Proche-Orient
« Soyez sympa » – Trump a demandé à
l’Iran
de l’autoriser à bombarder le
pays
Moon of Alabama
Mercredi 10 juillet 2019 Par
Moon of Alabama – Le 8 juillet 2019
Le 20 juin,
l’Iran abattait un drone espion
américain. Le président américain Trump
décidait ensuite de ne pas riposter. La
Maison-Blanche et les médias ont affirmé
que Trump avait ordonné une frappe
contre l’Iran mais l’avait annulée à la
dernière minute. Ce jour-là nous avions
expliqué que c’était probablement
des conneries :
Toute l'histoire
disant "qu’une frappe a été ordonnée
mais que Trump l’a annulé pour épargner
des vies" pourrait bien être fausse.
...
Une frappe en
représailles pour le drone abattu n'a
peut-être jamais été une option. Une
autre interprétation est que les
États-Unis ont cherché à obtenir
l'accord de l'Iran pour pouvoir exercer
une "frappe" symbolique. Ils
frapperaient un endroit désertique et
vide pour permettre à Trump de tirer son
épingle du jeu. L'Iran aurait été en
désaccord avec ce plan.
L’ambassadeur
britannique aux États-Unis, qui a
divulgué hier des informations à
Londres, est d’accord avec cette
position :
[Sir Kim Darroch] a
remis en question l'affirmation récente
de Trump selon laquelle il aurait annulé
une frappe de missile sur l'Iran parce
qu'elle aurait fait 150 victimes, disant
que cette histoire "ne tient pas
debout".«Il est plus
probable qu'il n'a jamais été
totalement investi dans l’affaire et
qu'il s'inquiétait de ce à quoi
ressemblerait cet oubli apparent des
promesses électorales faites en 2016,
quand viendra 2020, la prochaine
élection présidentielle.»
Elijah Magnier a
expliqué que Trump avait demandé à
l’Iran de l’autoriser à contre-attaquer,
mais que ce dernier avait refusé la
demande :
Selon des sources
bien informées, l'Iran a rejeté une
proposition des services de
renseignements américains - faite par
l'intermédiaire d'une tierce partie -
visant à permettre à Trump de bombarder
un, deux ou trois objectifs précis,
choisis par l'Iran, afin que les deux
pays puissent apparaître comme des
gagnants et que Trump puisse tirer son
épingle du jeu. L'Iran a catégoriquement
rejeté l'offre et a envoyé sa réponse :
même une attaque contre une plage vide
iranienne déclencherait un tir de
missiles contre des objectifs américains
dans le Golfe.
Un général iranien
confirmait hier la position de
Magnier (également
ici) :
Un haut général
iranien a révélé que Washington, par la
voie diplomatique, avait récemment
demandé à Téhéran de lui permettre de
mener une opération à petite échelle
dans l'espace aérien iranien afin de
sauver la face à la suite de l'attaque
d'un drone espion américain par l'IRGC
[Le Corps des Gardiens de la
Révolution]. Le général de
brigade Gholam Reza Jalali, chef de
l'Organisation iranienne de protection
civile, a déclaré que l'Iran avait
rejeté avec véhémence la demande
américaine, affirmant qu'il répondrait à
tout acte d'agression.
"La République
islamique d'Iran a répondu qu'elle
considérait toute opération comme une
guerre et qu'elle y apporterait une
réponse écrasante. Vous pouvez
déclencher une guerre, mais c'est l'Iran
qui la terminera", a-t-il déclaré
dimanche.
L’idée que les
États-Unis demandent à l’Iran de lui
permettre de bombarder certaines cibles
sans riposter semble dingue.
Cher M. Rouhani,
Pourriez-vous
m’indiquer trois cibles dans votre pays
que j'aurais le droit de bombarder ?
C'est urgent, car je dois paraitre dur
avec l'Iran. Soyez sympa, s'il vous
plaît !
Donald Trump
Mais ainsi est la
Maison Blanche de Trump et la seule
chose dont Trump semble vraiment se
soucier sont ses taux de sondage. Trump
veut un nouvel accord nucléaire avec
l’Iran. Un portant sa signature et pas
celle d’Obama.
Qu’y-a-t-il de si
mauvais dans cet accord avec l’Iran ?
La signature d’Obama.
Le fait que Trump
ait atomisé un accord tout en faisant
pression pour en obtenir un nouveau
montre qu’il n’a pas la moindre idée de
la façon dont l’Iran, ou tout autre pays
indépendant, réagit à de telles
pressions. Il n’y aura pas de
pourparlers tant que Trump n’aura pas
rejoint l’accord et levé les sanctions :
Les États-Unis ont
envoyé plus de 60 délégations
diplomatiques en Iran en tant que
médiateurs pour des pourparlers avec
l'Iran, mais le dirigeant de la
révolution islamique a rejeté les appels
à des pourparlers lancés par les
États-Unis et l'Iran a commencé à
réduire ses engagements, conformément au
JCPOA.
