Russie politics
Elections présidentielles: la Russie
s'émancipe
des observateurs internationaux
occidentaux
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 29 novembre 2017
En vue des élections présidentielles et
du contexte international
particulièrement tendu, la Russie a
décidé de revoir sa politique en matière
d'observation internationale, pratique
de tutelle politique internationale
particulièrement sélective, jouant
finalement un rôle destructeur sur la
légitimité des Etats.
L'observation internationale des
processus électoraux est le mécanisme
par lequel des Etats et des
organisations internationales envoient
des représentants pour surveiller la
manière dont les élections sont
préparées, analyser la législation,
surveiller les opérations de vote et
finalement donner un "label de
qualité démocratique" aux résultats.
En soi, ces
mécanismes ont beaucoup évolué. Le
premier cas rapporté dans l’histoire
moderne de l’observation internationale
des élections remonte à 1857,
lorsqu’une commission européenne formée
par les représentants de l’Autriche,
l’Angleterre, la France, la Prusse, la
Russie et la Turquie ont observé les
élections générales tenues dans
les territoires controversés de
la Moldavie et de la Wallachie.
Les organisations
internationales et les représentants des
gouvernements ont surveillé les
événements électoraux qui se sont
déroulés depuis la Première Guerre
mondiale, et ce phénomène s’est
généralisé au cours de la période
suivant la seconde Guerre mondiale.
L’observation était alors menée sous les
auspices des Nations Unies, qui
concentraient ses efforts sur les
territoires non souverains,
conformément aux dispositions de leur
Charte qui leur interdisait d’intervenir
« dans des affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence
nationale d’un Etat ». Mais ce n’est que
depuis ces deux dernières décennies,
après la chute du Mur de Berlin que la
rupture a eu lieu. En 1990, dans
le cadre de l'OSCE, les Etats se sont
engagés à inviter mutuellement des
observateurs faisant entrer
l'observation à l'intérieur des
Etats souverains. Ainsi,
l'observation électorale est devenue un
instrument d'intrusion dans la
souveraineté.
Mais un instrument
particulièrement sélectif, car tous les
Etats ne sont pas soumis au même degré
de contrôle. Globalement, les Etats
occidentaux bénéficient d'une
présomption de démocratie qui permet
de réduire l'observation au minimum,
c'est-à-dire à l'analyse de la
législation. Enc e qui concerne
l'Europe, les pays de l'Est
bénéficient, eux, d'une présomption
de non-démocratie, justifiant
l'obligation faite, années après années,
de recevoir et d'attendre le verdict,
diffusé devant les ondes nationales, de
ces arbitres suprêmes.
Ce spectacle porte
inévitablement atteinte à l'image du
pays à l'intérieur, donc à la légitimité
du pouvoir en place, montré comme soumis
au verdict de la communauté
internationale.
Vu le contexte
géopolitique, la
Russie vient de déclarer réfléchir à
la réduction du nombre d'observateurs
venant de pays développant une politique
russophobe, l'objectivité de ces
observateurs pouvant non seulement
laisser à désirer, mais il est important
d'éviter toute ingérence dans les
opérations électorales.
Ainsi, les pays
comme la France, les Etats Unis, la
Grande Bretagne, l'Ukraine et les Pays
Baltes, qui par ailleurs ont refusé
d'inviter des observateurs russes,
risquent de ne pas être invités non
plus, en réponse. En contre partie, des
observateurs venant de pays dont la
politique n'est pas russophobe,
notamment les pays asiatiques, pourra
être renforcée, permettant un
rééquilibrage des forces.
D'une manière
générale, le travail des observateurs va
être repensé, pour éviter toute
ingérence possible et préserver le
caractère technique, et non politique de
leur activité.
Cette prise de
conscience est un pas important dans la
politique intérieure russe, une forme
d'émancipation. Qui évidemment
provoquera le mécontentement de la
communauté internationale et le soupçon
de manipulation des élections
intérieures. Mais, soyons sincères, ce
mécontentement et ces soupçons auraient
de toute manière existés.
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