Aperçu
historique sur quelques moments forts
des dix ans (1994-2004) de lutte armée
du CNDD-FDD (*)
L’histoire du
CNDD-FDD est vieille d'une décennie.
Tout a commencé par une création presque
simultanée de la branche politique
(CNDD) et la branche armée (FDD) par une
coalition des cadres issus
essentiellement du FRODEBU et du
PALIPEHUTU, mais aussi du FROLINA. Le
parti et sa branche armée, les Forces
pour la Défense de la Démocratie (FDD)
furent confiés à Mr Léonard NYANGOMA,
qui fut Ministre de la Fonction
Publique, du Travail, du Rapatriement et
de la Réinsertion des Réfugiés dans
l’éphémère gouvernement de Melchior
NDADAYE, assassiné le 21 octobre 1993
avec l’essentiel de ses collaborateurs
lors d’une tentative de coup d’État
opéré par une partie de l’armée et
commandité par des jusqu’au-boutistes de
l’ancien parti unique UPRONA.
Quelques mois
avant l’ouverture des négociations
d’Arusha le 15 juin 1998, NYANGOMA fut
démis de ses fonctions par son chef
d’État-major, le colonel Jean-Bosco
NDAYIKENGURUKIYE, un ancien
aspirant-officier de l’ISCAM. NYANGOMA
récidiva et s’accrocha à la tête du CNDD
original et des FDD-Intagoheka, et ce
jusqu’à ce jour. Ainsi naquirent deux
branches avec des sigles et
dénominations pour le moins confuses, le
CNDD de NYANGOMA et le CNDD-FDD. La
nouvelle direction du CNDD-FDD fut
confiée au Colonel Jean Bosco
NDAYIKENGURUKIYE, pourtant considéré
comme l’homme de NYANGOMA, tous deux
originaires de Bururi. Certains ont même
cru, pendant longtemps, que NYANGOMA et
NDAYIKENGURUKIYE avaient aussi des liens
de parenté. Des sources concordantes
affirment que l’artisan de ce changement
fut Hussein RADJABU, considéré comme le
véritable «homme fort», et qui installa
NDAYIKENGURUKIYE à la tête du mouvement
à titre de Coordinateur Général du
mouvement, le poste de Président ayant
été supprimé pour des raisons
stratégiques. Hussein RADJABU se
contentera alors du poste de Secrétaire
Général du mouvement, un poste hautement
stratégique qui lui permit de consolider
le mouvement à partir de la base,
surtout avec les combattants FDD. Quant
à Pierre NKURUNZIZA, il devint
Secrétaire Général adjoint. Du côté
militaire, il faut noter le ralliement
de Adolphe NSHIMIRIMANA, qui fut promu
Chef d’État Major des FDD et plus tard
avec le grade de Général Major.
Il faut noter
que tout cela se passe en plein guerre
au Congo. NDAYIKENGURUKIYE alla
s’installer à Lubumbashi (RDC) où il
occupait une position privilégiée au
sein de la chaîne de commandement des
forces alliées au gouvernement congolais
(Zimbabwe, Angola et Namibie). Cette
position lui offrit la tentation d’avoir
deux chefs d’État major, l’un au
Burundi, l’autre au Congo. Des
mécontentements liés à des pratiques de
détournement des armes destinées à
entretenir le front burundais
commencèrent à circuler. On raconte même
que plusieurs cargaisons d’armes
auraient été ainsi détournés par
NDAYIKENGURUKIYE et ses hommes,
notamment son Chef d’État major au
Congo, un certain Prime NGOWENUBUSA. Ce
dernier, lui-même ancien
aspirant-officier de l'armée burundaise,
aurait quitté l'ISCAM avec
NDAYIKENGURUKIYE dans la nuit fatidique
du 21 octobre 1993. Le détournement des
fonds et armes destinées à la lutte
armée, ainsi que l’assassinat des
combattants non originaires de Bururi
furent les principaux griefs reprochés à
NYANGOMA et qui auraient
vraisemblablement motivé sa destitution
en 1998.
C’est donc au
regard de tout cela que, en septembre
2001, le CNDD-FDD fut a son tour
saucissonné en deux branches
politico-militaires rivales avec la
destitution de NDAYIKENGURUKIYE. Le
colonel resta à la direction de la
branche récidiviste tandis que la
branche progressiste, celle-là même qui
vient de se transformer en parti
politique, fut confiée à Pierre
NKURUNZIZA à titre de Représentant Légal
de l’organisation. Le CNDD-FDD constitua
alors un mouvement politico-militaire
fort autour de trois personnalités
clefs, dont Pierre NKURUNZIZA lui-même,
Hussein RADJABU et Adolphe NSHIMIRIMANA.
