Russie politics
L'OIAC et les fausses attaques chimiques
en Syrie :
la Russie refuse de financer
ces dérives
Karine Bechet-Golovko
Samedi 30 novembre 2019
L'Organisation pour
l'interdiction des armes chimiques est
de plus en plus impliquée dans le
scandale des fausses attaques chimiques
de Douma en Syrie, imputée par la
communauté internationale à l'armée
syrienne régulière. Cela a été rendu
possible par la réforme de 2018 de
l'organisation, à l'initiative de la
Grande-Bretagne, visant à lui attribuer
des compétences pour désigner les Etats
responsables des attaques chimiques,
compétences faisant étonnamment doublon
avec celles du Conseil de sécurité de
l'ONU. A l'occasion du vote du budget
2020, la Russie s'est opposée à financer
cette branche non conventionnelle de
l'OIAC. En 2018, Londres,
surfant sur la vague politico-médiatique
des mythiques attaques chimiques russes,
avait vendu aux membres de l'OIAC la
mise en place d'une procédure permettant
de désigner un Etat comme responsable
d'une attaque chimique.
Déjà à l'époque, la Russie s'était
opposée à cette initiative, se
fondant à la fois sur les risques réels
de politisation, et donc de
délégitimation de l'OIAC, et sur
l'exclusivité des compétences du Conseil
de sécurité de l'ONU en l'espèce. Il est
vrai que dans le cadre du Conseil de
sécurité, la Russie dispose, à la
différence de l'OIAC, d'un droit de
véto. Le nouveau mécanisme est donc bien
une attaque dirigée contre le droit de
véto de la Russie au Conseil de
sécurité, qui est un instrument-clé de
protection de la souveraineté des Etats,
puisqu'ils ne peuvent, ainsi, se voir
contraindre par des décisions auxquelles
ils se sont opposés.
Vue la manière dont
évolue la pseudo-enquête de l'OIAC
concernant les attaques chimiques en
Syrie, les craintes de la Russie se
voient confirmées. Il est vrai que les
journalistes russes avaient déjà
retrouvé l'enfant qui était censé être
victime d'une attaque chimique et que
celui-ci avait déclaré qu'il s'agissait
d'une mise en scène organisée par les
Casques blancs contre de la nourriture (voir
notre texte ici). Mais son
témoignage avait été passé sous silence
par la communauté internationale.
Maintenant,
confortant la version russe, alors
qualifiée de manipulation de
l'information, des fuites organisées par
Wikileaks révèlent que le soi-disant
rapport de cette organisation sur les
attaques chimiques de Douma a été
truqué. C'est ce qui ressort de
l'échange de mails entre deux
membres de l'Organisation. Extraits :
L'expéditeur de
l'e-mail, qui se présente comme un
membre de la mission envoyée en Syrie en
avril 2018 par l'OIAC pour tenter de
faire la lumière sur l'attaque présumée,
affirme à l'un de ses supérieurs que des
reformulations «trompeuses» ainsi que
des omissions «sélectives» figureraient
selon lui dans «la version corrigée
[préliminaire] du rapport de la mission
d'enquête», qui sera finalement
publié officiellement le 1er mars
2019. «Un parti pris involontaire a été
introduit dans le rapport, mettant à mal
sa crédibilité. Dans d'autres cas,
certains faits cruciaux qui ont été
maintenus dans la version corrigée se
sont transformés en quelque chose
d'assez différent de ce qui a été rédigé
dans l'ébauche», remarque celui qui a
été identifié par WikiLeaks comme un
expert de l'OIAC. Entre autres
réécritures significatives, l'auteur
cite un passage des conclusions du
rapport préliminaire (dans sa version
corrigée) selon lequel «l’équipe dispose
à l’heure actuelle de preuves
suffisantes pour établir que du chlore,
ou un autre produit chimique réactif
contenant du chlore, était
vraisemblablement libéré des
bouteilles». Et de faire
remarquer qu'une telle affirmation «ne
s’appuie pas sur les faits». «Le rapport
initial soulignait délibérément le fait
que, bien que les bouteilles aient pu
être à l'origine de la libération
suspectée de produits chimiques, les
preuves étaient insuffisantes pour
l'affirmer [...] C'est un écart majeur
par rapport au rapport d'origine»,
s'indigne encore l'auteur de l'e-mail.
Nous sommes
finalement confrontés aux dérives
classiques des organes
pseudo-judiciaires, qui sans aucune
garantie d'indépendance et ne pouvant
défendre un fantasmagorique "intérêt
général mondial" qui n'existe pas,
ne sont que le reflet des intérêts
politiques concrets des plus forts du
moment.
Lors des
discussions concernant l'établissement
du budget pour 2020 de l'OIAC, la
Russie, s'est opposée au paiement de
ces activités extraconventionelles. Le
budget a quand même été adopté par 106
voies sur 125 des délégations présentes.
19 délégations nationales se sont
opposées, 17 ont refusé de participer au
vote et 11 ... sont allées boire un café
au moment du vote, étant donc absente de
la salle pour le vote. Finalement, la
Russie a décidé de payer sa part
conventionnelle de financement de
l'OIAC, mais non pas ce qui concerne ces
nouvelles attributions, contestées et
contestables.
Le représentant
russe a
déclaré :
«La Russie voudrait
exprimer ses plus profonds regrets
(...). Une fois de plus, nous nous
trouvons dans une situation où plusieurs
États membres ont choisi de ne pas tenir
compte de l’opinion de la Fédération de
Russie et d’un certain nombre d’autres
contributeurs importants»
D'une manière
générale, ces organismes internationaux
sont le reflet de l'emprise du
globalisme atlantiste et la Russie se
trouve dans la délicate position à la
fois, en raison d'une absence
d'alternative réelle aujourd'hui à ce
monde global contesté mais toujours bien
vivant, de participer sans avoir la
moindre maîtrise des règles du jeu, et
de devoir défendre son espace vital dans
un contexte conflictuel extrême sur un
terrain perpétuellement glissant.
Les mails révélés
de l'OIAC :
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