Russie politics
La sélection des sportifs russes et
la parodie olympique
Karine Bechet-Golovko
Mercredi 27 juillet 2016
Quand le CIO a annoncé sa décision de ne
pas sanctionner la Russie, mais de
laisser les fédérations internationales
décider de la composition des équipes
russes, en se fondant sur l'absence de
dopage, une vague de soulagement s'est
emparée des milieux sportifs et
politiques russes, qui ont fêté - un peu
vite - la victoire. Le véritable visage
de l'olympisme se révèle petit à petit à
travers le choix très sélectif et
totalement subjectif fait par cetaines
fédérations, là où la Russie était la
plus forte. Certes, des russes seront
présents aux JO de Rio, mais une grande
partie des plus médaillés sera absente.
Sans revenir sur l'illégalité de la
décision du CIO imposant l'absence
totale d'implication dans des affaires
de dopage, même lorsque la sanction a
déjà été exécutée, ce que le Comité
olympique russe avait étrangement
accepté, survient un nouvel argument.
Encore plus loin du droit. Totalement
étranger à la légalité, à l'état de
droit. Au principe de sécurité
juridique.
En se fondant sur une liste secrète et
non publiée de noms de sportifs russes
cités par le rapport McLaren, sans
qu'une véritable enquête n'ait été
menée, sans que ce rapport n'ait été au
minimum "estamplillé" par une
juridiction, alors que la véracité des
faits contenus dans ce rapport est mise
en cause par certains membres du CIO,
les milieux olympiques renoncent à la
Charte.
En effet, certains sportifs, dont les
échantillons ont été perdus ou
soi-disant interchangés, ouverts etc,
ont été inscrits dans une Liste spéciale
gardée secrète. Seulement, ces sportifs
ne sont pas toujours contrôlés en
Russie, pas par des laboratoires russes,
mais à l'étranger. Donc le sportif, qui
n' a pas la charge de garder ses
échantillons, est rendu fautif parce que
quelqu'un quelque part - pour l'instant
l'on ne sait pas qui ni où - a perdu des
échantillons.
Le principe de sécurité juridique
implique que toute personne sache à
l'avance où se trouve la frontière de
l'interdit et puisse ainsi régler son
comportement en fonction de cela. Elle
sait que si elle dépasse la frontière
elle sera sanctionnée, si elle reste en-deça
elle vivra tranquillement et pourra
exercer son métier, vivre sa vie.
Or, les sportifs russes sont privés de
ce principe avec la "liste secrète de
McLaren", qui a dû bénéficier d'un stage
de formation expresse à Guantanamo, vue
la zone de non droit qu'il instaure.
Ainsi, certains sportifs qui n'ont
jamais été touchés dans des affaires de
dopage ne particperont pas pour autant
aux JO de Rio. Ce qui permet de
destructurer les équipes, de se
débarrasser de concurrents et de
permettre à la Russie de participer,
mais au rabais. Quelque part à côté de
l'équipe d'Angola.
Par exemple, la Fédération
internationale
d'aviron a laissé passer 6 des 28
membres. Certains furent touchés par le
passé dans des affaires de dopage, même
si le délai est passé, ils ne
participeront pas. Mais d'autres, pris
individuellement dans différents
équipages, qui n'ont jamais été testés
positifs, mais figurent sur la liste
secrète McLaren sont privés de
compétition. Tout leur équipage ne
pourra donc pas participer. On notera
l'absence, par exemple, de Alekseï
Korovachkov, 5 fois champion du monde et
médaille de bronze aux Jo de 2012.
La Fédération internationale de
natation a fait également un beau
ménage. Morozov, Lobintsev et Oustinova
sont mentionnés dans la fameuse liste,
mais la fédération ne l'a appris que
lundi ... Alors que ces sportifs n'ont
jamais été contrôlés positifs, bien que
la plupart du temps contrôlés à
l'étranger. Deux d'entre eux se sont
entraînés toute l'année aux Etats Unis.