Une fois de plus, ce dernier préféra
rallier l’équipe du changement, et il
est alors maintenu au plus haut
commandement des FDD comme Chef d’Etat-Major
Général des FDD par la nouvelle
direction. Il sera promu Général-Major
quelques temps après, suite aux
recommandations du congrès de Makamba de
janvier 2002. Des nouveaux statuts du
mouvement furent adoptés le 2 Octobre
2002, soit neuf mois après ce premier
congrès tenu de façon semi-clandestine
au sud du pays.
Fort de
l’appui tacite de la Tanzanie,
considérée comme le pays-père des
mouvements de libération en Afrique
australe, l’Afrique du Sud, l’Ouganda et
dans une certaine manière le Gabon
épousèrent très facilement la cause du
CNDD-FDD par ses ressemblances avec la
lutte contre l’apartheid en Afrique du
Sud, et la lutte armée contre les
dictatures fascistes en Ouganda et
ailleurs sur le continent noir.
Quant au FPR
(Front Patriotique Rwandais) de Paul
KAGAME, lui-même un ancien chef rebelle
devenu Président de la République de son
pays à l’issue de trente ans d'assauts
sporadiques armés, et infructueux
jusqu’en 1990-94 avec l’appui militaire
de Yoweri MUSEVENI de l’Ouganda (lui
même un ancien maquisard), ses relations
avec le CNDD-FDD sont restées mitigées,
avec une crainte et un respect plus ou
moins mutuels, le FPR étant conscient
que si ses troupes n’ont pas réussi à
atteindre leur objectif militaire
qu’était Kinshasa, c’est en grande
partie grâce à la combativité des
maquisards FDD qui ont encadré et motivé
les troupes gouvernementales congolaises
qui étaient jusque-là peu expérimentées
aux techniques de la guérilla.
C’est ainsi
donc que les hommes de Pierre NKURUNZIZA
réussirent, en quelques mois seulement,
à mener des négociations avec Bujumbura
qui leur permirent d’arracher, le 16
novembre 2003, un accord historique de
cessez-le feu qui reconnaissait aux
seuls combattants FDD le droit de garder
tout leur arsenal de guerre, -en fait
toutes leurs armes et minutions-,
pendant tout le processus de la
formation de la nouvelle armée
nationale, dénommée dans l’accord, les
Forces de défense nationale (FDN).
Toutefois, bon nombre d’observateurs se
sont posés la question de savoir
pourquoi cette volonté subite de la part
d’un mouvement rebelle, pourtant appuyé
par la population, et apparemment bien
armé, de vouloir renoncer à une victoire
militaire qui pourtant leur semblait
acquise tout au moins à long terme. Il
faut dire que, sur le plan militaire, le
temps jouait effectivement en sa faveur.
Mais sur le
plan structurel, les risques d’un autre
saucissonnage semblable aux deux
précédents n’était pas à écarter. Fort
de leurs assises au sein de la
population, les responsables du CNDD-FDD
ont donc changé de stratégie et décidé
de prendre le pays par une stratégie
légaliste, par les élections. Rappelons
que le tandem FRODEBU-UPRONA menaçait de
déclencher les élections sans le
CNDD-FDD, ce qui aurait par la suite
jeté un discrédit à toute continuation
de la guerre par qui que ce soit, et ce
faisant, jeté les bases objectives au
saucissonnage du mouvement.
Ainsi donc le
6 décembre 2003, NKURUNZIZA et RADJABU
entamèrent un périple très médiatisé aux
allures pré-électorales qui les mena de
leur quartier général de Makamba au sud,
avec un escale stratégique à Gitega. Ils
décidèrent de descendre à Bujumbura par
hélicoptère, appuyés par une escorte
terrestre forte de quelques unités de
combattants FDD lourdement armés. Le
chef d’État-major des FDD, le Général de
Brigade Adolphe NSHIMIRIMANA, quitta
Gitega par voie terrestre en compagnie
de quelques compagnons d’arme.
Lourdement armés, sous applaudissements
d’un public médusé et des militaires
gouvernementaux heureux, appuyés contre
les canons refroidis et abaissés de
leurs chars de combats en signe de paix,
le général et ses hommes firent un
escale de victoire symbolique dans le
quartier populaire de KAMENGE, devenu le
quartier historique de la résistance
populaire. Là-même où tout avait
commencé.
Le même jour,
dans la soirée, Pierre NKURUNZIZA anima
une conférence de presse pour rassurer
la population de Bujumbura et couper
court à toutes spéculations sur l’entrée
des ex-rebelles à Bujumbura. Le 15
décembre 2003, sur invitation de l’Appel
de Genève (Geneva Call), le CNDDFDD,
représenté par Monsieur Hussein RADJABU,
signe l’Acte d’engagement à adhérer à
une interdiction totale des mines
antipersonnel. Cet acte fut un succès
diplomatique pour ce mouvement qui
venait à peine de sortir du maquis.
