mois
de février 2013, aux vols des avions
cargos qatari et jordaniens se sont
ajoutés des saoudiens, effectués par des
C-130 qui atterrissent sur la base
turque d’Esenboga.
Malgré les démentis
de Zagreb, l’enquête a amplement
documenté l’engagement de la Croatie
dans ce trafic international d’armes,
dirigé par la Cia. Un acte méritoire
pour la Croatie qui, pour son rôle dans
la désagrégation de la Yougoslavie, a
été récompensée par son admission dans
l’Otan en 2009. A présent, en
participant à l’opération pour la
désagrégation de la Syrie, elle acquiert
de nouveaux mérites aux yeux de
Washington. Et ceci à la veille de son
admission dans l’Union européenne, dont
elle deviendra le 28° membre en juillet
prochain. Elle pourra ainsi joindre sa
voix à celle de l’Union européenne qui,
tandis qu’elle renforce l’embargo des
armes à l’égard du gouvernement syrien,
déclare vouloir « atteindre une solution
politique qui permette d’arrêter le
massacre et autorise la fourniture
d’aides humanitaires rapides et
efficaces, avec une attention
particulière pour les enfants ».
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