LUC MICHEL’S
GEOPOLITICAL DAILY
Géopolitique du Vatican : puissance
politique,
pouvoir spirituel, diplomatie influente,
leadership,
soft power mondial ...
Luc Michel
Mercredi 6 décembre 2017/
LUC MICHEL (ЛЮК МИШЕЛЬ) & EODE/
Luc MICHEL pour EODE/
Quotidien géopolitique – Geopolitical
Daily/
2017 12 06/
« Bien que ces temps-ci la laïcité soit
largement mise en avant et bien que le
Vatican soit le plus petit état du
monde, la géopolitique de ce dernier
n'est pas négligeable. En effet, le
petit territoire papal dispose d'un
important réseau diplomatique et d'un
réel soft power, basé sur la religion
catholique. Grâce à ses nombreuses
églises et monastères, le Vatican a une
présence mondiale certaine. Dans le
passé, le petit quartier de Rome a
participé à des opérations clandestines,
comme l'organisation de l'évasion de
dignitaires nazies en Amérique latine.
Enfin, aujourd'hui, les discours du pape
et les JMJ ont une audience qui touchent
plusieurs continents »
- Simon Lefaure (géographe, le
sanctuaireaux idées).
“Le pape combien de
divisions ?”, demandait Staline en 1945
(1). C’est pourtant un pape, le polonais
Karol Wojtila, qui donnera la première
secousse létale au Bloc soviétique …
La diffusion ce 5
décembre du documentaire de Constance
Colonna-Cesari « Les diplomates du Pape
» par la RTBF belge (avant France 2 et
Arte) – production très atlantiste et
occidentale, qui diffame Poutine et
Assad - a remis ces derniers jours la
Géopolitique du Vatican à l’ordre du
jour. Ce documentaire dévoile un objet
par nature discret, sinon secret : la
diplomatie du pape François, le premier
pape jésuite et latino-américain de
l’histoire. Il nous emmène ainsi dans
les coulisses de la diplomatie de
l’Eglise catholique.
I-
ACTUALITE DE LA GEOPOLITIQUE DU VATICAN
:
« LES DIPLOMATES DU PAPE »
Ce « film nous
entraîne dans des lieux de pouvoir
inaccessibles et met en lumière les
moyens utilisés par la politique
extérieure du Vatican. En donnant la
parole au Secrétaire d’État du pape, à
son Ministre des Affaires étrangères et
à ses ambassadeurs dans le monde, suivis
sur le terrain, Constance Colonna-Cesari
révèle les secrets de la politique
étrangère la plus puissante au monde »
(dixit La Libre).
Fruit d'un an de
tournage à Rome et dans le monde entier,
ce documentaire dévoile les coulisses de
la diplomatie du pape François. La
politique extérieure conduite
actuellement au sein de la Cité du
Vatican témoigne des objectifs et des
valeurs qui animent l'Eglise catolique.
Très vite, un premier constat s'impose :
« le Vatican s'apparente à une centrale
de renseignements digne des plus grands
Etats ». De la recherche d'une solution
politique à la guerre civile en Syrie
(où le Vatican pour préserver les
chrétiens d’Orient, penche du côté d’Assad),
en passant par le combat du pape pour
l'accueil des migrants par l'Europe, ou
à la vision d'autres moyens de juguler
le fléau du terrorisme djihadiste, les
grands dossiers d'actualité sont au cœur
de l’action du Vatican.
LES OBJECTIFS, LES
MOYENS ET LES VALEURS QUI ANIMENT
L’EGLISE CATHOLIQUE A TRAVERS LA
POLITIQUE EXTERIEURE CONDUITE AU SEIN DE
L’ETAT DE LA CITE DU VATICAN
En un peu moins
d’une heure, ce documentaire lève ainsi
le voile sur les objectifs, les moyens
et les valeurs qui animent l’Eglise
catholique à travers la politique
extérieure conduite actuellement au sein
de l’Etat de la Cité du Vatican. Il le
fait en donnant la parole aux diplomates
du pape François, à son Secrétaire
d’Etat, son Ministre des Affaires
étrangères et à ses Nonces apostoliques,
c’est à dire ses ambassadeurs auprès des
Etats : bref des hommes de l’ombre qui
ont accepté de se livrer face à sa
caméra.
Très vite, un
premier constat s’impose : le Vatican
s’apparente à une centrale de
renseignements digne des plus grands
états. Traditionnement confiée à l’Ordre
des Capucins et à la Garde suisse,
service de sécurité professionnel qui
n’a de folklorique que ses uniformes
surannés. D’ailleurs, les Américains ne
s’y trompent pas : c’est ce qu’ont
révélé les dépêches diplomatiques mises
en circulation par les " Wikileaks ".
