Amérique latine
Les médecins cubains fournissent des
soins de santé
à ceux qui en ont besoin
mais les États Unis
veulent empêcher cela
Moon of Alabama
Jeudi 13 juin 2019 Par
Moon of Alabama – Le 11 juin 2019
L’administration
Trump veut réaffirmer son hégémonie sur
l’Amérique latine. Cuba est l’une de ses
principales cibles. Par l’intermédiaire
de ses alliés de droite et par ses
propres moyens, elle cible le programme
d’exportation le plus réussi de Cuba –
la fourniture de médecins cubains aux
pays qui en ont besoin.
En 2002,
l’administration Bush créait un
programme pour former des juristes
latino-américains à mener une
« guerre contre la corruption » dans
leur pays d’origine. De retour dans leur
pays, les personnes formées aux
États-Unis fourniront des renseignements
aux américains sur les politiciens de
gauche du pays. Cela permet aux
États-Unis de lancer une chasse aux
sorcières contre ceux qu’ils veulent
mettre à l’écart.
Sérgio Moro, un
juge brésilien, a participé à ce
programme américain. Alimenté par une
(dés)information en provenance des
États-Unis, il a lancé une
attaque judiciaire contre le
président brésilien de l’époque, Lula,
et son Parti des travailleurs. L’attaque
a été victorieuse. En 2018, Lula a été
mis en prison uniquement sur la base
d’allégations douteuses faites par un
témoin criminel.
Les
transcriptions fuitées des
conversations entre le juge Moro, le
procureur et d’autres personnes
impliquées démontrent que son intention
n’était pas de servir la justice mais de
faire incarcérer Lula pour empêcher son
parti de gagner la présidence. Le
complot a réussi et l’homme politique
d’extrême droite, Jair Bolsonaro, a
remporté les élections. Après son
investiture, il a immédiatement installé
Moro comme ministre de la Justice.
Bolsonaro a
immédiatement commencé à s’occuper des
priorités américaines. Ce sont surtout
les Brésiliens pauvres qui souffrent
maintenant de ces politiques. Leur accès
aux soins de santé a
fortement diminué :
Pendant sa campagne
présidentielle, M. Bolsonaro, un
populiste de droite, s'était engagé à
apporter des changements majeurs au
programme Mais Médicos [Plus de
médecins], une initiative lancée en
2013 alors qu'un gouvernement de gauche
était au pouvoir. Le programme envoyait
des médecins dans les petites villes du
Brésil, les villages indigènes et les
quartiers urbains violents et peuplés de
gens à faible revenu.
Environ la moitié
des médecins de Mais Médicos
étaient cubains, et ils étaient déployés
dans 34 villages indigènes éloignés et
dans les quartiers pauvres de plus de 4
000 villes, des endroits où les médecins
brésiliens évitaient en général de
s’installer. ...
Les médecins
cubains se plaignent depuis longtemps de
ne recevoir qu'une petite partie de
l'argent versé pour leur travail, et M.
Bolsonaro a déclaré qu'ils devraient
être autorisés à garder la totalité de
leur salaire et à emmener leur famille
avec eux au Brésil. Ils devaient
également réussir des examens
d'équivalence pour prouver leurs
qualifications.
"Nos frères
cubains seront libérés", déclarait
M. Bolsonaro dans ses propositions de
campagne officielles, celles présentées
aux autorités électorales. "Leurs
familles seront autorisées à émigrer au
Brésil. Et s'ils réussissent leur
requalification, ils commenceront à
recevoir le montant total volé par les
dictateurs cubains !"
Deux semaines après
la victoire de M. Bolsonaro à la
présidence en octobre, Cuba ordonnait à
tous ses médecins de quitter le pays.
Il y avait un total
de 11 500 médecins cubains au Brésil.
The Economist a
expliqué l’accord :
Les médecins
cubains participent au programme
brésilien Mais Médicos, qui vise
à apporter des services médicaux dans
des régions éloignées ou mal desservies
du pays en employant des médecins
étrangers, principalement des cubains.
Il a été créé en réponse aux
protestations de masse qui ont secoué le
Brésil en juin 2013 au sujet de la
mauvaise qualité des services publics, y
compris les soins de santé. Le programme
verse à chaque participant un salaire
d'environ 4 500 dollars par mois.
Toutefois, la participation de médecins
cubains est organisée par l'Organisation
panaméricaine de la santé (OPS). Le
gouvernement brésilien verse les
salaires à l'OPS, qui transfère ensuite
les fonds au gouvernement cubain après
avoir prélevé une commission
administrative de 5%. Le gouvernement
cubain paie aux professionnels de la
santé travaillant au Brésil un salaire
mensuel de 1 245 $US et empoche le
reste.
Dans le cadre du
programme, le logement et la nourriture
des médecins sont payés par les
autorités locales. La plupart des
médecins cubains qui se sont portés
volontaires pour le programme
l’apprécient :
Yanet Rosales
Rojas, 30 ans, a passé trois ans dans la
ville brésilienne de Poços de Caldas, où
elle a gagné en moyenne plus de 10 fois
son salaire mensuel à Cuba. Elle est
retournée sur l'île l'année dernière et
a pu acheter un appartement à La Havane.
"Vous gagnez
beaucoup plus que ce que vous gagnez à
Cuba. J'ai toujours voulu voyager et
soigner des gens dans d'autres pays. Ce
fut une opportunité", dit-elle.
