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Bassil dans l’œil du cyclone… ce qu’il a
refusé aux Américains… et ce que
l’Histoire lui retiendra !
Leila Mazboudi

Dimanche 8 novembre 2020 Peu d’observateurs
avisés au Liban croient sincèrement que
la décision américaine de sanctionner le
chef du Courant patriotique libre (CPL)
Gebran Bassil a pour but de le punir
pour corruption.
Au Moyen-Orient,
ceux qui prétendent ne pas le savoir
sont les mêmes qui demandent aux USA de
sanctionner les dirigeants et
responsables politiques locaux qui
rejettent leur diktat et leur ingérence
dans leurs affaires internes.
Etant une arme
frénétiquement utilisée par
l’administration de Donald Trump ces
dernières années, les cas ne manquent
pas: au Venezuela, à Cuba, en
Corée du nord, en Syrie, en Iran en
Russie, en Chine,… La liste est longue.
Certains finissent par plier comme c’est
le cas récent des responsables
soudanais. D’autres poursuivent la
résistance.
Au Liban, le gendre
du chef de l’Etat Michel Aoun semble
faire partie de ces derniers.
« Ni les sanctions
ne me font peur, ni les promesses ne me
trompent », a été sa première réaction
sur Twitter à la décision annoncée le
vendredi 6 novembre et en fonction de
laquelle ses avoirs aux États-Unis
seront gelés. Et il ne peut plus se
rendre dans ce pays.
Loin des
accusations de corruption formulées
solennellement par le chef Trésor
américain qui a annoncé les sanctions,
les responsables américains ne cachent
pas que les sanctions contre M. Bassil
visent les relations de son parti à
majorité chrétienne avec le Hezbollah.
Sous le couvert de l’anonymat, un
responsable de l’administration l’a
assuré pour l’AFP et pour Reuters.
D’autres preuves ne
manquent pas.
Cette exigence a
été réitérée en boucles par les
responsables américains qui ont visité
le Liban ces derniers mois.
La dernière
proposition avait été faite à M. Bassil,
officiellement, par l’ambassadrice
américaine au Liban Dorothy Shea qui
mène une campagne ouverte contre le
Hezbollah depuis son investiture au
Liban. Dans un message, cité par
le journal al-Akhbar, elle a demandé à
Bassil de couper les liens de son parti
avec le Hezbollah, de condamner son rôle
en Syrie et en Irak, de fournir des
garanties pour régler définitivement et
au plus vite le contentieux avec
l’entité sioniste sur la démarcation des
frontières maritimes, en observant la
ligne Hoff qui fait perdre au Liban une
importante surface de cette zone riche
en hydrocarbures. Et d’accepter de
séparer le dossier des frontières
maritimes de ceui des terrestres.
Elle lui a aussi
demandé de ne pas visiter la Syrie et
proposé certains noms libanais pour les
désigner aux plus hauts postes de la
fonction publique.
En échange, le
Etats-Unis lui ont promis de garantir
son avenir politique, rapporte une
source du camp du 8-mars proche de la
résistance au Liban, selon al-Akhbar.
Mais M. Bassil a
refusé.
Selon cette source,
sa réponse à ses interlocuteurs
américains a été la suivante : « la
relation avec le Hezbollah est une
relation avec une force politique
essentielle qui dispose d’une importante
assise populaire au Liban. Et le Courant
patriotique libre, à l’instar des autres
Libanais n’a rien à voir avec tous les
actes imputés au Hezbollah à l’étranger.
Ce qu’il a fait en Syrie a fourni une
protection pour le Liban et non le
contraire ».
M. Bassil a gardé
la même logique que celle qu’il avait
exprimée, en mars 2019, lors de la
visite du secrétaire d’état américain
Mike Pompeo au Liban.
« Le Hezbollah pour nous est un parti
libanais et non terroriste. Ses députés
sont élus par le peuple libanais, et
avec un grand soutien populaire. Sa
classification comme organisation
terroriste concerne l’Etat qui le fait.
C’est une question qui ne concerne pas
le Liban », avait-il assuré à son hôte
américain, qui par sa visite en mars
2019, avait donné le feu vert à ses
alliés locaux pour déclencher une
campagne sans merci contre le Hezbollah.
Entre ces deux
dates, il y a eu les pressions énormes
exercées sur le Liban.
Via d’abord le
mouvement de contestation qui a éclaté
en octobre 2019 et que les ONG financées
par les Etats-Unis ont tenté de
confisquer et d’attirer à leur agenda
anti résistance.
