Opinion
L'F-35 made in Italy
Manlio Dinucci
Photo:
D.R.
Mardi 1er avril 2014
Deux positions s’affrontent dans le Pd (Partito
democratico) sur la question des F-35.
Celle de Roberta Pinotti, ministre de la Défense, qui dit aux
dirigeants de l’aéronautique de « rester
sereins » parce que, comme a assuré le
premier ministre Renzi au président
Obama, l’Italie « ne peut faire aucun
pas en arrière » dans l’achat des
chasseurs. Celle de Gian Piero Scanu,
chef du groupe Pd à la commission
Défense de la Chambre, qui envisage une
réduction du nombre de chasseurs à
acheter, décidée par le Parlement après
une «enquête analytique», et assure que
« le président des Etats-Unis s’est
montré confiant et a donné l’impression
de ne pas vouloir interférer ». On
oublie, dans le « débat », un petit
détail : que l’Italie n’est pas un
simple acquéreur, mais un important
producteur du chasseur F-35. Après la
signature du premier mémorandum d’accord
de la part du gouvernement D’Alema en
1998, c’est le gouvernement Berlusconi
qui a signé en 2002 l’accord qui a fait
entrer l’Italie dans le programme comme
partenaire de niveau 2. En 2007 c’est le
gouvernement Prodi qui l’a perfectionné
et envisagé l’achat de 131 chasseurs. En
2009 c’est le gouvernement Monti qui a
« re-calibré » le nombre de chasseurs de
131 à 90 pour montrer que, face à la
crise, tout le monde doit se serrer la
ceinture. En 2013 c’est le gouvernement
Letta et en 2014 celui de Renzi qui ont
confirmé les engagements de l’Italie
dans le programme F-35 chapeauté par
Lockheed Martin, premier producteur
mondial d’armements avec un chiffre
d’affaire militaire annuel de plus de 36
milliards de dollars. La machine
productive est désormais en marche. Le
12 juillet 2013 Northrop Grumman, un des
partenaires du contrat, a remis au site
Faco di Cameri la section centrale du
fuselage du premier F-35 destiné à
l’Italie. Ceci se passait après qu’en
mai
la Chambre avait engagé
le gouvernement à « ne procéder à aucune
phase d’acquisition ultérieure » du
F-35. Le 6 mars 2014, communique
Lockheed, le premier F-35 avec des
composants d’ailes fabriqués par Alenia
Aermacchi a décollé pour un vol d’essai
au Texas. Lockheed elle-même publie une
carte du réseau producteur du F-35 en
Italie. Des composants du chasseur sont
produits à Cameri (Novare) par Alenia, à
Borgomanero (Novare) par Mecaer, à Turin
par Alenia Aeronautica et Selex Galileo,
à Saronno (Varese) par Rotodyna, à Milan
par Secondo Mona et Aerea, à Gênes par
Piaggio Aero, à Casella (Gênes) par Moog
Casella, à
La Spezia par Oto
Melara et Elettronica Melara, à
Montevarchi (Arezzo) par Selex
Communication et Sirio Panel, à Foligno
(Pérouse) par Oma, à Ortona (Chieti,
Abruzzes) par Samputensili, à Cisterna
di Latina/Pomezia (Rome) par Selex
Communication (Marconi), à Aprilia
(Latina, Région Latium) par Aviogel et
Aero Sekur, à Rome par Selex SI,
Elettronica, Gemelli, Logic, Mbda Italia,
S3Log, Selex Communication (Marconi),
Vitrociset ; à Capoue (Caserta,
Campanie) par Cira, à Palerme par
Galileo Avionica. L’Italie a donc été
doublement ligotée au programme F-35 :
en tant que productrice du chasseur,
elle est obligée d’en acheter un nombre
convenable. Tout au plus peut-elle
différer les lots à acheter, mais sans
descendre au-dessous de certains niveaux
car les industries productrices en
subiraient des dommages. Résultat dans
tous les cas : tandis que les millions
des contrats pour la production des
composants entrent dans les caisses de
sociétés privées, les milliards pour
l’achat des chasseurs sortent des
caisses publiques. La seule solution est
de sortir du programme. Le président
Obama, dont Scannu assure qu’il « ne
veut pas interférer », a cependant été
clair : vous pouvez promettre quelques
«économies», mais à condition de ne pas
sortir du programme.
Edition de mardi 1er avril
2014 de
il manifesto
http://ilmanifesto.it/lf-35-made-in-italy/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Note de la traductrice :
A défaut de la carte de la société
Lockheed Martin citée par l’auteur,
on trouvera ici
http://www.sitocomunista.it/internazionale/usa/basiUSA.htm
une autre indication de la souveraineté
politique et territoriale de l'Italie :
réseau des 113 bases et sites militaires
étasuniens protégeant le petit poucet
italien de « l’ogre russe ». La carte a
plus de dix ans mais la "protection" n'a
pas faibli : elle s'est perfectionnée
technologiquement.
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