L'art de la guerre
Sommet OTAN,
le parti de la guerre se renforce
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Vendredi 6 décembre 2019
Macron a parlé
de “mort cérébrale” de l’OTAN, d’autres
la définissent comme “moribonde”.
Sommes-nous donc devant une Alliance
qui, sans plus de tête pensante, se
désagrège sous l’effet de fractures
internes ? Les litiges au Sommet de
Londres semblent confirmer ce scénario.
Mais il faut regarder le fond, les réels
intérêts sur lesquels se fondent les
rapports entre les alliés.
Pendant qu’à Londres Trump et Macron
polémiquent sous les yeux des caméras,
au Niger sans trop de publicité l’U.S.
Army Africa (Armée USA pour l’Afrique)
transporte avec ses avions cargos des
milliers de soldats français et leurs
armements dans divers avant-postes en
Afrique Occidentale et Centrale pour
l’Opération Barkhane, dans laquelle
Paris engage 4.500 militaires, surtout
forces spéciales, avec le soutien de
forces spéciales USA en actions elles
aussi de combat. Simultanément les
drones armés Reaper, fournis par les USA
à la France, opèrent depuis la Base
aérienne 101 à Niamey (Niger). De cette
même base décollent les Reaper de la
U.S. Air Force Africa (Force aérienne
USA pour l’Afrique), qui sont maintenant
re-déployés dans la nouvelle base 201
d’Agadez au nord du pays, en continuant
à opérer avec les forces françaises.
Le cas est emblématique. États-Unis,
France et d’autres puissances
européennes, dont les groupes
multinationaux rivalisent pour
s’accaparer des marchés et matières
premières, se compactent quand sont en
jeu leurs intérêts communs. Par exemple
ceux qu’ils ont dans le Sahel richissime
de matières premières : pétrole,
or, coltan, diamants, uranium. Mais
maintenant leurs intérêts dans cette
région, où les indices de pauvreté sont
parmi les plus élevés, se trouvent mis
en danger par les soulèvements
populaires et par la présence économique
chinoise. D’où l’Opération Barkhane qui,
présentée comme opération
anti-terrorisme, engage les alliés dans
une guerre de longue durée avec drones
et forces spéciales.
Le plus fort ciment qui tient unie
l’OTAN est constitué par les intérêts
communs du complexe militaire industriel
sur les deux rives de l’Atlantique.
Celui-ci sort renforcé du Sommet de
Londres. La Déclaration Finale fournit
la principale motivation pour une
augmentation ultérieure de la dépense
militaire : “Les actions agressives de
la Russie constituent une menace pour la
sécurité Euro-Atlantique”. les Alliés
s’engagent non seulement à porter leur
dépense militaire au moins à 2% du PIB,
mais à destiner au moins 20% de celle-ci
à l’achat d’armements. Objectif déjà
atteint par 16 pays sur 29, dont
l’Italie. Les USA investissent à cet
effet plus de 200 milliards de dollars
en 2019. Les résultats se voient. Le
jour même où s’ouvrait le Sommet OTAN,
General Dynamics signait avec l’U.S.
Navy un contrat de 22,2 milliards de
dollars, extensibles à 24, pour la
fourniture de 8 sous-marins de la classe
Virginia pour des opérations spéciales
et missions d’attaque avec missiles
Tomahawk y compris à tête nucléaires (40
par sous-marin).
Accusant la Russie (sans aucune preuve)
d’avoir déployé des missiles nucléaires
à rayon intermédiaire et d’avoir ainsi
enterré le Traité FNI, le Sommet décide
“le renforcement ultérieur de notre
capacité à nous défendre avec un
ensemble de capacités nucléaires,
conventionnelles et anti-missiles, que
nous continuerons à adapter : tant
qu’existeront des armes nucléaires,
l’OTAN restera une alliance nucléaire”.
Dans ce carde s’insère la reconnaissance
de l’espace en tant que cinquième champ
opérationnel, en d’autres termes est
annoncé un très coûteux programme
militaire spatial de l’Alliance. C’est
un chèque en blanc donné à l’unanimité
par les Alliés au complexe militaire
industriel.
Pour la
première fois, avec la Déclaration du
Sommet, l’OTAN parle du “défi” provenant
de l’influence croissante et de la
politique internationale de la Chine, en
soulignant “la nécessité de l’affronter
ensemble en tant qu’Alliance”. Le
message est clair : l’OTAN est plus que
jamais nécessaire à un Occident dont la
suprématie est aujourd’hui mise en
question par la Chine et la Russie.
Résultat immédiat : le Gouvernement
japonais a annoncé avoir acheté pour 146
millions de dollars l’île inhabitée de
Mageshima, à 30 km de ses côtes, pour en
faire un site d’entraînement des
chasseurs-bombardiers USA basés contre
la Chine.
Édition de
vendredi 6 décembre 2019 de il
manifesto
https://ilmanifesto.it/scherzi-a-parte-si-rafforza-il-partito-della-guerra/
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