Monde
Brève histoire de l'OTAN de 1991 à nos
jours (1)
Manlio Dinucci
Samedi 14 octobre 2017
L’Otan, fondée le 4
avril 1949, comprend pendant la guerre
froide seize pays : Etats-Unis, Canada,
Belgique, Danemark, France, République
fédérale allemande, Grande-Bretagne,
Grèce, Islande, Italie, Luxembourg,
Norvège, Pays-Bas, Portugal, Espagne,
Turquie. A travers cette alliance, les
Etats-Unis conservent leur domination
sur les alliés européens, en utilisant
l’Europe comme première ligne dans la
confrontation, y compris nucléaire, avec
le Pacte de Varsovie. Ce dernier, fondé
le 14 mai 1955 (six ans après l’Otan),
comprend Union Soviétique, Bulgarie,
Tchécoslovaquie, Pologne, République
démocratique allemande, Roumanie,
Hongrie, Albanie (de 1955 à 1968).
DE LA GUERRE FROIDE À L’APRÈS-GUERRE
FROIDE
En 1989 survient l’ « écroulement
du Mur de Berlin » : c’est le début de
la réunification allemande qui se
réalise quand, en 1990, la République
Démocratique se dissout en adhérant à la
République Fédérale d’Allemagne. En 1991
se dissout le Pacte de Varsovie : les
pays de l’Europe centre-orientale qui en
faisaient partie ne sont alors plus
alliés de l’URSS. Dans la même année, se
dissout l’Union Soviétique : à la place
d’un unique état s’en forment quinze.
La disparition de l’URSS et de son bloc crée, dans la région européenne
et centre-asiatique, une situation
géopolitique entièrement nouvelle. Dans
le même temps, la désagrégation de
l’URSS et la profonde crise politique et
économique qui investit la Russie
signent la fin de la superpuissance en
mesure de rivaliser avec celle des
Etats-Unis.
La guerre du Golfe de 1991 est la première guerre, dans la période
suivant le second conflit mondial, que
Washington ne justifie pas par la
nécessité de contenir la menaçante
avancée du communisme, justification qui
a été à la base de toutes les
précédentes interventions militaires
étasuniennes dans le « tiers monde », de
la guerre de Corée à celle du Vietnam,
de l’invasion de la Grenade à
l’opération contre le Nicaragua. Avec
cette guerre les Etats-Unis renforcent
leur présence militaire et leur
influence politique dans l’aire
stratégique du Golfe, où se concentre
une grande partie des réserves
pétrolifères mondiales.
En même temps Washington lance à ses adversaires, ex adversaires et
alliés un message sans équivoque. Il est
contenu dans la National Security
Strategy of the United States
(Stratégie de la sécurité nationale des
Etats-Unis), le document par lequel la
Maison Blanche énonce, en août 1991, sa
nouvelle stratégie.
« Malgré l’émergence de nouveaux centres de pouvoir -souligne le
document signé par le président- les
Etats-Unis restent le seul Etat avec une
force, une portée et une influence en
toutes dimensions -politique, économique
et militaire- réellement mondiales. Dans
les années 90, tout comme pour la grande
partie de ce siècle, aucun substitut
n’existe au leadership américain ».
Six mois après la directive présidentielle, un document provenant du
Pentagone -Defense Planning Guidance
for the Fiscal Years 1994-1999
(Guide pour la planification et la
Défense pour les années fiscales
1994-1999), filtré à travers le New
York Times en mars 1992, clarifie ce
qui dans la directive présidentielle
devait rester nécessairement implicite :
le fait que, pour exercer leur
leadership mondial, les Etats-Unis
doivent empêcher que d’autres
puissances, y compris les anciens et les
nouveaux alliés, ne puissent devenir
compétitives : « Notre premier objectif
est d’empêcher la ré-émergence d’un
autre rival, sur le territoire de
l’Union Soviétique ou ailleurs, qui pose
une menace de l’ordre de celle
précédemment posée par l’Union
Soviétique. Nous devons empêcher que
toute puissance hostile ne domine une
région dont les ressources, si elles
étaient étroitement contrôlées,
suffiraient à générer une puissance
mondiale. Ces régions comprennent
l’Europe occidentale, l’Asie orientale,
le territoire de l’ex Union Soviétique
et l’Asie sud-occidentale ».
Dans un tel cadre, souligne le document, « il est d’importance
fondamentale de préserver l’Otan comme
principal instrument de la défense et de
la sécurité occidentales, ainsi que
comme canal de l’influence et de la
participation étasuniennes dans les
affaires de la sécurité européenne.
Tandis que les Etats-Unis soutiennent
l’objectif de l’intégration européenne,
ils doivent essayer d’empêcher la
création de dispositifs de sécurité
uniquement européens, qui mineraient
l’Otan, en particulier la structure de
commandement de l’Alliance »,
c’est-à-dire le commandement USA.
LE NOUVEAU CONCEPT STRATÉGIQUE DE L’OTAN
Pendant qu’ils ré-orientent leur
propre stratégie, les Etats-Unis font
pression sur l’Otan pour qu’elle en
fasse autant. Pour eux il est de
première urgence de redéfinir non
seulement la stratégie, mais le
rôle-même de l’Alliance atlantique. Avec
la fin de la guerre froide et la
dissolution du Pacte de Varsovie et de
l’Union Soviétique même, se dissipe en
effet la motivation de la « menace
soviétique » qui a maintenu jusque là la
cohésion de l’Otan sous l’indiscutable
leadership étasunien : le danger existe
donc que les alliés européens fassent
des choix divergents voire jugent l’Otan
inutile dans la nouvelle situation
géopolitique qui s’est créée dans la
région européenne.
Le 7 novembre 1991 (après la première guerre du Golfe, à laquelle
l’Otan a participé non officiellement en
tant que telle, mais avec ses forces et
structures), les chefs d’Etat et de
gouvernement des seize pays de l’Otan,
réunis à Rome dans le Conseil
atlantique, lancent « Le nouveau concept
stratégique de l’Alliance ».
« Contrairement à la menace prédominante
du passé -affirme le document- les
risques qui demeurent pour la sécurité
de l’Alliance sont de nature multiforme
et multi-directionnels, chose qui les
rend difficiles à prévoir et évaluer.
Les tensions pourraient conduire à des
crises dommageables pour la stabilité
européenne et jusqu’à des conflits
armés, qui pourraient engager des
puissances extérieures ou se répandre
jusqu’à l’intérieur des pays de
l’Otan ». Face à ces risques et
d’autres, « la dimension militaire de
notre Alliance reste un facteur
essentiel, mais le fait nouveau est
qu’elle sera plus que jamais au service
d’un ample concept de sécurité ».
En définissant le concept de sécurité comme quelque chose qui n’est
pas circonscrit à l’aire
nord-atlantique, on commence à dessiner
la « Grande Otan ».
Episode 2
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