Russie politics
Etats Unis, Alep, Al Nusra
et la radicalisation de la rhétorique
anti-russe
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 28 septembre 2016
La dernière réunion du Conseil de
sécurité de l'ONU à propos de la Syrie
le montre: se sentant perdre du terrain,
la position des Etats Unis se radicalise
et les pousse à la faute. La
représentante américaine accuse la
Russie de barbarie, pendant que l'on
retrouve des armes américaines dans les
mains des groupes terroristes affiliés à
Al Nusra. Dans cette fuite en avant
suicidaire, l'on assiste également à la
décrépitude de la diplomatie européenne,
qui n'est qu'un cadavre de plus dans
cette guerre.
A la
demande des Etats Unis, de la France et
de la Grande Bretagne, le Conseil de
sécurité de l'ONU s'est réuni dimanche.
L'on peut en lire les raisons sur le
site officiel du Quai d'Orsay:
Le
régime de Bachar Al-Assad à
manifestement fait le choix de
l’escalade militaire, alors que chacun
sait qu’il n’y aura pas d’autre solution
au conflit en Syrie que politique. J’en
appelle donc à ses soutiens, la Russie
et l’Iran, à se ressaisir et à faire
preuve de responsabilité en mettant un
coup d’arrêt à cette stratégie qui
conduit à l’impasse. Sinon la Russie et
l’Iran seront complices des crimes de
guerre commis à Alep.
Selon
S. Power, ce que fait la Russie en Syrie
ce n'est pas de la lutte contre le
terrorisme, mais de la barbarie. Le
représentant britannique accuse la
Russie d'être responsable des crimes de
guerre commis en Syrie au même titre que
le régime d'Assad qu'elle soutient au
prix de la vie des civils. Et la
coalition dirigée par les Etats Unis de
conclure que si le processus de paix
échoue en Syrie, et cela est proche,
c'est de la responsabilité de la Russie
et d'Assad qui font tout pour continuer
la guerre. Lors de cette réunion du
Conseil
de sécurité, la Russie a
évidemment démentie ces accusations
gratuites, rappelant que les Etats Unis
soutenaient activement et militairement
les groupes non seulement dits
d"opposition" à Assad mais aussi Al
Nusra et qu'aucun travail n'était fait
pour les obliger à se différencier et à
entrer dans le processus politique. Sans
oublier la manipulation des images,
manipulation volontaire qui font passer
des blessés civils d'un endroit pour un
autre. La Chine a soutenu la position
russe, ce qui, étrangement lui a valu
d'être qualifiée par les Etats Unis de
plus grande menace nucléaire (avec ou
après la Russie, cela reste à
déterminer). Lorsque le représentant de
la Syrie a pris la parole, comme des
enfants gâtés, les diplomates européens
et américains ont démonstrativement
quitté la salle. Ils sont venus, ils ont
parlé, ils sont partis. Après eux le
déluge, l'opinion des autres n'a aucun
intérêt, surtout de celui que l'on
accuse ... d'être encore là. Et c'est
avec ce type de comportement d'une
arrogance dépassant les bornes de la
stupidité qu'ils donnent une leçon à la
Russie: en voyant ce qui se passe à Alep
et en Syrie, attention,la Russie à ne
pas abuser du privilège historique
qui lui fait avoir un siège permanent au
Conseil de sécurité. Rappelons que ce
"privilège" l'est pour tous les membres
permanents. Un "privilège" tout aussi
historique et non naturel. Ce droit a
été acquis par le sang. Celui de la
Seconde Guerre Mondiale et la présence
de la France dans ce club fermé n'a pas
été facile à imposer.
L'on
regrettera la position totalement
soumise de ce qui en d'autres temps
s'appelait la diplomatie européenne. Ces
grands pays se sont transformés en pays
satellites, donc des pays qui n'ont pas
à avoir de positions propres. Et l'on
peut lire des déclarations tout aussi
grandiloquentes que décalées de la
réalité, comme celle-ci:
En
tout cas, la position de la Russie est
ferme: elle ne fera plus de concessions
unilatérales, voyant l'absence de
motivation réelle de ses "partenaires"
américains à régler le conflit syrien,
utilisant la lutte contre le terrorisme
pour lutter contre Assad. Cette position
est renforcée par la déclaration du
porte-parole du Kremlin, D.
