L'art de la guerre
La politique de (dés)armement
Manlio Dinucci
Mardi 1er juillet 2014
Un chargement d’armes chimiques
syriennes va être transbordé demain à
Gioia Tauro[1]
(Calabre), du navire danois Ark Futura
au navire étasunien Cape Ray. C’est le
dernier envoi, par lequel
la Syrie a terminé le
désarmement chimique, sous le contrôle
de l’Organisation pour l’interdiction
des armes chimiques. Damas a ainsi tenu
son engagement pris dans le cadre de
l’accord établi avec la médiation de
Moscou, qui en échange avait obtenu de
Washington la promesse de ne pas
attaquer
la Syrie. Le
transfert et la destruction successive
des armes chimiques syriennes –déclare
la ministre des Affaires étrangères
Mogherini- « pourrait ouvrir
d’ultérieurs scénarios de désarmement et
de non prolifération dans la région ».
Elle tait par contre le fait que, alors
que
la Syrie
a renoncé aux armes chimiques, Israël a
construit un arsenal chimique
sophistiqué, qui reste secret
puisqu’Israël a signé mais non ratifié la Convention sur les armes
chimiques. Comme il l’a fait avec son
arsenal nucléaire, qui reste secret
puisqu’Israël n’a pas signé le Traité de
non-prolifération. Mogherini tait
surtout la façon dont les Etats-Unis
contribuent au « désarmement » dans la
région : au moment précisément où Damas
termine le désarmement chimique, en
montrant sa propension à la négociation,
le président Obama demande au Congrès
500 millions de dollars pour armer et
entraîner des « membres contrôlés de
l’opposition syrienne ». Comme ceux en
majorité non Syriens – recrutés en
Libye, Afghanistan, Bosnie, Tchétchénie
et autres pays, que
la Cia
a pendant des années armés et entraînés
en Turquie et Jordanie pour les
infiltrer en Syrie. Parmi eux, de
nombreux militants de l’Etat islamique
de l’Irak et du Levant (Isis, ou EIIL)
entraînés par des instructeurs dans une
base secrète en Jordanie. Bien que Damas
ait réalisé le désarmement chimique, et
qu’émergent d’autres preuves que ce sont
les « rebelles » qui ont utilisé des
armes chimiques en Syrie, Washington
continue à les armer et à les entraîner
pour renverser le gouvernement syrien.
Emblématique est la déclaration du
Sommet G7 à Bruxelles, reflet de la
politique de Washington. Sans dire un
mot sur le désarmement chimique syrien,
le G7 « condamne la brutalité du régime
d’Assad, qui mène un conflit qui a tué
plus de 160mille personnes et en a
laissé 9,3 millions dans une nécessité
d’assistance humanitaire ». Et,
qualifiant de fausses les élections
présidentielles du 3 juin, sentencie
qu’ « il n’y a pas d’avenir pour Assad
en Syrie ». Il fait en même temps
l’éloge de « l’engagement de
la Coalition nationale
et de l’Armée syrienne libre à soutenir
le droit international », tandis qu’il
« déplore » le fait que la Russie et la Chine ont bloqué au Conseil
de sécurité de l’ONU une résolution qui
demandait de déférer les gouvernants
syriens à
la Cour
pénale internationale de La Haye. Les
objectifs de Washington sont donc
clairs : abattre le gouvernement de
Damas, soutenu notamment par Moscou, et,
en même temps (y compris par
l’intermédiaire de l’offensive de
l’EIIL, fonctionnelle à la stratégie
étasunienne), déposer le gouvernement de
Bagdad, qui avait pris ses distances des
USA et s’était rapproché de
la Chine et de
la Russie. Ou, en
alternative, « balkaniser » l’Irak en
favorisant sa division en trois
morceaux. Dans ce but Washington envoie
en Irak, en plus de drones armés qui
opèrent depuis le Koweït, 300
conseillers militaires avec la mission
de constituer deux « centres
d’opérations conjointes », un à Bagdad
et l’autre au Kurdistan. Pour conduire
ces opérations et d’autres, définies
officiellement de « contre-terrorisme », la Maison Blanche demande au Congrès des fonds
additionnels : 4 milliards de dollars
pour le Pentagone (surtout pour ses
forces spéciales), un milliard pour le
Département d’Etat, 500 millions pour
des « situations imprévisibles ». En
réalité facilement prévisibles.
Edition de mardi 1er juillet
2014 de
il manifesto
http://ilmanifesto.info/la-politica-del-disarmo/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[1]
Le port calabrais de Gioia Tauro
(province de Reggio Calabria)
est le plus grand port
méditerranéen de transfert de
chargement (transhipment).
NdT.
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