Elles témoignent d’une opération de
surveillance de grande ampleur, par les
Etats-Unis, des moindres faits et gestes
estampillés " Saint-Siège ".
De la recherche
d’une solution politique à la guerre
civile en Syrie, en passant par le
combat du pape pour l’accueil des
migrants par l’Europe, à la vision
d’autres moyens de juguler le fléau du
terrorisme djihadiste ou à la relation
riche en tension avec l’Amérique de
Donald Trump, le film se déroule comme
un thriller. Son dernier acte nous mène
à la Havane, la capitale cubaine. En
révélant un pacte scellé entre Barack
Obama et le pape François, il témoigne
que les architectes de cette diplomatie
peuvent se transformer en véritables
agents secrets. Jusqu’à obtenir des
résultats parfois inaccessibles aux
autres Etats !
« LA DIPLOMATIE LA
PLUS PUISSANTE DU MONDE »
« Au Vatican, la
politique étrangère la plus puissante »,
commente La Libre (Bruxelles, 2 déc.
2017) : « Le Vatican est une minuscule
enclave mais elle assure au Saint-Siège
une "influence sans équivalence dans le
monde". Autre particularité annoncée
d’entrée de jeu dans le documentaire de
Constance Colonna-Cesari: l’Église
catholique est la seule à être organisée
en un État. Très célèbre et très visité,
le Vatican renferme la plus discrète et
la plus mystérieuse diplomatie dans le
monde. Les diplomates du pape François
sont des hommes de l’ombre, des
cardinaux venus de différents pays et
des Nonces apostoliques qui sont ses
ambassadeurs auprès des États (…) Alors
que l’on sait que le pape François est
un générateur de dialogue grâce à son
leadership et à ses signes forts sur le
terrain, le documentaire dévoile deux
caractéristiques intéressantes sur sa
politique. La première concerne le fait
que le Vatican soit "extraordinairement
informé", surtout grâce à ses multiples
agents sur le terrain. Toutes les
informations et données sont rassemblées
au sein d’un Conseil spécialisé. La
deuxième concerne le rôle de médiateur
plusieurs fois assumé par le Vatican
pour résoudre un conflit international.
Comme ce fut le cas en 1984 lorsqu’un
cardinal envoyé par Jean-Paul II a
réussi à convaincre les présidents de
l’Argentine et du Chili de signer un
Traité de Paix et d’Amitié, mettant fin
au conflit du Beagle. Le pape François,
qui tente de faire entendre sa voix à
propos de la guerre civile en Syrie,
pourra aussi se vanter d’avoir participé
au succès de l’accord historique entre
les États-Unis et Cuba ».
II-
UNE « TRICONTINENTALE » VATICANE :
LA GEOPOLITIQUE REELLE DE L’ÉGLISE
Du VIIIe siècle,
avec les rapports de force avec la
Dynastie carolingienne, puis avec les
empereurs germaniques, aux accords du
Latran de 1929 avec l’Italie de
Mussolini, la papauté n’a cessé de
combattre inlassablement pour s’assurer
un pouvoir territorial renforçant sa
puissance spirituelle. Déjà la
combinaison du « hard power » et du «
soft power » …
L’ÉGLISE CATHOLIQUE
EST LA SEULE RELIGION A ETRE ORGANISEE
EN UN ÉTAT
« Depuis le VIIIe
siècle, lorsque Pépin le Bref, père de
Charlemagne, appuya au moyen d'un faux,
la "donation de Constantin",
l'établissement d'une assise
territoriale au Vatican en échange du
soutien à ses prétentions royales, le
Saint-Siège est un état -ce qui fut
confirmé une fois pour toutes par les
accords du Latran entre Pie XI et
Mussolini, en 1929, commente Le Vif. Le
catholicisme est la seule religion
jouissant de prérogatives diplomatiques
pleines et entières, lui permettant de
faire jeu égal avec les autres nations
du monde. Sa diplomatie dessine une
politique étrangère particulièrement
puissante et l'arrivée à sa tête de
François, premier pape latino-américain
a marqué un tournant. »
La diplomatie
vaticane « manifeste la singularité du
catholicisme et le poids de l'histoire
sur le Saint-Siège. Ce dernier
représente en effet, de par sa double
nature d'acteur confessionnel et
politique, le seul gouvernement
religieux à entretenir des relations
diplomatiques avec des Etats, par
l'intermédiaire d'un réseau de
diplomates qui est l'un des plus étoffés
au monde ». On le constate avec les
voyages des papes, où apparaît le poids
des tensions religieuses (notamment avec
l’islam) et politiques (avec le
communisme, URSS jusque 1991, Chine
toujours) dans l'absence de relations
avec certains Etats.