Puis par
l’éclatement de la crise financière qui
s’est illustrée entre autre par
l’assèchement du dollar du marché
libanais, la confiscation des avoirs en
dollars des Libanais dans les banques.
Crise imputée dans son ensemble aux
responsables qui ont dirigé les
gouvernements libanais depuis la fin de
la guerre civile et qui sont dans leur
grande majorité des pro américains. Mais
aussi et surtout au gouverneur de la
Banque centrale du Liban, Riad Salamé,
qui a gardé son poste immuablement
durant toute cette période. Un homme qui
a toujours été encensé par les
organisations internationales parrainées
par les USA.
Dernièrement, avant
l’annonce des sanctions, les pressions
ont pris la forme de priver M. Bassil de
nommer les ministres chrétiens du
cabinet ministériel en cours de
formation par le chef du courant du
Futur Saad Hariri. Pourtant, il lui va
de droit de le faire, ainsi qu’à son
parti dont le bloc parlementaire est le
plus important. Compte tenu du partage
communautaire en vigueur dans la plupart
des cabinets ministériels libanais ces
dernières années.
D’autant que
curieusement, le tandem chiite
Hezbollah-Amal a acquis ce droit, après
l’échec des tentatives destinées à le
diviser.
Serait-ce pour
cette raison là que M. Hariri s’est
tourné contre le CPL pour former un
gouvernement qui réponde aux attentes
des Etats-Unis, au motif de décrocher
l’aide internationale pour sauver le
Liban de sa crise, mais dans le but
surtout d’y faire passer à la sauvette
toutes les décisions hostiles à la
résistance et surtout aux intérêts du
Liban? Un gouvernement où la majeure
partie des ministres lui seraient
entièrement acquis .
Mais toutes ces
pressions n’ont pu avoir raison des
convictions de M.Bassil.
Pourtant, la
sanction qui le vise se veut plus
douloureuse. Promulguée sous la loi
Magnitsky, au moment où les résultats de
la présidentielle américaine penchent en
défaveur de Trump, elle devrait avoir
l’outil juridique qui lui permet de
résister aux tentatives de ceux qui
pourraient être tentés dans la prochaine
administration américaine de l’annihiler
ou de la passer aux oubliettes. Sa
dérogation nécessitera un processus
juridique compliqué et long.
Il faut s’attendre
à ce que la pression exercée sur M.
Bassil ne le vise pas à lui seul. Son
parti et surtout toute l’assise
populaire chrétienne sur laquelle il se
base est dans le collimateur. Ce n’est
pas par pure coïncidence que les
déclarations américaines sous couvert de
l’anonymat évoquant la nécessité de
rompre les liens avec le Hezbollah
accompagnent celles officielles qui se
contentent de fustiger la corruption.
Elles se veulent sans doute s’adresser à
l’opinion publique chrétienne au Liban
pour faire pression sur sa direction. Et
déchirer la page de l’entente de Mar
Mkhaïel entre le CPL et le Hezbollah en
2006 !
Il faut s’attendre
à ce que les efforts des Etats-Unis de
leurs alliés occidentaux s’acharnent sur
cette communauté qui a joué un rôle
décisif dans l’indépendance du Liban.
Dans le but de la séparer des forces
libanaises fidèles à la résistance.
C’est peut-être
dans cette perspective-là qu’il faudrait
comprendre les deux visites du président
français Emmanuel Macron au Liban, au
lendemain de l’explosion meurtrière du
port de Beyrouth à l’origine pas encore
non décelée, malgré une enquête à
laquelle ont participé Américains,
Français et Britanniques ! Une explosion
qui a surtout détruit en plus du port,
les jolis quartiers chrétiens du centre
de Beyrouth.
Il est vrai que la
communauté chrétienne libanaise qui
était prédestinée à faire partie
intégrante des visées occidentalo
israéliennes dans la région a opéré un
grand détour historique en rejoignant le
camp adverse qui fait passer les réels
intérêts du Liban et qui a infligé une
défaite au projet sioniste dans ce pays.
Mais il est vrai
aussi que le choix de cette communauté
s’inscrit dans la lignée de l’histoire
des Chrétiens d’Orient : soutenir et
s’impliquer dans les causes justes de
tous leurs compatriotes. Et non
s’enfermer dans des intérêts
communautaires, partisans ou personnels,
à leurs dépens ou aux dépens des
intérêts réels de leur pays.
Pour ce faire, M.
Bassil a sacrifié ses intérêts
personnels. L’Histoire lui rapportera
ses déclarations sur Twitter : « Je ne
m’insurgerai contre aucun Libanais. Je
ne sauverai pas ma peau pour que le
Liban sombre ». Tout y est dit.
Source:
Divers
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