Peskov, qualifiant d'inacceptable la
réthorique américaine et britannique.
Cela est d'autant plus significatif, que
D. Peskov intervient très rarement sur
les questions de politique étrangère.
Il est
vrai que la position américaine devient
de plus en plus intenable dans les
faits, car les preuves de son
implication dans les massacres commis
émergent de toutes parts.
Le
journal allemand
Focus publie une interview
extrêmement dérangeante d'un des
combattants d'Al Nusra qui affirme que
les Etats Unis fournissent directement
des armes à leur groupe, rappelons -le,
considéré comme terroriste, même par les
Etats Unis. Mais ce groupe veut faire
tomber Assad à tout prix, donc la fin
justifie les moyens ... semble-t-il.
L'on
notera aussi un élément intéressant.
L'interview a été enregistré il y a une
dizaine de jours. Et déjà il affirmait
que le convoi humanitaire de l'ONU,
celui justement qui a été attaqué à
Alep, ne passera pas, sauf si l'armée
syrienne se retire. Autrement dit, si
l'armée abandonne la ville aux
terroristes, les combats cessant de
facto, alors le convoi humanitaire
pourra passer. La populatione st donc
bien prise en otage, non par les forces
d'Assad et la Russie, mais par les
terroristes soutenus par la coalition.
Quelle
ressemblance avec la position de la
coalition et presque mot pour mot ce que
dit le
ministre français des affaires
étrangères:
Il
appartient au Conseil de pousser en
faveur d’une cessation immédiate des
hostilités, d’abord à Alep, et de
permettre ainsi un accès de la
population à l’aide humanitaire
La
réaction américain est simple: le
porte-parole du Pentagone affirme ne
pas fournir d'armes à Al Nusra, puisque
le groupe est reconnu comme terroriste.
Mais l'on ne sait pas très bien à qui,
en fait, le Pentagone répond. Car le 23
septembre, le Président turc affirmait
que plus de la moitié des armes que les
Etats Unis venaient de fournir aux
kurdes étaient passées entre les mains
de Daesh.
Au-delà des "dires", il y a également
les faits. Qui confirment justement les
paroles. En libérant
Handarat, le camp de réfugiés
palestiniens au nord-est de Alep qui
était aux mains d'Al Nusra, de
surprenantes découvertes sont faites.
Des armes de l'OTAN de production
américaine abandonnées dans la fuite.
L'on se rappellera - et l'on comprendra
mieux maintenant - l'ignoble réaction
des Etats Unis lors de l'assassinat d'un
enfant de 11 ans, qui avait passé des
informations à l'armée syrienne, par ces
rebelles "modérés": il ne faut pas
généraliser, c'est une exception, ça ne
veut rien dire. En fait, ce n'est pas
une exception. Mais une pratique
dissuasive, d'intimidation. Les corps
des enfants et de ceux qui voulaient
partir ou aider à la lutte contre le
terrorisme étaient déposés en plein
milieu des carrefours centraux jusqu'à
pourrissement. Un message simple et
clair. Lancé par l'opposition modérée,
qui elle, manifestement, n'est pas
barbare aux yeux de S. Power.
Encore
un
exemple, en ce qui concerne
l'attaque des soldats syriens par la
coalition américaine. La présidente du
Parlement syrien a annoncé qu'ils
avaient intercepté des conversations
entre les militaires américains et Daesh
juste avant le bombardement de Deir
ezzor ayant conduit à la mort de plus de
80 soldats de l'armée régulière syrienne
et 100 blessés:
« L'armée syrienne a intercepté une
conversation entre les Américains et
Daech avant le raid américain à Deir
ez-Zor »
Après
les frappes, les Etats Unis ont
coordonné l'attaque des terroristes vers
Alep. La Syrie a promis de rendre public
plus de détails très prochainement.
Les
Etats Unis sont acculés, leur
crédibilité est au plus bas, ils ne
remportent plus aucune victoire réelle
depuis longtemps, ni sur le plan
diplomatique, ni sur le terrain. Il ne
reste que les pays européens, vidés de
leur sève, pour entretenir le mythe. La
question de la complicité dans les
crimes de guerre va effectivement finir
par se poser. Mais pour qui? Nous
attendons toujours les preuves de la
coalition ...
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