EODE ZONE AFRICA
Burkina Fasso :
La révolution trahie et récupérée
Luc Michel
Photo:
D.R.
Jeudi 20 novembre 2014
Luc MICHEL pour EODE Zone Afrique/
Avec AFP – EODE Press Office/ 2014 11
19/
« Ce n'est pas la
gueule de bois mais il y a un peu de ça
(…)
Personne ne va se tromper, c'est lui qui
va diriger le pays ».
- Un diplomate à l’AFP.
« une confiscation
du pouvoir qui ne dit pas son nom
par le lieutenant-colonel qui semble
faire un one man show »
- Hama Ouédraogo (un fonctionnaire de 28
ans).
Dès les premières
heures de la Révolution Burkinabé,
j’avais exprimé sur les plateaux
d’AFRIQUE MEDIA TV mes inquiétudes sur
la récupération
du soulèvement par les hommes des
Occidentaux, l ‘Armée en tête.
J'affirmais que ce seraient les agendas
de Washington et Paris – qui ne sont pas
identiques – qui domineraient in fine.
L’actualité confirme mes craintes.
LE
LIEUTENANT-COLONEL ZIDA PREMIER
MINISTRE, LES CIVILS INQUIETS
La transition
civile, imposée par Washington sous
peine de sanctions, à peine entamée au
Burkina Faso, le lieutenant-colonel
Isaac Zida, qui avait pris le pouvoir
fin octobre à la chute de Blaise
Compaoré, a été nommé mercredi Premier
ministre, signe que l'armée va conserver
toute son influence dans le jeu
politique. Ce maintien de l'armée au
coeur du pouvoir a suscité une relative
inquiétude de la société civile et un
mécontentement parmi la plupart des
habitants de Ouagadougou, interrogés par
l'AFP.
Le président de la
transition Michel Kafando, qui avait
pris de lourdes responsabilités dans
l’assassinat de Sankara, "décide que
(...) M. Yacouba Isaac Zida est nommé
Premier ministre", selon un décret
officiel lu à la presse. Michel Kafando,
dans un entretien à Radio France
internationale (RFI) avait laissé
entendre qu'il était prêt à ce que
l'officier, inconnu il y a encore trois
semaines, "puisse jouer un rôle
essentiel dans la stabilisation" du
pays, insistant sur "la place"
nécessaire de l'armée dans la
transition, au vu du rôle qu'elle a joué
ces dernières semaines.
Après la chute du
président Blaise Compaoré, chassé par la
rue le 31 octobre après 27 ans de règne,
Isaac Zida, numéro 2 de la garde
présidentielle, avait alors soufflé le
pouvoir au chef d'état-major des armées,
qui s'était pourtant officiellement
déclaré. "Il a fait un vrai coup
d'Etat", remarquait un diplomate.
Au terme d'intenses
négociations impliquant l'armée, les
partis politiques et la société civile,
une charte de transition avait été
adoptée en fin de semaine et un nouveau
président intérimaire désigné, Michel
Kafando, chargé d'organiser des
élections générales d'ici novembre 2015.
La désignation de
Kafando, un diplomate expérimenté au
profil de technocrate -soutenu par
l'armée- avait été saluée par la
majorité des Burkinabè. Celle du colonel
Zida est en revanche diversement
commentée. "Il n'y a pas de problème que
Zida soit à la Primature" sachant que la
constitution intérimaire "n'interdit pas
que le Premier ministre soit un
militaire ou un civil", a commenté
Ablassé Ouédrago, l'un des chefs de
l'opposition.
Photo:
D.R.
QUELLE SERA LA
REACTION DE LA RUE ?
"Nous sommes
inquiets, mais pas plus que ça", a
déclaré à l'AFP Me Guy Hervé Kam,
porte-parole du BALAI CITOYEN, un
mouvement dont les capacités de
mobilisation de la jeunesse ont compté
dans la chute de Compaoré. Sams'K le Jah,
chanteur et co-fondateur du BALAI
CITOYEN, dit attendre ses actes pour
juger Zida, et relève que, au pouvoir,
des civils sont parfois "pires que des
militaires". "Il va falloir voir dans
quelle mesure cette nomination est de
nature à changer l'orientation de la
transition", a commenté Siaka Coulibaly,
politologue et membre de la société
civile.
Mais pour Moussa
Yabré, hôtelier de 29 ans à l'air
triste, "la révolution vient d'échouer".
L'armée "veut nous voler notre lutte",
peste Assane Ilboudo, étudiant de 25
ans. Même écho chez Hama Ouédraogo, un
fonctionnaire de 28 ans, qui dénonce
"une confiscation du pouvoir qui ne dit
pas son nom" par le lieutenant-colonel
qui semble faire un "one man show".
