L'art de la guerre
La farce des
relations avec la Russie
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 9 juillet 2019
L’état des
relations entre Italie et Russie est
“excellent” : c’est ce qu’affirme le
Premier ministre Conte en recevant à
Rome le président Poutine. Le message
est tranquillisant, soporifique même à
l’égard de l’opinion publique. On s’y
limite, fondamentalement, à l’état des
relations économiques.
La Russie, où opèrent 500 entreprises
italiennes, est le cinquième marché
extra-européen pour notre export et
fournit 35% des besoins italiens en gaz
naturel. Les échanges -précise Poutine-
ont été de 27 milliards de dollars en
2018, mais en 2013 ils se montaient à 54
milliards. Ils ont donc été divisés par
deux à cause de ce que Conte appelle la
“détérioration des relations entre la
Russie et l’Union européenne qui a
conduit aux sanctions européennes” (en
réalité décidées à Washington).
Malgré cela il y a entre les deux pays une “intense relation à tous les
niveaux”. Un ton rassurant qui reproduit
celui de la visite de Conte à Moscou en
2018 et du Premier ministre Renzi à
Saint Petersbourg en 2016, quand il
avait garanti que “le mot guerre froide
est sorti de l’histoire et de la
réalité”. Ainsi continue la farce.
Dans les relations avec la Russie, Conte (comme Renzi en 2016) se
présente uniquement en habit de chef de
gouvernement d’un pays de l’Union
européenne, en dissimulant dans les
coulisses l’appartenance de l’Italie à
l’OTAN sous commandement des États-Unis,
considérés comme “allié privilégié”. À
la table Italie-Russie continue ainsi à
siéger, en tant qu’invité de pierre,
“l’allié privilégié” dans le sillage
duquel se place l’Italie.
Le gouvernement Conte déclare “excellent” l’état des relations avec la
Russie alors qu’à peine une semaine plus
tôt au siège de l’OTAN, il a de nouveau
accusé la Russie d’avoir violé le Traité
FNI (sur la base des “preuves” fournies
par Washington), se mettant en rang
derrière la décision USA d’enterrer le
Traité afin de déployer en Europe de
nouveaux missiles nucléaires à portée
intermédiaire pointés sur la Russie.
Le 3 juillet, la veille de la visite de Poutine en Italie, a été publiée
à Moscou la loi qu’il a signée
suspendant la participation russe au
Traité : action préventive avant que
Washington n’en sorte définitivement le
2 août. Poutine a aussi prévenu que si
les USA déploient de nouvelles armes
nucléaires en Europe adossées à la
Russie, celle-ci pointera ses missiles
sur les zones où elles sont basées.
Ainsi est avertie même l’Italie, qui se prépare à accueillir à
partir de 2020 les nouvelles bombes
B61-12 à disposition aussi de
l’aéronautique italienne sous
commandement étasunien.
Une semaine avant la confirmation de l’ “excellent” état des
relations avec la Russie, le
gouvernement Conte a confirmé la
participation italienne à la force OTAN
sous commandement USA de 30 navires de
guerre, 30 bataillons et 30 escadres
aériennes déployables en 30 jours en
Europe contre la Russie à partir de
2020. Toujours en fonction anti-Russie
des navires italiens participent à des
manoeuvres OTAN de guerre sous-marine ;
des forces mécanisées italiennes font
partie du Groupe de bataille OTAN en
Lettonie et la Brigade blindée
Ariete s’est exercée il y a deux
semaines en Pologne, tandis que des
chasseurs italiens Eurofighter Typhoon
sont déployés en Roumanie et Lettonie.
Tout ceci confirme que la politique étrangère et militaire de
l’Italie est décidée non pas à Rome mais
à Washington, à la barbe du
“souverainisme” attribué à l’actuel
gouvernement.
Les relations avec la Russie, comme celles avec la Chine,
reposent sur les sables mouvants de la
dépendance italienne des décisions
stratégiques de Washington. Il suffit de
rappeler comment en 2014, sur ordre de
Washington, fut sabordé le gazoduc South
Stream Russie-Italie, avec des pertes de
milliards d’euros pour les entreprises
italiennes. Dans l’absolu silence et
consensus du gouvernement italien.
Édition de
mardi 9 juillet 2019 de il manifesto
https://ilmanifesto.it/la-sceneggiata-delle-relazioni-con-la-russia/
Traduit de l’italien par M-A P.
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