L'art de la guerre
USA et Otan évincent l’Ue en crise
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci
Mardi 3 juillet 2018
Deux Sommets, tous
deux à Bruxelles à deux semaines de
distance, représentent le statut quo de
la situation européenne. La réunion du
Conseil européen, le 28 juin, a confirmé
que l’Union, fondée sur les intérêts des
oligarchies économiques et financières à
commencer par celles des plus grandes
puissances, est en train de s’effriter à
cause de conflits d’intérêt ne se
limitant pas à la question des migrants.
Le Conseil Nord-Atlantique
-auquel participeront les 10-11 juillet
les chefs d’État et de gouvernement des
22 pays UE (sur un total de 28) membres
de l’Alliance (avec la Grande-Bretagne
sortant de l’Union)- renforcera l’Otan
sous commandement USA. Le président
Trump aura ainsi en main des cartes plus
fortes au Sommet bilatéral qu’il tiendra
cinq jours plus tard, le 16 juillet à
Helsinki, avec le président russe
Poutine.
De ce que le président USA
stipulera à la table des négociations
dépendra fondamentalement la situation
de l’Europe. Que les USA n’aient jamais
voulu une Europe unie comme allié d’égal
à égal n’est pas un mystère.
Pendant plus de 40 ans, durant la guerre
froide, ils la tiennent subordonnée
comme première ligne de la confrontation
nucléaire avec l’Union Soviétique. En
1991, la guerre froide finie, les
États-Unis redoutent que les alliés
européens puissent mettre en question
leur leadership ou juger désormais
inutile l’Otan, dépassée par la nouvelle
situation géopolitique. D’où la
réorientation stratégique de l’Otan
toujours sous commandement USA, reconnue
par le Traité de Maastricht comme
“fondement de la défense” de l’Union
européenne, et son élargissement à l’Est
liant les ex pays du Pacte de Varsovie
plus à Washington qu’à Bruxelles.
Au cours des guerres de
l’après-guerre froide (Irak,
Yougoslavie, Afghanistan, à nouveau
Irak, Libye, Syrie), les États-Unis
traitent en sous-main avec les plus
grandes puissances européennes
(Grande-Bretagne, France, Allemagne) en
partageant avec elles les zones
d’influence, tandis que des autres
(Italie comprise) ils obtiennent ce
qu’ils veulent sans substantielles
concessions.
L’objectif fondamental de Washington est non seulement de garder l’Union
européenne en position subordonnée mais,
à plus forte raison, d’empêcher la
formation d’une aire économique qui
embrasse toute la région européenne,
Russie comprise, en se reliant à la
Chine par l’intermédiaire de la
naissante Nouvelle Route de la Soie.
D’où la nouvelle guerre froide qu’on a
fait exploser en Europe en 2014 (durant
l’administration Obama), les sanctions
économiques et l’escalade Otan contre la
Russie.
La stratégie du “diviser
pour régner”, c’est-à-dire du diviser
pour dominer, d’abord camouflée sous des
habits diplomatiques, se trouve
désormais mise en lumière. En
rencontrant en avril le président
Macron, Trump a proposé que la France
sorte de l’Union européenne, en lui
offrant des conditions commerciales plus
avantageuses que celles de l’Ue. On ne
sait pas ce qui est en train de se
décider à Paris. Mais significatif est
le fait que la France ait lancé un plan
qui prévoit des opérations militaires
conjointes d’un groupe de pays de l’Ue
indépendamment des mécanismes
décisionnels de l’Ue : l’accord a été
signé à Luxembourg, le 25 juin, par
France, Allemagne, Belgique, Danemark,
Pays-Bas, Espagne, Portugal, Estonie et
Grande-Bretagne, qui pourra ainsi y
participer même après la sortie de l’Ue
en mars 2019. L’Italie, a précisé la
ministre française de la défense Parly,
n’a pas encore apposé sa signature pour
“une question de détails, pas de
substance”.
Le plan a été en fait
approuvé par l’Otan, car “il complète et
potentialise la rapidité des forces
armées de l’Alliance”. Et, souligne la
ministre italienne de la défense Trenta,
comme “l’Union européenne doit devenir
un producteur de sécurité au niveau
mondial, pour le faire elle doit
renforcer sa coopération avec l’Otan”.
Édition de mardi 3 juillet 2018 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/usa-e-nato-soppiantano-la-ue-in-crisi/
Traduit de l’italien par M-A P.
Le sommaire de Manlio Dinucci
Le
dossier Monde
Les dernières mises à jour
|