L’administration
Trump semble avoir vraiment pensé que
l’Iran ne réagirait pas à ses sanctions
toujours plus sévères en dépassant les
limites techniques de l’accord
nucléaire, ce qu’il
fait pourtant maintenant. En
novembre dernier, le secrétaire d’État
Pompeo avait
déclaré que l’Iran n’oserait pas le
faire :
Interrogé sur ce
que ferait l'administration si les
Iraniens redémarraient leur programme
nucléaire, M. Pompeo a répondu :
"Nous sommes convaincus que les Iraniens
ne prendront pas cette décision.»
C’était bien sûr
absurde. Pourquoi s’attendre à ce que
l’Iran s’en tienne à un accord dont il
ne bénéficie pas ? De tels
vœux pieux n’ont aucun fondement
dans la réalité :
Un responsable
américain familier avec la question
déclarait dimanche à POLITICO que
l'équipe de Trump espère trois choses :
que l'Europe impose des sanctions à
l'Iran pour l'empêcher de violer
davantage l'accord ; qu'un mécanisme
financier que les Européens ont mis en
place pour aider l'Iran à obtenir des
biens non sanctionnés réussisse ; et que
les récentes manœuvres militaires
américaines au Moyen-Orient soient
suffisantes pour empêcher une escalade
militaire.
"Fondamentalement, nous voulons qu'ils
restent dans l'accord", a dit le
responsable américain, lorsqu'on lui a
demandé pourquoi l'administration Trump
voulait que le mécanisme financier
européen, connu sous le nom d'INSTEX,
fonctionne. Il n'y a aucun désir de
s'engager dans une guerre totale avec
l'Iran ou de le voir construire une arme
nucléaire, a dit le responsable.
Pour l’instant, il
est
peu probable que l’Europe impose des
sanctions à l’Iran pour un accord que
Trump a rompu. Si c’était le cas, tout
l’accord du JCPOA serait annulé. INSTEX
est une blague. Ce système ne
« permet » pas à l’Iran de vendre
son pétrole, uniquement d’acquérir des
biens humanitaires qui ne font pas
l’objet de sanctions. C’est pire que le
programme Pétrole contre nourriture des
années 1990 qui a causé une destruction
économique majeure en Irak. L’Iran ne
craint pas la puissance militaire
américaine. Les moyens militaires
américains au Moyen-Orient ne sont pas
dissuasifs. Ce ne sont que des cibles.
L’Iran sait que Trump veut éviter une
guerre.
La politique peu
réfléchie des États-Unis permettra à
l’Iran de dominer, en cas d’escalade.
Comme ce dernier l’a annoncé, il peut
accroître ses activités nucléaires tous
les 60 jours, et il le fera. Les
pétroliers et d’autres capitaux ennemis
autour du Golfe subiront plus de dégâts.
Trump subira une pression de plus en
plus forte. Les actions de l’Iran, comme
le sabotage de certains navires près de
Fujairah, donnent déjà
des résultats :
La demande en
carburant pour navires, à Fujairah, la
plaque tournante de la navigation
côtière des Émirats arabes unis près du
détroit, a diminué car certains
pétroliers préfèrent se tenir à l'écart,
selon des négociants qui participent au
marché régional.
L’ambassadeur
britannique ne s’attend à
aucun changement dans la politique
confuse de la Maison-Blanche vis-à-vis
de l’Iran :
Une note de
service, envoyée par Sir Kim le 22 juin,
fait référence à une politique
américano-iranienne "incohérente et
chaotique", ajoutant qu’ «il est
peu probable que la politique américaine
à l'égard de l'Iran devienne plus
cohérente à l’avenir. Il s'agit d'une
administration divisée".
Mais la politique
britannique à l’égard de l’Iran n’est
pas meilleure. D’un côté, elle est
signataire de l’accord nucléaire avec
l’Iran et prétend vouloir le faire
respecter. De l’autre côté, elle suit
les ordres de la Maison-Blanche et
détourne un pétrolier qui transporte
du pétrole iranien en prétendant qu’il
se rend en Syrie. La Grande-Bretagne n’a
absolument
aucune base légale pour un tel
geste. Même l’ancien premier ministre
suédois et prétendu agent de la CIA,
Carl Bildt, trouve ce comportement trop
grossier :
Carl Bildt @carlbildt
-
21h24 - 7 juillet 2019La légalité de la
saisie par le Royaume-Uni d'un pétrolier
se dirigeant vers la Syrie avec du
pétrole en provenance d'Iran m'intrigue.
Il y est fait référence aux sanctions de
l'UE à l'encontre de la Syrie, mais
l'Iran n'est pas membre de l'UE. Et
l'UE, par principe, n'impose pas ses
sanctions aux autres. Seuls les
États-Unis le font.
Le vice-ministre
iranien des Affaires étrangères, Abbas
Araqchi, a
qualifié l’acte britannique de
« vol » et a déclaré que le navire
ne se rendait pas en Syrie. Sa véritable
destination
serait « un nouveau client du sud
de l’Europe » pour le pétrole
iranien, probablement l’Italie. Le
ministre iranien de la Défense, le
brigadier-général Amir Hatami,
a promis de répondre à l’acte de
piraterie britannique.
Comme d’habitude,
la réponse sera asymétrique et viendra
au moment et à l’endroit choisis par
l’Iran.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan,
relu par Jj pour le Saker Francophone
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