Algérie
Que se passe-t-il au sommet du pouvoir ?
Lahouari Addi
Mardi 14 avril 2020
Des informations font état de
l'arrestation ou de la fuite du général
Bouazza Ouassini, chef de la DGSI,
héritière des missions de l'ancien DRS.
Il semblerait qu'il ait refusé que son
adjoint, nommé il y a à peine une
semaine, ait des attributions plus
importantes que les siennes dans la
gestion de ce service. Ce conflit n'est
pas une simple dispute autour
d'attributions administratives dans un
service dépendant de l'Etat-Major. Il
révèle des divergences profondes dans le
corps des Grands Electeurs et dans
l'appréciation personnelle de la
situation politique aggravée par la
chute vertigineuse des prix du pétrole
et la menace que fait peser la pandémie
du Covid-19. Il est presque certain que
les généraux ne sont pas d'accord sur le
degré de liberté accordé au président
Tebboune pour gérer la crise et choisir
ses collaborateurs.
Le modèle politique algérien, que le
hirak conteste, est celui d'un appareil
d'Etat où la DGSI aujourd'hui, et le DRS
hier, gèrent le champ politique en
domestiquant les partis, en surveillant
la presse et en choisissant des civils
dociles pour diriger l'administration
gouvernementale. Ces civils sont aussi
surveillés en aval et n'ont pas
l'autorité pour s'imposer comme hommes
d'Etat. L'appareil militaire limite le
cercle de la décision politique à une
trentaine de généraux qui, dans les
années 1990, ont été unis contre les
islamistes, et qui entre 2000, et 2014,
ont maîtrisé leurs divergences grâce à
l'aisance financière de l'Etat. Face à
l'imminence de la disparition rapide de
la réserve financière des 60 milliards
de dollars, à la chute durable des prix
du pétrole, aux conséquences
imprévisibles de la pandémie du Covid-19
et de la reprise probable des
manifestations hebdomadaires dans
quelques mois, les généraux sont désunis
plus que jamais sur la stratégie à
adopter. Certains voudraient profiter de
la situation pour étendre leur influence
sur l'appareil d'Etat, d'autres
défendent leurs positions et d'autres
encore, plus jeunes, cherchent des
solutions à moyen ou long terme pour
faire sauver le système moyennant
quelques concessions. .
S'il y a une leçon à tirer, c'est que le
monopole de la politique par des
généraux est dangereux pour la stabilité
du pays et son avenir. Si les clans
rivaux des généraux recrutent des
fidélités parmi les colonels et les
commandants, l'unité du pays et de
l'armée est en danger. Par ailleurs, les
aristocraties militaires ont toujours eu
recours à élites civiles opportunistes
et incompétentes pour diriger les
services de l'Etat, ce qui empêche ce
dernier d'être efficace dans le
développement économique, social et
culturel de la société. Si les
Occidentaux, qui ont une plus grande
expérience que l'Algérie dans la
construction de l'Etat, ont écarté les
militaires des affaires politiques, ce
n'est pas par anti-militarisme. "On peut
tout faire avec une baïonnette, sauf
s'asseoir dessus" disait l'homme d'Etat
français Clémenceau.
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