L'art de la guerre
L’Europe encore en première ligne
Manlio Dinucci
Photo:
D.R.
Mardi 14 juillet 2015
Pendant que
l’attention politico-médiatique se
concentre sur Bruxelles, où est en train
de se décider l’avenir de
la Grèce, on continue à
ignorer qu’à Washington on est en train
de décider de l’avenir de l’Europe. Par
l’intermédiaire de l’Otan sous
commandement étasunien, dont font partie
plus des trois quarts des pays Ue. Les
derniers faits, passés pratiquement sous
silence, le confirment.
A Poggio Renatico (petite commune de la région de Ferrare,
d’environ 10mille habitants), vient de
devenir opérationnel le premier centre
du nouveau Système de commandement et
contrôle aérien Otan. En plus du site
fixe, il dispose de « capacités de
déploiement, que le Commandant suprême
allié en Europe (Saceur) peut utiliser
pour mener des opérations aériennes
complexes partout dans la zone Otan et
hors zone ». Un fois terminé, le Système
de commandement disposera en Europe de
plus de 20 centres, à travers lesquels
le Saceur -toujours un général USA nommé
par le Président- pourra lancer des
opérations de guerre aérienne dans une
zone de plus de 10 millions de Km
carrés, de l’Europe orientale à l’Asie
et à l’Afrique. Comme ne suffisent plus
les plus de 1000 milliards de dollars
annuels que les pays de l’Alliance
destinent à la dépense militaire, les
Etats-Unis (dont le seul budget du
Pentagone se monte à 4,5% du pib) font
pression sur les alliés européens pour
qu’ils portent leur dépense militaire à
2% ou plus du pib, objectif à ce jour
atteint seulement par Grande-Bretagne,
Grèce et Estonie.
Mais à présent la bonne nouvelle : la Roumanie est
officiellement engagée à porter sa
dépense militaire à ce niveau d’ici
2017, donnant aux alliés l’exemple de
comment « augmenter l’investissement
dans la défense ».
La direction dans laquelle les USA poussent l’Europe est donnée
clairement dans le document « The
National Military Strategy of thé United
States of America 2015 », publié en juin
par le Pentagone. Les Etats-Unis, qui
sont « le pays le plus fort du monde »,
ont concentré dans la dernière décennie
« leurs campagnes militaires contre les
réseaux extrémistes violents » (Al
Qaeda, Isis et autres). Mais à présent
leur stratégie change : « Aujourd’hui,
et dans l’avenir prévisible, nous devons
porter une plus grande attention aux
défis posés par des acteurs étatiques,
qui ont la capacité croissante de faire
obstacle à notre liberté de mouvement
dans les différentes régions et menacent
notre patrie ». Le plus dangereux «
acteur étatique » est
la Russie
qui, « en utilisant la force pour
atteindre ses propres objectifs, mine
par ses actions militaires la sécurité
régionale ». Plus explicite encore le
général Martin Dempsey, candidat à la
plus haute charge militaire étasunienne,
selon qui «
la Russie, puissance
nucléaire, pose la plus grande menace à
la sécurité nationale des Etats-Unis ».
Dangereux acteur étatique, selon le
document stratégique, est aussi «
la Chine, dont les
actions sont en train d’accroître la
tension dans la région Asie/Pacifique ».
Tout en étant évaluée comme encore
basse, « la probabilité que les USA
soient entraînés dans une guerre
interétatique avec une grande puissance
est en train d’augmenter ». Nous sommes
donc à une nouvelle guerre froide, par
certains aspects plus dangereuse que la
précédente, qui s’élargit à la région
Asie/Pacifique.
Et l’Europe se trouve à nouveau transformée par les Etats-Unis par
l’intermédiaire de l’Otan en première
ligne de la confrontation Ouest/Est,
avec la collaboration des oligarchies
politiques et économiques européennes
qui, bien qu’en concurrence entre elles,
se compactent quand il s’agit de
défendre l’ « ordre économique mondial »
dominé par l’Occident. Celui
qu’aujourd’hui de grands « acteurs
étatiques » mettent en question avec
leurs initiatives, comme la Banque pour le développement créée par les Brics
(Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du
Sud) au sommet de Oufa (Russie) qui
-d’après Euronews- « sera une des plus
grandes banques du monde ».
Edition de mardi 14 juillet 2015
de il manifesto
http://ilmanifesto.info/leuropa-ancora-in-prima-linea/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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