L'art de la guerre
70ème
anniversaire de la République populaire
chinoise : l’effacement de l’histoire
Manlio Dinucci
© Manlio
Dinucci - Capture
d'écran PalSol
Mardi 1er octobre 2019
Il y a
soixante-dix ans, le 1er
octobre 1949, Mao Zedong proclamait, de
la porte de Tien An Men, la naissance de
la République populaire chinoise.
L’anniversaire va être célébré
aujourd’hui avec une parade militaire,
devant la porte historique à Pékin. De
l’Europe au Japon et aux États-Unis, les
grands média la présentent comme une
ostentation de forces d’une puissance
menaçante. Pratiquement personne ne
rappelle les dramatiques épisodes
historiques qui menèrent à la naissance
de la Nouvelle Chine.
Ainsi
disparaît la Chine réduite à l’état
colonial et semi-colonial, soumise,
exploitée et démembrée, depuis la moitié
du 19ème, par les puissances
européennes (Grande-Bretagne, Allemagne,
France, Belgique, Autriche et Italie),
par la Russie tsariste, par le Japon et
par les États-Unis. Ainsi efface-t-on le
sanglant coup d’état effectué en 1927
par Chiang Kai-shek -soutenu par
les Anglo-Étasuniens- qui extermine une
grande partie du Parti communiste (né en
1921) et massacre des centaines de
milliers d’ouvriers et paysans. On ne
dit mot de la Longue Marche de l’Armée
Rouge qui, commencée en 1934 comme une
retraite désastreuse, va être
transformée par Mao Zedong en un des
plus grands exploits politico-militaires
de l’histoire. On oublie la guerre
d’agression contre la Chine déclenchée
par le Japon en 1937 : les troupes
nippones occupent Pékin, Shanghai et
Nankin, massacrant dans cette dernière
plus de 300 mille civils, tandis que
plus de dix villes sont attaquées avec
des armes biologiques. On ignore
l’histoire du Front uni anti-japonais,
que le Parti communiste constitue avec
le Kuomintang : les troupes du
Kuomintang, armés par les États-Unis,
d’un côté combattent les envahisseurs
japonais, de l’autre soumettent à
embargo les zones libérées par l’Armée
rouge et fait en sorte que se
concentrent contre elles l’offensive
japonaise ; le Parti communiste, qui est
passé de 40 mille à 1,2 millions de
membres, guide de 1937 à 1945 les forces
populaires dans une guerre qui use de
plus en plus l’armée nippone. On ne
reconnaît pas le fait que, avec sa
Résistance qui a coûté plus de 35
millions de morts, la Chine contribue de
façon déterminante à la défaite du Japon
lequel, battu dans le Pacifique par les
USA et en Mandchourie par l’URSS, se
rend en 1945 après le bombardement
atomique d’Hiroshima et Nagasaki. On
cache ce qu’il advient immédiatement
après la défaite du Japon : selon un
plan décidé à Washington, Chiang Kai-skek
tente de répéter ce qu’il avait fait en
1927, mais ses forces, armées et
soutenues par les USA, trouvent face à
eux l’Armée populaire de libération
d’environ un million d’hommes et une
milice de 2,5 millions, forts d’un vaste
appui populaire. Environ 8 millions de
soldats du Kuomintang sont tués ou
capturés et Chiang Kai-shek s’enfuit à
Taiwan sous protection étasunienne.
Voilà,
en une extrême synthèse, le parcours qui
mène à la naissance de la République
populaire chinoise il y a 70 ans. Une
histoire rarement ou pas du tout traitée
dans nos manuels scolaires, marqués par
une vision eurocentrique restreinte du
monde, de plus en plus anachronique. Une
histoire sciemment effacée par
politiciens et faiseurs d’opinions parce
qu’elle met à jour les crimes de
l’impérialisme, mettant sur le banc des
accusés les puissances européennes, le
Japon et les États-Unis : les “grandes
démocraties” de l’Occident qui s’auto-proclament
juges suprêmes avec le droit d’établir,
sur la base de leurs canons, quels pays
sont démocratiques et lesquels ne le
sont pas.
Mais
nous ne sommes plus à l’époque des
“concessions” (zones urbaines sous
administration étrangère) que ces
puissances avaient imposées à la Chine,
quand au parc Huangpu à Shanghai il
était “interdit d’entrer aux chiens et
aux chinois”.
Édition de mardi 1er octobre 2019 de
il manifesto
https://ilmanifesto.it/70-della-rpc-la-cancellazione-della-storia/
Traduit de
l’italien par M-A P.
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