La location de
professionnels de la santé est la
principale exportation de Cuba, qui
rapporte plus que le tourisme : l'an
dernier, les services professionnels de
médecins et d'infirmières ont rapporté
11 milliards de dollars, contre 3
milliards de dollars pour le tourisme.
La possibilité de
gagner de l'argent à l'étranger est un
incitatif majeur pour étudier la
médecine, ...
Les médecins
reçoivent leur formation gratuitement à
Cuba. Les revenus que le Ministère
cubain de la santé publique tire de ce
programme servent à équiper les
cliniques cubaines et à importer des
médicaments. Cuba fournit des soins de
santé gratuits à ses citoyens.
Les médecins
cubains travaillant au Brésil ne
voulaient pas tous retourner dans leur
pays d’origine. Certains espéraient
continuer à travailler au Brésil, mais
leur pari sur les promesses de Bolsonaro
a
mal tourné :
Plus de 2 000
médecins cubains ont choisi de rester au
Brésil, défiant l'appel au retour. Mais
l'arrangement spécial avec Cuba ayant
pris fin, ils ne peuvent plus exercer la
médecine tant qu'ils n'ont pas validé un
examen - que le gouvernement brésilien
n'a plus proposé depuis 2017 et pour
lequel le ministère de la Santé n'a pas
encore fixé de date.
Les médecins ont
non seulement perdu leur emploi
professionnel et leur revenu, mais ils
doivent maintenant aussi accepter un
travail à faible revenu.
Bolsonaro a promis
de remplacer les médecins cubains par
des médecins brésiliens. Mais ils sont
trop peu nombreux. Ils ne veulent pas
non plus travailler dans des villes
éloignées ou dans des bidonvilles :
En février, il
semblait que M. Bolsonaro tiendrait sa
promesse : le ministère de la Santé
nationale a annoncé que tous les postes
laissés vacants par le retrait des
cubains avaient été occupés par des
médecins brésiliens. Mais en avril, des
milliers de nouvelles recrues avaient
déjà démissionné ou ne se présentaient
plus à leur travail.
Au total, quelque
28 millions de personnes au Brésil ont
perdu l’accès à un médecin :
"Dans plusieurs
États, les cliniques de santé et leurs
patients n'ont pas de médecins", a
déclaré Ligia Bahia, professeur à
l'Université fédérale de Rio de Janeiro.
"C'est un pas en arrière. Cela
entrave les diagnostics précoces, le
suivi des enfants, des grossesses et la
poursuite des traitements déjà en
cours."
L’administration
Trump apprécie les mesures prises par
Bolsonaro. Elle veut priver Cuba de
l’accès aux devises fortes qu’apporte la
location des médecins. C’est aussi l’une
des raisons pour lesquelles elle vise
le Venezuela :
Environ 50 000
professionnels de la santé cubains
travaillent dans 66 pays à travers le
monde, dont environ la moitié au
Venezuela et 11 456 au Brésil.
Les médecins
cubains au Brésil sont partis et les
États-Unis font pression pour que ceux
du Venezuela partent aussi. Le
conseiller à la sécurité nationale de
Trump, John Bolton,
prétend à tort que les médecins
cubains au Venezuela sont des militaires
qui devraient quitter le pays.
Les Forces armées révolutionnaires
cubaines ne disposent au total que
de 39 000 soldats réguliers. Dire que
plus de la moitié d’entre eux se
trouvent au Venezuela, bien qu’on n’en
ait jamais vu, est quasiment du délire.
L’administration
Trump cherche
d’autres moyens de détruire le
programme cubain de location de
médecins :
En 2006,
l'administration George W. Bush lançait
le Programme de libération
conditionnelle des professionnels de la
santé cubains (CMPP). L'idée était de
persuader les médecins cubains à
l'étranger d'abandonner leur poste et de
s'installer aux États-Unis. Les
programmes de solidarité médicale de
Cuba, en place depuis un demi-siècle, en
souffriraient. Le président Obama a mis
fin au CMPP en janvier 2017. Maintenant,
le gouvernement américain veut le
rétablir.
Certains ont
comparé la location de médecins cubains
à d’autres pays à de la « traite
humaine ». Mais ce n’est en rien
différent de ce que font IBM ou
d’autres entreprises lorsqu’elles
forment leur personnel et les envoient
comme consultants dans d’autres pays et
entreprises. Les consultants perçoivent
un revenu plus élevé qu’à la maison mais
leur entreprise garde une important
partie de ce que le client paie.
Le programme des
docteurs cubains est bon pour le peuple
cubain. Des dizaines de millions de
personnes dans d’autres pays d’Amérique
latine et d’Afrique en dépendent pour
leurs soins de santé de base.
L’administration
Trump vient d’envoyer le navire-hôpital
USNS Comfort pour « aider les
réfugiés du Venezuela ». C’est de
l’humanitarisme factice. La crise que
les sanctions américaines sur le
Venezuela causent au Venezuela crée plus
de dommages que mille navires de ce type
ne pourraient compenser. Que les
États-Unis, et le gouvernement de droite
qu’ils soutiennent, aient l’intention de
détruire le programme médical cubain
montre qu’ils n’ont pas du tout
l’intention de s’occuper des gens dans
le besoin.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par jj pour le Saker Francophone
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