L'art de la guerre
Le Sommet lance l’OTAN dans
l’espace,
coûts exorbitants
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Mardi 3 décembre 2019
À Londres se déroule, le 4
décembre, le Conseil de l’Atlantique
Nord des chefs d’état et de gouvernement
qui célèbre le 70ème
anniversaire de l’OTAN, définie par le
secrétaire général Jens Stoltenberg
comme “l’alliance de plus grand succès
dans l’histoire”.
Un “succès”
indéniable. Depuis qu’elle a démoli par
la guerre la Fédération Yougoslave en
1999, l’OTAN s’est élargie de 16 à 29
pays (30 si elle englobe maintenant la
Macédoine), en s’étendant à l’Est au
bord de la Russie. “Pour la première
fois dans notre histoire- souligne
Stoltenberg- nous avons des troupes
prêtes au combat dans l’Est de notre
Alliance”. Mais l’Organisation Traité de
l’Atlantique Nord est allée au-delà, en
étendant ses opérations guerrières
jusque sur les montagnes afghanes et à
travers les déserts africains et
moyen-orientaux.
À présent la Grande
Alliance vise plus haut. Au Sommet de
Londres -pré-annonce Stoltenberg- les
leaders des 29 pays membres
“reconnaîtront l’espace comme notre
cinquième champ opérationnel”, qui
s’ajoute aux terrestre, maritime, aérien
et cyber-spatial. “L’espace est
essentiel pour le succès de nos
opérations”, souligne le secrétaire
général laissant entendre que l’OTAN
développera un programme militaire
spatial. Il ne fournit évidemment pas de
détails, mais informe que l’OTAN a signé
un premier contrat d’1 milliard de
dollars pour moderniser ses 14 avions
Awacs. Ceux-ci ne sont pas de simples
avions-radar mais des centres de
commandement volants, produits par
l’étasunien Boeing, pour la gestion de
la bataille à travers les systèmes
spatiaux.
À coup sûr quasiment
aucun des leaders européens (pour
l’Italie le premier ministre Conte), qui
le 4 décembre “reconnaîtront l’espace
comme notre cinquième champ
opérationnel”, ne connaît le programme
militaire spatial de l’OTAN, préparé par
le Pentagone et par des sommets
militaires européens restreints avec les
plus grandes industries aérospatiales.
Et moins encore le connaissent les
parlements qui, comme en Italie,
acceptent les yeux fermés toute décision
de l’OTAN sous commandement étasunien,
sans se préoccuper de ses implications
politico-militaires et économiques.
L’OTAN va se lancer
dans l’espace dans le sillage du nouveau
Commandement spatial créé par le
Pentagone en août dernier dans le but,
déclaré par le président Trump,
d’”assurer que la domination américaine
dans l’espace ne soit jamais menacée”.
Trump a ensuite annoncé la constitution
successive de la Force Spatiale des
États-Unis, avec la mission de “défendre
les intérêts vitaux américains dans
l’espace, le prochain champ de combat de
la guerre”. Russie et Chine accusent les
USA d’ouvrir ainsi la voie de la
militarisation de l’espace, en
avertissant qu’elles ont la capacité de
répondre. Tout cela accroît le péril de
guerre nucléaire.
Même si on ne connaît
pas encore le programme militaire
spatial de l’OTAN, une chose est sûre :
il sera extrêmement couteux. Au Sommet,
Trump fera pression sur les alliés
européens pour qu’ils portent leur
dépense militaire à 2% ou plus du PIB.
Jusqu’à présent 8 pays l’ont fait :
Bulgarie (qui l’a portée à 3,25, juste
au-dessous des 3,42 des USA), Grèce,
Grande-Bretagne, Estonie, Roumanie,
Lituanie, Lettonie et Pologne. Les
autres, tout en restant au-dessous des
2%, sont engagés à l’augmenter. Tirée
par l’énorme dépense USA -730 milliards
de dollars en 2019, plus de 10 fois
celle de la Russie- la dépense militaire
annuelle de l’OTAN, selon les données
officielles, dépasse les 1 000 milliards
de dollars. En réalité elle est plus
haute que celle indiquée par l’OTAN,
parce qu’elle ne comprend pas divers
postes de caractère militaire : par
exemple celui des armes nucléaires USA,
inscrit au bilan non pas du Pentagone
mais du Département de l’Énergie.
La dépense militaire
italienne, qui est passée du 13ème
au 11ème
rang mondial, se monte en termes réels à
environ 25 milliards d’euros annuels en
augmentation. En juin dernier le
gouvernement Conte I y a ajouté 7,2
milliards d’euros, fournis aussi par le
Ministère pour le développement
économique pour l’achat de systèmes
d’arme. En octobre, lors de sa rencontre
avec le Secrétaire général de l’OTAN, le
gouvernement Conte II s’est engagé à
l’augmenter durablement d’environ 7
milliards d’euros annuels à partir de
2020 (La Stampa,
11 octobre 2019).
Au Sommet de Londres
seront requis à l’Italie d’autres
milliards d’argent public pour financer
les opérations de l’OTAN dans l’espace :
alors qu’on ne trouve pas d’argent pour
garder la sécurité et reconstruire les
viaducs qui s’écroulent.
Édition de mardi 3 décembre 2019
de il manifesto
https://ilmanifesto.it/lalleanza-atlantica-nello-spazio-costi-alle-stelle/
Traduit de l’italien par M-A P.
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