LE SYNODE DE 2015
REVELE LA GEOPOLITIQUE ACTUELLE DU
VATICAN
Le synode sur la
famille qui s’est tenu à Rome a octobre
2015 a mis à jour et révélé la
géopolitique réelle de l’Église (2). Les
rapports de force, les influences et les
objectifs se lisaient dans les
interventions des participants et la
liste des membres. Et dévoilent une «
Tricontinentale » vaticane (comme il y
avait eu dans les Années 60 une «
Tricontinentale » révolutionnaire
dirigée par Cuba et Alger) …
LA DOMINATION DE
L’EUROPE SUR LA PUISSANCE VATICANE ET
L’EGLISE CATHOLIQUE QU’IL DIRIGE
« À ceux qui
croient que l’Europe est le ventre mort
du catholicisme, ce synode apporte un
cinglant démenti. Ce sont les Européens
qui mènent le débat depuis que se
prépare cette dernière session, et ce
sont les Européens qui font des
propositions et qui avancent des
réformes audacieuses. Que ce soit pour
changer la doctrine, pour l’adapter ou
pour la maintenir, le débat intellectuel
et théologique est en Europe »,
commentait alors ‘Contrepoints’. « Le
camp de l’adaptation au monde a son
épicentre en Allemagne et dans les
Flandres, avec les cardinaux Kasper et
Danneels, et de nombreux évêques venant
de ces régions. Ce groupe peut aussi
compter sur des Suisses et des Italiens
(…) Ce groupe n’est moderne qu’en
apparence. En réalité, il regroupe la
très ancienne fracture du camp impérial,
opposé à Rome et fidèle à l’Empereur ;
ce camp impérial et anti-romain dont une
partie a fait sécession lors de la
révolution luthérienne. Ils sont les
perpétuels gibelins (…) Face à eux, des
Européens fidèles à Rome et à la
permanence de la doctrine. En Espagne,
en Italie, en France. C’est le camp de
la romanité et des guelfes. L’Allemagne
est traversée par ces deux courants,
vieille fracture géopolitique entre la
part romaine et la part germanique. En
France, on retrouve la ligne de faille
révélée par la Manif pour tous : les
évêques qui l’ont soutenue ne veulent
pas de changement de doctrine, ceux qui
y ont été réticents, voire opposés, se
classent dans le premier camp. »
La
géopolitique repose sur des courant
historiques puissants, des cycles
extrêmement longs. La persistance sur
sept siècles de ce conflit historique
mlajeur nous le démontre encore, puisque
le conflit Guelfes-Gibelins remonte aux
empereurs germaniques du Moyen-Age et du
Temps des croisades, Henry IV, Frédéric
Barberousse et l’immense Frédéric II
Hohenstaufen (le géant historique du
Moyen-Age qui annonce la modernité et la
Renaissance).
« L’AFRIQUE,
NOUVELLE PATRIE DU CHRIST » ?
« L’heure de
l’Afrique ? » interroge ‘Contrepoints’ :
« La nouveauté synodale sera-t-elle du
côté de l’Afrique noire ? Dans les
années 1970-1980, l’Amérique latine
avait tenté une indépendance théologique
en développant la théologie de la
libération, s’opposant ainsi à Rome. En
Afrique, l’âge de la maturité semble
passer par la fidélité au siège de
Pierre. Le cardinal Sarah est le héraut
de ce continent qui refuse les
compromissions mondaines et les
ouvertures en matière de divorce et
d’unions homosexuelles (…)
les présidents des conférences
épiscopales africaines se sont réunis à
Accra, au Ghana, pour fonder un front
opposé aux changements de doctrine. Ils
refusent la colonisation culturelle de
la permissivité des mœurs et
l’importation, sur leurs terres, de
pratiques étrangères. Ils viennent de
publier un livre L’Afrique, nouvelle
patrie du Christ. Ce type de livre est
une première : jamais des évêques issus
d’un continent n’avaient parlé de façon
unanime au nom de ce continent. »
Les autres
continents, justement, sont pour
l’instant aphones :
« Aucune figure ne semble émerger en
Asie ou en Amérique latine pour évoquer
ces sujets. »
DEPLOYE SUR LA
CARTE DE L’ANCIEN EMPIRE OTTOMAN ET
DONNANT LA PRIMAUTE A L’ORIENT ANCIEN :
« LE CHRISTIANISME EST PLUS QUE JAMAIS
LA FOI DE L’HISTOIRE ET DE LA GEOGRAPHIE
»
La primauté de
l’Orient (conçu géopolitiquement au sens
classique ancien) apparaît à l’occasion
du Synode de 2015 :
« La publication de la liste des
