Algérie
«Il n’y aura pas d’élection
et il ne peut pas y avoir d’élection»
Lahouari Addi
Mercredi 4 septembre 2019
Lahouari Addi, professeur de sociologie
à l’Institut d’études politiques de
Lyon, estime que « les conditions
politiques d’une élection ne sont pas
réunies. Aucun candidat sérieux ne se
présentera alors que des centaines de
milliers de personnes manifestent tous
les vendredis ». Entretien.
Dans son dernier
discours, prononcé aujourd’hui lundi,
Gaïd Salah déclare qu’il est «opportun
de convoquer le corps électoral le 15 du
mois de septembre courant». Quel est
votre avis concernant cette nouvelle
annonce ?
L’annonce faite par
le général Gaid Salah est surprenante et
irréaliste. Mais il faut savoir que l’Etat-Major
est composé de plusieurs généraux, vieux
et jeunes, et ils n’ont pas le même avis
sur la sortie de crise. Pour moi,
l’explication de cette annonce est que
les softliners ont poussé les hardliners
à organiser une élection présidentielle
vers la mi-décembre. L’élection n’aura
pas lieu pour des
raisons évidentes, et cela renforcera le
softliners. Gaid Salah sera obligé
de démissionner. Je pense que l’EM sera
renouvelé vers la mi-octobre
pour permettre une sortie de crise
acceptable par la population.
Vous dites que
cette annonce est surprenante et
irréaliste. Pourquoi ?
Les conditions
politiques d’une élection ne sont pas
réunies. Aucun candidat sérieux ne se
présentera alors que des centaines de
milliers de personnes manifestent tous
les vendredis. S’il y a des candidats,
ils ne pourront pas tenir des meetings
électoraux. Et même si la campagne se
mènera à huis clos et sur les plateaux
de la télévision publique, les citoyens
empêcheront le moment venu l’ouverture
des bureaux de vote. Les services de
sécurité, même aidés par l’armée, n’ont
pas suffisamment de personnel pour
protéger des milliers de bureaux de
vote. Il n’y aura pas d’élection et il
ne peut pas y avoir d’élection.
Des milliers de
manifestants appellent, depuis des
semaines, à la désobéissance civile…
Le hirak est la
désobéissance civile par excellence.
Aucun wali ou ministre ne se rend sur le
terrain. Les permanences locales du
panel sont fermées par les citoyens dans
différentes villes. Le pouvoir s’adresse
à la population à partir de casernes.
C’est l’état de siège à l’envers. La
population a mis le gouvernement et le
pouvoir réel sous un état de siège. La
population va continuer dans
la désobéissance civile pacifique
jusqu’à obtenir une négociation pour
une transition vers un autre régime.
Ceux qui cherchent à paralyser les
institutions ou à gêner l’économie
nationale par des grèves sauveront,
consciemment ou inconsciemment, le
régime. Je mets cela sur le compte de
l’impatience de certains hirakistes
sincères, ou de la provocation des
résidus du régime.
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