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Algérie
Comment interpréter
le dernier discours
de Gaid Salah?
Lahouari Addi
Jeudi 11 juillet 2019
C'est peut-être le discours le plus
agressif et le plus mauvais de Gaid
Salah depuis le 22 février. Traiter de
traîtres ceux qui demandent un Etat
civil contredit de façon flagrante les
différentes déclarations selon
lesquelles l'ANP accompagne le hirak. Il
y a deux raisons à cet énervement.
La première est que l'EM s'est rendu
compte que les relais civils qu'il a
sollicités pour faire réussir la réunion
du 6 juillet ont été inefficaces et
n'ont pas la crédibilité qu'ils ont
prétendu avoir. Avec un FLN et un RND
infréquentables et des partis islamistes
en baisse d'influence, le néo-DRS n'a
pas trouvé de relais crédibles dans la
société pour convaincre une partie des
manifestants du vendredi. L'EM comptait
sur la réunion du 6 juillet pour
envisager une élection présidentielle
vers novembre-décembre 2019. L'EM n'aura
pas "son" président dans les délais
escomptés, et cela énerve Gaid Salah.
La deuxième raison est que, pour la
première fois depuis l'indépendance, le
pays n'a pas de président légal ou
légitime selon les normes même du
régime. L'EM apparaît comme l'instance
qui prive le pays d'avoir un président
et qui fait perdurer la crise politique.
Gaid Salah ne veut pas reconnaître et
assumer ce blocage qu'il impute "à des
traîtres qui haïssent le pays et l'ANP".
De mon point de vue, le blocage va
perdurer jusqu'à septembre-octobre. Si
les manifestations du vendredi ne
baissent pas en nombre, l'EM va céder du
terrain pour discuter des prérogatives
constitutionnelles du futur chef d'Etat
à élire qui n'aura pas cependant
d'autorité sur l'armée. Ce serait un
compromis qu'une grande partie de la
population accepterait. Ce serait un pas
vers la construction de l'Etat en
Algérie. Si on se réfère aux expériences
européennes de construction de l'Etat,
les monarques n'ont pas renoncé à leurs
pouvoirs du jour au lendemain. Le pays
est dans la bonne direction. Cette
génération aura l'Etat que les
générations précédentes n'ont pas eu. A
condition de sauvegarder le caractère
pacifique des manifestations et d'être
conscients que beaucoup de militaires
aspirent aussi à un Etat de droit qu'ils
serviront avec loyauté. Personne en
Algérie ne hait l'ANP qui est un acquis
historique du mouvement national.
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