participants au synode révèle quelques
belles surprises géopolitiques. Le début
de la liste présente ceux qui ont des
charges au synode (président,
secrétaires, rapporteurs…), puis
viennent les participants par aire
géographique. La première aire à être
nommée est l’Orient, avec notamment les
représentants coptes, melkites,
syriaques… Les appels du pape à protéger
et défendre les chrétiens d’Orient
s’illustrent ici par la primauté
géographique qui leur est donnée, alors
même que, numériquement parlant, ils
pèsent beaucoup moins que d’autres
continents. Dans cet Orient catholique,
on découvre notamment des représentants
de l’Ukraine, de la Roumanie, de la
Hongrie et de l’Éthiopie. Preuve que
l’Orient, dans la géopolitique
catholique, ne se borne pas aux Proche
et Moyen Orient. Cette carte ainsi
dessinée est celle de l’ancien Empire
ottoman. La structure étatique a
disparu, la permanence géoculturelle
demeure. Le christianisme est plus que
jamais la foi de l’histoire et de la
géographie. »
HERITAGE DE LA
ROMANITE AUX DEUX CAPITALES, ROME ET
BYZANCE, DANS LA GEOPOLITIQUE DU
VATICAN, LA TURQUIE EST UNE « PROVINCE
D’EUROPE »
Dans la
géopolitique du Vatican, la Turquie est
une « province d’Europe » (2) !
« Quant à la liste des membres venants
d’Europe, on y découvre la Turquie, en
la personne de l’évêque d’Istanbul,
précise ‘Contrepoints’. Turquie déjà
présente en Europe par l’intermédiaire
du championnat de football, à défaut de
l’UE. Occasion aussi de rappeler aux
Européens que l’Europe s’est construite
en Occident et en Orient, et que Byzance
fut, avec Rome, l’autre capitale de
l’Empire. Plus que jamais, la romanité
demeure une des clefs d’interprétation
de la géopolitique du catholicisme ».
NOTES :
(1) La
géopolitique, qui avait été dévoyée par
les nazis, était interdite en URSS.
Pourtant Staline lui-même, ancien
commissaire du peuple aux nationalités
et théoricien des nationalités du Parti
bolchévique, la pratiquait en maître
(Caucase, Mer noire, Bloc de l’Est). Et
il pratiquait aussi en maître ce qu’on
appellera beaucoup plus tard le « soft
power ». Notamment au travers du
Komintern, l’Internationale communiste
devenue instrument de la puissance
soviétique, et du grand chef d’orchestre
de son agit-prop, l’immense Willy
Münzenberg (que Goebbels copiera sans
limite).
Mais en 1945, après 4 longues années de
guerre et 27 millions de morts
soviétiques - qui ont conduit l’URSS où
le Komintern avait échoué (le plus
souvent écrasé par des armées
réactionnaires), à Berlin, Varsovie,
Budapest, Prague et Bucarest – Staline
ne croit plus qu’à la puissance
militaire brute …
(2) Voir
l’INSTRUMENTUM LABORIS publié par le
Vatican pour ce synode sur :http://www.vatican.va/roman_curia/synod/documents/rc_synod_doc_20150623_instrumentum-xiv-assembly_fr.html
(3) Bien que
résolument opposée à la puissance
vaticane et à ses alliances
occidentales, notre Ecole géopolitique
partage cette vision « romaine » de
l’Orient et singulièrement de la
Turquie. Istanbul (Byzance, la seconde
Rome, Moscou étant le troisième Rome),
Damas et le Levant, c’est aussi la
Grande-Europe eurasiatique, de
Vladivostok à Reykjavik et du Québec à
Antioche ! Le PCN, dès le début des
Années 80, faisait campagne avec le
géopoliticien de la « plus Grande-Europe
» Jean Thiriart, pour l'entrée immédiate
de la Turquie dans l'Union Européenne
(alors CEE). En 1987, nous lancions une
campagne « pour l'adhésion immédiate de
la Turquie à la Communauté européenne »,
précisant que les Communautaristes
européens voulaient une "Grande Europe
élargie aux deux rives de la
Méditerranée". Notre
position était alors bien isolée. Elle a
fait du chemin depuis.
Cfr. luc MICHEL, La
Turquie, Province d'Europe, in
CONSCIENCE EUROPEENNE, Charleroi, n° 18,
juillet 1987
Sur
http://www.pcn-ncp.com/pub/ofturquie.htm
Et :
http://www.pcn-ncp.com/PIH/pih-021118.htm
(Sources : AFP – Le
Vif – EODE Think-Tank – Conscience
Européenne – Contrepoints)
LUC MICHEL (ЛЮК
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