Quelques
heures après cette offensive
diplomatique des ex-rebelles, Adolphe
NHIMIRIMANA est nommé, par décret
présidentiel, Chef d'État-major Général
Adjoint de l'armée avec grade de Général
de Brigade. L’ancien animateur de la
résistance armée de Kamenge devenait
ainsi le premier Hutu à occuper ce poste
depuis le génocide des Hutu en 1972.
Le 06 janvier
2004, les FDD entrent officiellement
dans l'Etat-Major Intégré (EMI) des
Forces de Défense Nationale (FDN), le
nom que portera la future armée
nationale. Trois mois plus tard, soit le
16 mars 2004, fut créée une toute
première unité mixte de protection des
institutions qui comprend 60% des FAB et
40% des FDD selon l’esprit et la lettre
de l’accord global de cessez-le feu du
16 novembre 2003 et du protocole de
Pretoria du 8 octobre 2003, signés entre
le gouvernement de transition et
l’ex-mouvement rebelle CNDD-FDD. Le même
mois, soit le 23 mars, le président
Domitien NDAYIZEYE nomme les membres de
l'État-major Général intégré de la
Police Nationale. Les ex-rebelles des
FDD y sont représentés à hauteur de 35%
conformément au protocole d’accord de
Pretoria et à l’Accord de cessez-le feu
de Dar es Salaam.
Le 3 mai 2004,
l’ex-principal mouvement rebelle du
Burundi suspend sa participation au
conseil des ministres et au parlement
pour protester contre les retards
observés, selon lui, dans l'application
de l'accord global de cessez-le feu
signé le 16 novembre 2003 en Tanzanie.
Suite à cette politique de la chaise
vide, plusieurs cadres du CNDD-FDD
furent nommés dare-dare pour occuper des
postes de responsabilités au sein de
l’administration territoriale et dans la
diplomatie. Le 01 juillet 2004, l’armée
et les FDD organise un méga défilé fort
de plus 5000 hommes à l’occasion du
42ème anniversaire de l’indépendance. Ce
fut ainsi une première dans l’histoire
de l’armée burundaise de voir les FAB
les ex-rebelles défiler ensemble le jour
de l’indépendance. Ce méga rassemblement
fut également une façon de prouver aux
Burundais et aux amis du Burundi que les
forces armées burundaises et les FDD
sont capables de partager le toit et de
vivre dans l’harmonie.
Le 7 et 8 août
2004, le troisième congrès du CNDD-FDD
décide de transformer ce mouvement en
parti politique et annonce
officiellement sa participation dans la
prochaine compétition électorale prévue
à la fin de cette transition de trois
ans occupée respectivement et par
tranches égales par le Tutsi Pierre
BUYOYA (UPRONA) et le Hutu Domitien
NDAYIZEYE (FRODEBU). La transformation
du CNDD-FDD en parti politique est venue
tourner la page d’une autre guerre, sur
le plan politique: la bataille des noms
entre trois formations
politico-militaires qui se discutaient
depuis quelques années la paternité du
CNDD et sa branche armée FDD. Ainsi
donc, NYANGOMA garde son CNDD, l’aile de
NDAYIKENGURUKIYE s’est entre temps
transformée en Kaze-FDD, tandis que
NKURUNZIZA et RADJABU gardent les deux
sigles CNDD-FDD. Rappelons que, jusqu’à
présent, les deux mouvements de NYANGOMA
et NDAYIKENGURUKIYE ne sont pas encore
reconnues comme des partis politiques.
Sur le plan
militaire, NYANGOMA et NDAYIKENGURUKIYE
totaliseraient ensemble environ 2000
hommes, tandis que le CNDD-FDD
compterait pas moins de 27.000
combattants ayant chacun une arme, sans
compter quelques milliers de réservistes
formés mais sans armes, disséminés au
sein de la population.
Depuis la
signature de l’Accord global de
cessez-le feu, suivie de l’arrivée des
FDD dans la capitale, la paix est
revenue dans plus de 97% du territoire
national. Seules quelques communes de
Bujumbura rural subissent encore des
incursions sporadiques de l’autre
mouvement rebelle, les Forces Nationales
de Libération (FNL) d’Agathon Rwasa, que
les Chefs d’État de la sous-région
viennent de déclarer «organisation
terroriste» à l’issu d’un Sommet tenu à
Dar es Salaam du 18 au 19 août 2004. Le
FNL a revendiqué son implication dans le
massacre d’environ 150 réfugiés
Congolais d’un camp de Gatumba au
Burundi, essentiellement des Tutsi
Banyamulenge, pour la plupart des femmes
et des enfants.