Algérie
Scènes de vote à
Marseille
Lahouari Addi
Samedi 7 décembre 2019
Le consulat
d'Algérie a loué un espace au Palais des
Congrès au Prado, Marseille, pour les
opérations de l'élection présidentielle.
Devant l'immeuble en question, il y a
des barrières de sécurité et des vigiles
d'une société de sécurité. Les bureaux
étaient ouverts depuis 8h du matin et
seront ouverts jusqu'à 19h du samedi 7
au jeudi 12 décembre. J'arrive vers 14h,
et je me mêle avec la cinquantaine de
hirakistes portant des emblèmes
nationaux et des pancartes hostiles à
l'élection. De temps à autre, à peu près
toutes les dix minutes, se pointent des
personnes âgées, seules ou à deux et
trois,. Lorsqu'ils se dirigent, au
milieu des barrières, vers la porte de
l'immeuble, des voix se lèvent pour leur
lancer des slogans hostiles. "Vous votez
contre votre pays, pensez à vos enfants
et petits-enfants, ya Ali klaw el
bled...". Certains votants téméraires
défient les protestataires, d'autres se
cachent le visage avec les mains pour ne
pas être pris en photo par les
téléphones portables. Un citoyen,
accompagné de ses deux enfants, qui
allait voter, rebrousse chemin sous les
cris de joie, et les hirakistes se ruent
vers lui pour l'embrasser.
Entre 14h et 17h, il n'y a ,pas eu plus
d'une cinquante de personnes qui ont
franchi la porte du bureau de vote. Je
me rapproche d'un vieil immigré au
parking se dirigeant vers les barrières.
Je lui demande s'il va voter pour des
candidats qui ont appartenu au système
Bouteflika. Il me répond: "Je ne vote
pour aucun candidat. Je vote pour Gaid
Salah qui va mettre tous les corrompus
en prison". Je lui réponds que le peuple
dans sa majorité ne veut pas de cette
élection. Il répond: "Si l'élection n'a
pas lieu, il y aura des troubles en
Algérie et le pays sera divisé. La
France n'attend que cela pour
intervenir. Et je ne veux pas que la
France retourne en Algérie".
Vers 16h, à la demande des autorités
consulaires, quatre véhicules de police
arrivent, déversant une dizaine de
policiers dirigés par une femme gradée,
âgée d'une quarantaine d'années. Elle
demande aux hirakistes de quitter les
lieux parce qu'ils n'ont pas le droit,
dit-elle, d'empêcher les gens de voter.
Un hirakiste lui dit: Madame l'officier,
nous avons l'autorisation de la
préfecture pour manifester ici pour deux
jours, aujourd'hui et demain. "Vous avez
l'autorisation de manifester
pacifiquement, mais pas d'empêcher vos
concitoyens de voter", répond-elle
sèchement. "Nous n'empêchons personne,
rétorque un jeune portant une pancarte,
nous essayons de les dissuader de voter
contre leur pays". Aussitôt, l'officier
est entourée par une dizaine de jeunes
qui lui expliquent le pourquoi des
manifestations en Algérie. Un échange
verbal surréaliste s'installe.
L'officier dit comprendre ce qui se
passe en Algérie, mais la démocratie
demande du temps pour être construite.
L'un d'eux lui dit: "Notre pays est
dirigé par des militaires corrompus qui
veulent nous imposer un président
impliqué dans un trafic de cocaïne". Un
autre ajoute ajoute: "S'il est élu, il
exportera la cocaïne vers la France;
d'ailleurs son fils est en prison pour
cela". C'est qui ce candidat demande
l'officier? On lui indique du doigt le
panneau où il y a la photo de Tebboune.
Perplexe, l'officier répond qu'elle est
chargée de faire respecter la loi et de
protéger l'ordre public. Aucune
arrestation n'a été opérée parce qu'il
n'y a eu aucune violence. La
cinquantaine de hirakistes se sont
éloignés pour se diriger vers la porte
centrale du Palais des Expositions en
chantant "makach al intikhabat ma'a el 'issabat".
La responsable de la police les
regardait s'éloigner, pensive, devant
probablement se dire: "Qu'est-ce que
j'aurais aimé que nos gilets jaunes
ressemblent aux hirakistes algériens".
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