Donc, bien que remplissant les
conditions pour participer aux JO, ils
furent écartés.
Sans entrer dans le détail de chaque
fédération, on retiendra encore un
cas surprenant. La Fédération
internationale de
Volley Ball a écarté un joueur
important de l'équipe russe, Alexandre
Markine. Ce joueur, en mars, avait été
contrôlé positif au Meldonium. Mais
ensuite, en recontrôlant le dosage, il
est apparu clairement qu'il ne
s'agissait que de traces restant dans le
sang datant de prises lorsque le
médicament était autorisé. Il fut donc
lavé de tout soupçon par l'Agence
mondiale antidopage le 14 avril.
Pourtant, il ne participera pas.
Les sportifs vont, pour la plupart,
porter plainte devant le tribunal
sportif de Lausanne contre ces décisions
arbitraires des fédérations
internationales. Mais la nageuse russe
Y. fimova va aller plus loin. Elle a
décidé de porter plainte contre le CIO,
la Fédération internationale de natation
et également contre le Comité olympique
russe, qui non seulement n'a pas été en
mesure de défendre ses droits mais, en
acceptant la décision illégale du CIO,
participe à leur violation. Cette
position se comprend et oblige à
réfléchir.
La technique mise en place est
beaucoup efficace et vicieuse que celle,
primaire, demandée par l'USADA et la
Fédération internationale d'athlètisme.
Ne pas rejeter la Russie des JO, mais la
contraindre à participer avec une équipe
affaiblie et réduite, le tout en lui
faisant une faveur. La motivation, le
désir de revanche peut, certes; soutenir
les sportifs russes participants, mais
chacun a aussi des limites objectives.
Ainsi, la Russie, participant sous son
drapeau national, aura très certainement
un des plus mauvais résultats de son
histoire sportive. Il faudra encore
attendre les "suprises" qui peuvent
avoir lieu sur place
Plusieurs question se posent alors.
Jusqu'à quel point faut-il
"collaborer" avec ces structures
internationales soprtives?
Collaborer est aussi un moyen de
légitimer leur activité.
A quel moment fallait-il durcir le
ton et reprendre la main ou lieu de
constamment jouer selon leur calendrier?
L'on se rappellera de la gestion
désastreuse par le ministère du sport de
l'affaire du Meldonium. Pourquoi aucune
enquête n'avait été faite sur le temps
de présence dans le sang de ce produit
avant d'accepter la décision de l'AMA et
de condamner en série les sportifs
russes? Cette première faiblesse a
ouvert la porte au reste, car ce fut une
preuve de faiblesse justement. Autre
question: pourquoi le Comité olympique
russe accepte d'appliquer une décision
illégale du CIO, sans la contester
devant la justice? Pour sauver quelques
sportifs au détriment des autres? Mais
la Russie ne peut décider de qui elle
envoie, elle s'est liée les mains.
Et encore une question, la plus sensible
aujourd'hui, la plus douloureuse:
dans ces conditions, faut-il que les
sportifs russes participent sous drapeau
russe? Dans un premier temps, chacun
s'est battu pour avoir ce droit, ayant
en tête la composition "normale" de
l'équipe olympique russe. Or, ce qui va
rester de sportifs russes à Rio va-t-il
réellement représenter la Russie?
Les résultats seront mauvais, il est
difficilement envisageable qu'il en soit
autrement. Et qui va se souvenir que tel
grand sportif n'a pas participé, non pas
parce qu'il était touché par du dopage,
mais pour des raisons politiques?
Personne. La conclusion sera simple:
les résultats sont mauvais, parce que
les grands sportifs russes sont tous
dopés et sans eux la Russie est faible.
Finalement, il serait peut être bien que
Bild ne compte pas les résultats de la
Russie.
Décision difficile à prendre, mais quel
est l'intérêt de participer à cette
mauvaise parodie? Que les sportifs, qui
se sont entraînés y aillent c'est
normal, mais il y a des enjeux
politiques fondamentaux qui se jouent
ici.
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