La jeunesse, qui a
porté la contestation et semble
particulièrement hostile à un pouvoir
militaire qui serait "une trahison de la
révolution", pourrait cependant réagir
avec virulence, avec une possible
reprise de la contestation dans la rue.
"Il ne reste plus que Kafando nomme un
élément de la garde présidentielle comme
Premier ministre pour couronner cette
mascarade", lançait l'un d'eux Philippe
Edouard Kaboré, 26 ans, applaudi par un
groupe d'étudiants, poing dressé…
ZIDA, UN «
MILITAIRE DE L'OMBRE INSTALLE AU COEUR
DU POUVOIR »
(DIXIT L’AFP) QUI A PRIS LA MAIN
Suspension des
conseils municipaux et régionaux,
limogeage de deux responsables
d'entreprises publiques pour "sabotage":
le lieutenant-colonel, avant même sa
nomination par décret mercredi, a montré
ces dernières heures qu'il entendait
continuer de tenir les rênes. Car dans
les faits, le nouveau Premier ministre
avait déjà pris la main dans des
domaines publics importants. Les patrons
de la Société nationale burkinabè des
hydrocarbures (Sonabhy) et d'électricité
(Sonabel), proches du clan Compaoré, ont
en effet été limogés "pour sabotage".
Ces mesures s'ajoutent à la suspension
des conseils municipaux et régionaux,
dans lesquels les pro-Compaoré étaient
fortement majoritaires.
L’AFP dresse le
portrait de Zida : « Solide gaillard à
la fine moustache et aux lunettes sans
monture, cet officier protestant de 49
ans était inconnu des Burkinabè avant la
crise qui a emporté le président
Compaoré le 31 octobre, forcé à fuir
sous la pression populaire. Depuis lors,
le numéro deux de la garde
présidentielle a su se rendre
incontournable. Durant près de trois
semaines, ce natif de Yako (centre)
formé au Centre d'entraînement commando
de Pô (sud), un lieu stratégique du
pouvoir, a exercé sans complexe les
fonctions de chef de l'Etat et donné le
rythme de la transition. Toujours en
uniforme, béret rouge vissé au crâne,
c'est lui que viennent alors voir des
chefs d'Etat de la région pour tenter
d'obtenir le retrait de l'armée. C'est
aussi lui qui reçoit les nombreux
acteurs de la scène burkinabè, pilotant
les tractations sur la transition et
négociant chèrement la place des
militaires dans la future architecture
institutionnelle. »
L’action du colonel
ne peut qu’inquiéter : « Il affiche
toutefois une certaine prudence: il
établit ses quartiers au Conseil
économique et social, et non dans le
palais présidentiel déserté
Mais le colonel
Zida est surtout l’homme des
occidentaux, aussi bien de Paris que de
Washington : « Dans les heures qui
avaient suivi la chute de Compaoré, les
hauts gradés de l'armée avaient préféré
Zida au chef d'état-major des armées, le
général Nabéré Honoré Traoré, qui
s'était déclaré mais que beaucoup
considéraient comme trop proche de
l'ancien président.
Le lieutenant-colonel est, lui, connu
pour être un proche du général Gilbert
Diendéré, le chef d'état-major
particulier de l'ex-chef de l'Etat.
Officier discipliné, Zida a intégré la
garde présidentielle en 1996 et est
respecté de la troupe. Quand éclate en
2011 une mutinerie qui, déjà, faillit
faire tomber le régime, il est l'un des
rares au sein du RSP à être épargné par
les mutins, quand les autres gradés
subissent la furie des soldats.
Titulaire d'un master en management
international de l’université Jean
Moulin de Lyon (France), il a exercé
entre 2008 et 2009 comme Casque bleu au
sein de la Mission onusienne en
République démocratique du Congo ».
Durant la crise ivoirienne (2002-2011),
il fut un officier de liaison dans le
cadre de la médiation menée par le
président Compaoré.
Et plus grave
encore, il a suivi en 2012 une formation
antiterroriste en Floride (Etats-Unis),
c’est-à-dire sous le contrôle des
grandes agences US, dont la CIA.
L’UA AFRICAINE
BAFOUEE !
« Mais, s'il donne
rapidement des gages de bonne volonté
quant à un passage de flambeau aux
civils, il se pose aussi en défenseur de
la souveraineté nationale », dit avec
satisfaction l’AFP.
« Il défie ainsi l'Union africaine (UA),
balayant d'un revers de main ultimatum
et menaces de sanctions ».
Le délai de deux
semaines fixé par l'UA pour un retour à
un pouvoir civil, "ce n'est pas
véritablement une préoccupation pour
nous", lance-t-il. "L'UA peut dire +dans
trois jours+, ça n'engage que l'Union
africaine".
Où est la volonté
du peuple ivoirien qui a chassé Compaoré
dans tout cela ???
Luc MICHEL
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